Les 19 et 20 avril derniers, l’Institut d’art contemporain de San Francisco accueillait le Visual Storytelling Summit, organisé par CatchLight, une organisation qui vise à soutenir et promouvoir la narration visuelle aux États-Unis.
Retour sur ces deux jours de conversations autour d’artistes, de journalistes, de professionnels de la photo, et des technologies qui ont échangé sur l’état de leurs métiers aujourd’hui tout en rendant compte de questions culturelles et sociales qui se posent à l’heure des crises mondiales et de leurs répercussions locales.
Nous vous présentions quelques jours avant l’évènement notre entretien avec Elodie Maillet Storm, directrice de CatchLight, qui nous parlait du Visual Storytelling Summit à San Francisco.
Cet évènement a permis de réunir de nombreux professionnels du journalisme visuel, mais aussi de faire un état des lieux de cet écosystème, en dressant un portrait des enjeux après deux ans de crise sanitaire. Très active dans le domaine du photojournalisme en Californie et ailleurs aux Etats Unis, CatchLight soutient un réseau à la fois local et international de photographes, et verse chaque année des bourses allant jusqu’à 30 000$ par boursier afin de soutenir la création autour du journalisme visuel, de l’histoire des communautés locales, et des impacts sociaux que les temps instables actuels imposent, tout en luttant contre la désinformation.
Entre art et journalisme, les frontières s’effacent pour laisser place à des questionnements profonds sur les évolutions de notre société et l’importance de la narration visuelle pour témoigner et laisser une trace de ces transformations.
Placée sous le thème « Healing the trust crisis » [Remédier à la crise de confiance], cette deuxième édition proposait, après des premières discussions qui analysaient les écueils et les inégalités dans cet écosystème, notamment autour des questions d’identité et de genre, de regarder vers l’avenir en apportant des solutions et des idées pour rendre cette profession plus juste et plus respectée.
Si le sujet de la sous-représentation de certaines communautés dans le milieu fut d’abord évoqué, avec l’appui notamment de l’étude « State of Photography 2022 » présentée par la journaliste et professeure Tara Pixley et la photographe et CatchLight Global Fellow Daniella Zalcman, il fut ensuite question du rôle même des photojournalistes dans la société, de leur rapport aux médias et surtout du lien de confiance que ceux-ci doivent instaurer avec les personnes, les situations, les histoires qu’ils et elles documentent.
À travers tous les témoignages recueillis et sur fond de crise sanitaire, le public a pu mesurer la force qui se crée face à la difficulté (économique, culturelle, identitaire, sociale…) et comment chaque intervenant, à son niveau, avec son expérience, porte des solutions. Photographier, garder une trace, documenter la situation d’une population tout en ayant sa confiance, telle est la mission de la plupart des photographes professionnels aujourd’hui.
Les conversations proposées nous ont de plus permis de voir que la tâche est non seulement rude pour lutter contre les déserts d’informations, mais elle devient gigantesque quand il s’agit de la diffusion et de la monétisation de ces images via les médias, à l’heure où Internet domine et où les images y sont reproduites à l’infini sans réelle réglementation.
Elodie Maillet Storm l’évoquait déjà dans son interview, plus de la moitié des journalistes visuels salariés à plein temps pour des journaux ont perdu leur emploi au cours des dix dernières années aux États-Unis. À ce sujet la présentation animée par Jonathan Dotan, entre autres membre du Centre de recherche de Stanford sur la blockchain et spécialiste du Web3, était fort intéressante pour comprendre comment le photojournalisme peut s’insérer dans cette nouvelle architecture du net, avec la mise en place d’une traçabilité doublée d’une sécurisation de la diffusion et de la monétisation des images.
Différentes facettes du photojournalisme ont ainsi été questionnées lors de cet évènement, qui donnait par ailleurs à voir des expositions de photographies de membres boursiers de CatchLight en lien avec les tables rondes, dont la série « Red Summers: Domestic Terrorism 1917-1921 » de Bayeté Ross Smith sur l’importance et le rôle des archives sur la trajectoire sociale, politique et économique des États-Unis ; ou le documentaire « Child of Empire » de Sparsh Ahuja sur la partition de l’Inde et du Pakistan en 1947 pour ne citer qu’eux.
Un évènement riche en questionnements sur l’état de notre société et sur l’importance de préserver les « gardiens de nos images », ceux qui permettent de garder un témoignage visuel de nos histoires, des plus intimes aux plus universelles, avec une approche à la fois journalistique, documentaire et artistique.
Retrouvez l’intégralité des tables rondes sur le site www.catchlight.io
Marie Pellicier
Suite à l’événement, CatchLight a annoncé que cinq nouveaux journalistes deviendront les nouveaux CatchLight Local Fellows.
Harika Maddala, Ximena Natera, Aryana Noroozi, Sree Sripathy, Larry Valenzuela feront partie du CatchLight Local Visual Desk en Californie, un nouveau modèle de collaboration pour le journalisme visuel finançant cinq à dix bourses sur les trois prochaines années, afin de faire progresser la représentation visuelle dans les informations locales en Californie.
Cette initiative a été rendue possible grâce au soutien de cinq organisations philanthropiques : la Fondation Enlight, la Fondation Kresge, la Fondation John S. et James L. Knight, les Fondations Hearst, en partenariat avec PhotoWings, pour un investissement total de plus de 2 millions de dollars.