Elle s’appelle Andrea Blanch. Elle fut l’une des grandes photographes de mode des années 80 et 90 et puis elle se lassa de l’image fixe. Il y a 4 ans, elle revint à la photographie en créant son magazine en ligne Musée avec Sam Shahid et Matthew Kraus. Musée est l’un des sites les plus intéressants aux Etats Unis. Toutes les 2 semaines, nous vous présenterons une de leurs chroniques.
Pour commencer, voici l’interview de Neil Dacosta (Publié dans le numéro 12 de Musée Magazine).
Andrea Blanch : Vous êtes Mormons ?
Neil DaCosta : Non. Sara et moi sommes mariés et on a vécu tous les deux à Salt Lake City. On a beaucoup d’amis mormons, d’autres qui ne le sont pas, d’autres qui l’ont été mais ne le sont plus. On a beaucoup fréquenté l’Église de Jésus Christ des saints des derniers jours, parce qu’on était à Salt Lake, tout simplement.
AB : Comment vous est venue l’idée de faire prendre des positions sexuelles à des missionnaires mormons ?
ND : Ça n’avait pas le même sens pour les trois personnes engagées. Personnellement, je considère ce projet comme une réponse à la Proposition 8, qui interdisait le mariage entre individus du même sexe en Californie. Elle était à mon sens soutenue par l’église mormone, qui a incité ses membres à donner de l’argent pour la financer. Ils n’ont pas le droit de prendre part au gouvernement, mais ils brouillent les pistes de cette façon. Ce projet permettait d’évoquer visuellement la séparation de l’église et de l’état. Ce n’était pas une attaque absolue de l’église, mais un rejet de sa gestion des choses.
Sara Phillips : Quand on peut rire ou plaisanter sur un sujet, on est beaucoup plus apte à en discuter. C’était une façon d’ouvrir le dialogue. Le projet se basait sur une citation et pour nous, il était impossible de se méprendre sur son sens.
ND : On parlait beaucoup de l’église dans les actualités parce que Mitt Romney était candidat aux élections présidentielles. On savait depuis notre série The Astronaut Suicides que le timing comptait beaucoup. C’est à ce moment là qu’on a décidé de le faire. Les missionnaires se déplacent souvent par deux : c’est pour ça qu’on a pris deux hommes. C’est l’âge auquel on découvre sa sexualité. Ils réunissent les jeunes hommes et les jeunes femmes pour leur dire de ne plus avoir de sentiments. Je ne suis bien sûr jamais parti en mission, mais j’ai des amis qui l’ont fait. Ils m’ont raconté que c’est assez dingue, tout ce qui se passe dans la tête à cet âge. Les ados ont beaucoup de mal à comprendre les choses à ce moment de leur vie.
AB : Quel débat pensez-vous avoir initié avec cette série ?
ND : J’espère avoir permis aux gens et aux familles d’évoquer plus facilement le mariage pour tous, avoir brisé la glace par l’humour. C’est le genre de sujet dont ils n’ont peut-être pas envie de parler, sauf s’ils voient ces photos et qu’ils se disent : « Oh, c’est plutôt drôle. » Avec un peu de chance, ils aborderont la question au lieu de garder leurs idées pour eux, juste parce qu’ils ne savent pas comment lancer la discussion.
AB : Pourquoi avoir décidé de laisser les modèles habillés ?
SP : On n’a jamais voulu être provocants. L’idée, c’était d’être drôles. Si on les avait montrés dénudés, on aurait largement sexualisé les photos, et ça serait devenu agressif. Leur côté vierge, immaculé, rend les photos comiques. On se demande à quoi ils sont en train de penser. C’était plus intéressant de montrer ces positions avec des gens qui avaient l’air désinvestis plutôt que de les rendre manifestement sexuelles.
AB : Quels sont vos projets pour la suite ?
ND : Maintenant qu’on a montré le suicide d’un astronaute et deux mormons en train de baiser tout habillés, ça va être difficile de faire mieux. On y pense.
SP : Nos idées ne nous sont jamais venues quand on restait assis à se dire : « Il nous faut un nouveau projet. Allez, on va trouver quelque chose. » Les projets naissent des problèmes qui se posent autour de nous. On commence par en discuter et puis ça éclot.