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Pierre Gonnord –Force Vitale

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Il y a beaucoup de façons d’arriver à la photographie, d’accéder au portrait. À une époque où notre planète à la tête encombrée, bombardée d’images, notre regard perverti, fatigué et blasé à peut-être oublié que voir, ce n’est pas regarder.

D’ou viennent les images que nous fabriquons? Quelle est l’origine, la racine profonde de nos inspirations? Les premières contemplations? Seraient-ce, dans mes souvenirs d’enfance, les masques funéraires du Fayum, au Musée du Louvre? Portraits vivants de l’Egypte Romaine, troublants revenants du royaume des morts. Seraient-ce les images de Brassai, “Paris la Nuit” chapardées dans mon adolescence à quelque bouquiniste sur les quais à Paris. Visions d’une capitale désertée pour un instant de ses citadins anodins et banaux, parée de ses bijoux nocturnes de néon et de brume, pour laisser place dans le noir à d’autres héros clandestins et magnifiques, quelque fois effrayants mais toujours mystérieux de la Bohême parisienne de “l’Entre-deux-guerres”.

Ou bien serait-ce la poésie de Manuel Alvarez-Bravo découverte dans le silence intime de la galerie Agathe Gaillard à Paris. La “Caja de Visiones”, comme disait le maître mexicain, nous susurre que la photographie est un art du silence et du mystère, une lanterne magique. Art de la liberté, boite aux rêves, de la poésie amoureuse, quelque fois même meurtrie et révoltée mais qui toujours a foi dans le genre humain et la force de vie.

Je crois que cette petite flamme, attrapée lorsque j’étais enfant, continue de bruler en moi et est le moteur de ma recherche quotidienne. La photographie est mon acte vital. Le portrait : un thème chaud, subjectif, sentimental et partisan. C’est un peu mon histoire d’amour

Je marche en quête de rencontres et d’autres expériences de vie. Disparaitre, suivre, tendre la main pour accompagner, regarder, écouter, et ressentir. Sentir sur sa peau, au plus profond de soi et communier avec l’humanité. Le portrait nait d’une intimité fragile et silencieuse qui tente de lutter contre l’oubli. C’est la canibalisation de l’autre, de sa différence et de notre part commune d’humanité. La fusion, l’appropriation, la transfiguration de beauté, de grâce, de dignité, qui nous rend un peu plus semblables. Un peu plus éternels aussi. Prête-moi ton visage, laisse moi te contempler, t’admirer, te posséder, prendre ton âme pour nous y loger tous, comme les indiens d’Amérique croyaient livrer le fond de leur être a jamais volé par l’optique d’Edward Curtis et emprisonné dans du sel d’argent.

Ce qui commença il y a quelques années, timidement et par accident, est aujourd’hui un style de vie à part entière. Depuis mon petit studio de Madrid, puis vers les maisons de la périphérie urbaine et désormais dans un studio ambulant au bord des routes et des chemins secondaires.

J’ai choisi l’individu seul et anonyme, mais membre d’un clan social bien défini, aux racines bien ancrées dans une culture ancestrale. L’individu certain de son identité quand la nôtre devient floue. Personnages issus de tribus éloignées de l’épicentre et du bien être matériel, du bruit de l’uniformité de notre société urbaine. Des visages qui brillent d’une lumière différente et d’une extraordinaire force de vie. J’aimerais rompre le silence fait autour d’eux tout en préservant le mystère. Explorer ces marges (ou plutôt ces “ailleurs”), c’est ma façon de reconnaître l’importance du silence construit socialement, mais surtout de rendre hommages à ces “Autres Nous” témoins d’une existence qui leur est aussi propre qu’unique. Détenteurs d’une extraordinaire force vitale.

Pierre Gonnord, Madrid mai 2013

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