Exporté de sa ville natale française de Sanary-Sur-Mer, le festival Photomed s’est installé cette année à Beyrouth, au Liban. L’Œil de la Photographie vous en présente aujourd’hui les grandes lignes.
À l’Orient comme à la Méditerranée, on associe couramment la lumière intense du plein midi. Les photographes le savent plus que quiconque. Pourtant, beaucoup de ceux qui sont présentés ici et dont le sujet commun est Beyrouth, métropole blessée et fascinante, ont fait d’autres choix. Leur ville ne vibre ni de chaleur ni de ce chaos qui caractérise le plein jour. George Awde cherche la complicité d’une lumière jeune, matinale, pour restituer toute leur beauté à des adolescents, trop tôt initiés à la cruauté d’un monde en guerre. D’autres préfèrent explorer l’intimité nocturne de Beyrouth, comme si une autre ville, peut-être plus fidèle à son destin élégant et sensuel, redevenait visible à la tombée du jour. C’est cette ville qu’arpente et célèbre le photographe italien Giulio Rimondi. Lara Tabet, qui en connaît depuis toujours les moindres recoins, se glisse, attirant le regardeur avec elle, dans les lieux secrets des rencontres furtives. Bilal Tarabey (lauréat du prix Photomed Liban 2016) a grandi loin de Beyrouth ; son itinéraire sensible est celui d’un retour, d’une redécouverte.
Beaucoup d’ombre aussi, traversée de rayons de lumière, dans les hammams d’Istanbul visités par Marc Riboud. Sur les lieux ordinaires de Tunisie élevés au rang d’ironiques « cartes postales » par Wassim Ghozlani règnent des couleurs volontairement éteintes. Pour les clichés attendus, les pleins soleils, les ciels d’azur, il ne faut décidément pas faire fond sur la photographie ! Seul Nick Hannes s’y risque. Mais de ses images on retiendra surtout la manière dont elles mêlent légèreté, douce raillerie et sens de l’observation. Et sous leur aspect pimpant, une délicate mélancolie.
De manière surprenante, du moins au premier abord, plusieurs des artistes exposés élisent leur paradis photographique… dans les salles obscures. Le cinéma est au centre de cette édition 2017. Il faut dire que, là-même où bâtit le cœur du plus grand empire méditerranéen, les célèbres studios de Cinecità sont un des sanctuaires du septième art. Alain Fleischer s’est emparé de leurs plus belles productions pour en extraire des photogrammes et les projeter sur les pierres de Rome, unissant ainsi l’éphémère et l’éternel. Richard Dumas a livré les portraits sensibles de quelques-unes de leurs vedettes. Et Sergio Strizzi a hanté leurs plateaux pour y saisir les hasards miraculeux, les rencontres intenses. Trois travaux qui, chacun à leur manière, rendent hommage à Michelangelo Antonioni, l’un des plus grands créateurs d’images du XXe siècle. On se souvient que celui-ci aimait les déserts, un goût que partage la réalisatrice Danielle Arbid, dont est présentée une large sélection de photographies, souvent faites en marge de ses tournages.
Des déserts naturels aux lieux qu’on a quittés… En Méditerranée, les strates d’abandon d’une très longue histoire ne laissent jamais bien loin la perspective de la ruine. S’il y a une mélancolie des ruines, on peut aussi y trouver une source de poésie, comme chez Ferran Freixa ou Nicole Herzog-Verrey, où objets archéologiques et éditrices détruits sont “sauvés” par la grâce de la végétation, de la lumière, de l’eau. Quand le désir est passé, quand la mort est venue, il ne reste que des photos dans une boîte – comme l’image de la mère disparue dans La Chambre claire de Roland Barthes. Mais cette image a une force irradiante qui est celle de l’art et qui est celle de la vie.
Guillaume de Sardes
Guillaume de Sardes est un photographe, écrivain, historien de l’art et le commissaire d’exposition de cette édition 2017 du festival Photomed à Beyrouth.
Photomed 2017
18 janvier – 8 février 2017
Rue Mgr Toubia Aoun
Marfaa D5. imm 1301. 5ème étage
Centre ville, Beyrouth
Liban