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Reportages par –Henri Bureau

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« Quelle aventure! Infatigable, le bonhomme!
Levé tôt, couché tard.
Il n’est pas rare, en Corrèze, de le voir enchaîner deux ou trois déjeuners pour ne fâcher personne. L’après midi, il sillonne la campagne en voiture sur des routes impossibles. Tâter le cul des vaches comme un maquignon sur les marches aux bestiaux. Goûter tous les fromages et les jambons qu’on lui propose sans refuser la petite goutte de gnole de derrière les fagots.
Réunion sur réunion, dans les petites salles de mairie, il appelle chacun par son prénom et connaît les dossiers sur le bout des doigts.
Dans les bistrots de village il n’oublie pas que la petite Catherine a accouché du deuxième ni que la femme de Joseph a été hospitalisée à Ussel. D’ailleurs, il s’est déjà soucié qu’elle ait une bonne chambre et exige qu’on le tienne au courant.
Il n’a jamais l’air fatigué et semble heureux d’arpenter son pays a grandes enjambées.

Je le trouve de temps en temps, chez mon voisin, le communiste du canton qui possède une ferme juste derrière le château de Bity.
Autour d’un verre, le Premier ministre me raconte l’histoire de sa chienne Jugurtha, fille de Lasmine, un magnifique braque, cadeau de Giscard.

Attentif à ceux qui l’accompagnent, il trouve toujours l’instant pour être aimable et s’enquérir de leurs problèmes.
Je me souviens en particulier d’un voyage en Union soviétique. Au départ de Moscou pour Irkoutsk, en Sibérie, dans un avion du gouvernement russe, Chirac est accompagné du président Podgorny et d’Andrei Gromyko, ministre des affaires étrangères.
Tous les officiels sont déjà installes à l’avant. L’arrière est réservé aux journalistes russes et français qui accompagnent le Premier ministre depuis Paris.
Comme je suis l’un des derniers à monter, je me rends compte que les envoyés spéciaux permanents à Moscou du Figaro et de Libération sont bloqués au bas de l’échelle par les flics de la Sécurité, imposants, chapka sur la tête.
– Ils n’ont pas de visa pour la Sibérie, explique le chargé de presse soviétique en faisant reculer les deux journalistes français.

Je fonce, bousculant le protocole, et réussis à informer Chirac de la situation.
– Entendu, on ne partira que lorsque vos deux collégues seront à bord !
Panique à l’avant de l’appareil où l’on redoute la réaction des officiels russes, voire l’incident diplomatique.
Pourtant, résultat immédiat, les balèzes en chapka font grimper nos camarades dans l’appareil.
J’ai voyagé de nombreuses fois avec Chirac. Pendant les heures d’avion, il nous arrivait de jouer au gin-rummy et, à la longue, nos rapports sont devenus chaleureux.
Il m’avait promis un jour de célébrer mon mariage. Mais quand le grand jour est arrivé, il était devenu maire de Paris et tint sa promesse avec brio. »

Henri Bureau. Bouclages : Une vie de reporter. Préface de Pierre Schoendoerffer. Editions Florent Massot.

 

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