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Best Of 2018 – Rencontre surprenante entre Berenice Abbott et Jackie Kennedy-Onassis

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Ancienne assistante de Cornell Capa à l’International Center of Photography de New York, Anna Winand plonge dans les archives de l’établissement pour en exhumer des anecdotes… de légendes.

Nous sommes en 1981. Conservateur et auteur spécialisé en photographie, William Ewing travaille sur une exposition des travaux de la photographe américaine Berenice Abbott. Accompagné de Jackie Kennedy-Onassis, il part dans le Maine pour rendre visite à Berenice. William – ou plutôt Bill – me raconte leur épopée sauvage à la poursuite de Berenice. « Bill, je m’amuse tellement ! »

Alors que je souris en m’étonnant, mon ami m’assure qu’il n’a rien inventé. « Ce que je n’oublierai jamais, c’est quand elle a brusquement demandé au conducteur de s’arrêter pour aller aux toilettes. On roulait dans une vieille guimbarde, avec le photographe Hank O’Neal au volant, et on se trouvait au beau milieu de nulle part. Hank a repéré une vieille station essence – des pompes plantées devant une baraque croulante – et s’y est arrêté. Jackie a bondi de la voiture et s’est précipitée vers un vieillard, qui se balançait dans un fauteuil à bascule sur la véranda, et lui a demandé où se trouvaient les toilettes. De ma place, j’ai vu sa réaction : il était bouche bée et sans s’arrêter de se balancer, s’est contenté de tendre le doigt pour indiquer le côté de la maison. Jackie est revenue en courant, et alors qu’on repartait sur les chapeaux de roue dans un nuage de poussière, j’ai vu la maîtresse de maison sortir sur son pas de porte et nous fixer. Je me demande bien ce qu’ils ont pu se dire ensuite – ‘c’était bien elle… tu crois ?’ ‘Non, je n’y crois pas !’ »

Plus tard, Berenice Abbott vient à New York pour donner une conférence à l’International Center of Photography, et nous réservons pour elle au Stanhope Hotel. Le soir de l’événement, Cornell Capa demande à l’écrivain Richard Whelan et à moi-même d’aller la chercher en taxi. Je résiste, déclarant que Richard peut tout à fait s’en charger tout seul. Cornell rétorque que je dois y aller, c’est un ordre. Plus tard, dans le taxi avec Berenice installée à côté du chauffeur, Richard mentionne en passant qu’il pratique le yoga. Le yoga ! Berenice exige alors d’être ramenée au Stanhope et affirme qu’elle ne peut en aucun cas fréquenter des gens qui font du yoga. J’insiste pour qu’on nous emmène à l’ICP, mais elle tient bon et le chauffeur ne sait plus que faire. Après d’intenses négociations – Richard gardant prudemment le silence – nous gagnons l’ICP où Jackie attend patiemment dans le public, et Berenice assume sa conférence.

Ce qui me rappelle une anecdote sur Gordon Parks. Lui et sa seconde femme Jean (enfin, la troisième si on tient compte du fait qu’il a épousé sa première femme deux fois en tout) se trouvaient dans le Connecticut et roulaient en cherchant la maison d’un ami. Il était tard, il faisait nuit, et ils étaient perdus. Apercevant soudain une habitation, ils décident d’aller frapper pour demander leur chemin. Jean suggère d’y aller seule, car elle a peur qu’à cette heure-ci, Gordon et sa peau noire puissent alarmer les habitants. Pas question. Gordon et Jean y vont ensemble et sonnent. Une femme ouvre la porte, leur jette un coup d’œil et lance un appel par-dessus son épaule. « Hé Jack ! On a de la compagnie, Gordon Parks est là ! »

Anna Winand

 

www.icp.org

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