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Photos d’Afrique, chinées dans une brocante, brulées par le soleil

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La photographe Linda Bertazza a découvert une collection de photographies africaines, que les rayons du soleil ont rendues particulièrement belles. Le début d’une aventure.

Il y a deux ans, je me trouvais à Bordeaux, où je rendais visite à un ami, lorsqu’un dimanche après-midi, en me promenant dans une brocante, j’ai trouvé trois albums en plastique, les mêmes qu’on utilisait quand j’étais petite, contenant des photos littéralement dissoutes par le soleil. J’en suis tombée amoureuse sur-le-champ, même si je ne pouvais pas en connaître la provenance. Quelques semaines plus tard, je suis revenue à Bordeaux avec un scanner dans ma valise, pour cristalliser un moment exact dans leur processus de transformation.

Ces photos appartiennent à Mbaye – même s’il préfère se faire appeler Ali -, avec qui j’ai eu la chance de passer un peu de temps. Ali vend des objets africains place Saint-Michel et vit en France depuis 16 ans. Il a travaillé pendant huit ans comme maçon. « J’ai travaillé huit ans dans le bâtiment », me répète-t-il comme un mantra, mais aujourd’hui, son stand est l’un des plus grands et il en est très fier.

Ali utilise ces albums abîmés comme catalogue pour ses objets, raison pour laquelle ils ne sont pas à vendre. Toutes les photos ont été réalisées dans les années 1990 au Marché Kermel à Dakar, au Sénégal, où il travaillait avant de s’installer en France. Toutes les photos ont été prises par une jeune fille française qui est ensuite devenue sa femme, dont l’intention était simplement de retenir un moment. Le langage est donc dénué de tout artifice et il n’en reste que la fonction : se souvenir. Ces photos remplissent donc des rôles différents : elles représentent un catalogue pour Ali, mais aussi un album de famille et de petites archives privées pour ceux qui, comme moi, se sont retrouvés à les feuilleter pour la première fois.

Quelques mois plus tard, j’ai commencé à m’interroger sur les lieux d’origine de ces images. Ces photos ont représenté pour moi une invitation à entrer, à explorer un monde lointain et familier à la fois. Par curiosité, j’ai commencé à chercher le Marché Kermel sur Google street view. L’immeuble solitaire sur les photos d’Ali représentait mon point de référence, il n’a pas été difficile de le retrouver, mais aucune trace du stand. En me promenant virtuellement dans les rues de Dakar, une idée s’imposait de plus en plus, et ce qui ne semblait au début qu’un fantasme s’est bientôt transformé en réalité.

J’ai acheté un billet pour Dakar, où j’ai passé un mois et demi, mais avant de partir je suis revenue à Bordeaux pour le dire à Ali. Il était surpris, mais heureux également, sa fille Kenza m’a appris quelques phrases en wolof, la langue la plus parlée au Sénégal, et Ali m’a donné les adresses de sa famille sénégalaise pour que nous puissions nous rencontrer.

Ces voyages entre Italie, France et Sénégal m’ont permis de me rapprocher d’Ali, de sa réalité, de sa famille, de pénétrer dans ces bavures de couleur qui m’avaient fascinée dès le premier instant, même si bien des aspects de sa vie restent pour moi encore un mystère. Ces photos ont représenté pour moi une invitation à entrer, à franchir le seuil de mondes éloignés de mon quotidien, pour percevoir toute leur force dans les liens familiaux, la fragilité de l’inexorable passage du temps, et la délicatesse du caractère aléatoire des événements.

 

Linda Bertazza

Linda Bertazza est photographe, directrice artistique et professeur. Elle vit à Bologne, en Italie.

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