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Paris Photo : Le Journal de Serge Bramly

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Vu à Paris-Photo
Mercredi 14 novembre 2012

Pour son édition 2012, Paris-Photo s’est résolument placé sous la houlette de David Lynch.
Le cinéaste, dont un portrait fait l’affiche, a sélectionné 99 œuvres, estampillées « Vu par David Lynch ». Un cartel artistiquement calligraphié les signale, de même que dans les grandes surfaces certains produits bénéficient du label « vu à la télé. » Pour les visiteurs pressés, ou que rebute l’idée de s’orienter seul dans une grande trop variété d’images, ou sans opinion personnelle, ce système inspiré du Reader’s Digest offre d’indéniables avantages. L’inconvénient, pour les autres, est qu’on ne peut s’empêcher de comparer ses propres coups de cœur avec ce choix-là (accessible par application pour mobile ou en livre chez Steidl), et de se poser des questions, de se demander ainsi, non sans irritation, si telle ou telle photo retenue présente un intérêt autre que cinématographique. Chez Plantureux, par exemple, dont le stand recèle de très rares portraits daguerréotypes (Le Gray et son entourage), c’est un instantané de Marcello Mastroianni qui récolte seul les lauriers lynchéens. Cela n’empêche pas naturellement qu’on soit d’accord quelquefois avec le parcours proposé. Chez Obsis, j’ai été très impressionné moi aussi par les clichés pris par Eisenstein lors du tournage de Que Viva Mexico.
Si je devais donner mes propres recommandations, j’attribuerais la palme, personnellement, au très subtil accrochage intitulé Collected Shadows, de l’exposition d’AMC2, où rien n’est à vendre, ce qui n’est pas plus mal, et je crois que Pierre Apraxine que j’y ai rencontré partagerait mon avis.
Pour les plus beaux stands, je nommerais sans surprise Hamilton’s, où j’ai longuement admiré un grand nu de Newton en couleur, et Gagosian, pour ses Avedon.
Parmi les installations les plus fortes, je citerais l’ensemble des Actionnistes viennois que montre WestLicht dont c’est la première participation à Paris Photo. Dans la catégorie valeurs sûres, je mettrais la nature morte autoportrait de Man Ray, chez Françoise Paviot, les Lartigue de Fifty One, une série vintage que je ne connaissais pas de Diane Arbus (où ça ? j’étais trop impressionné sans doute pour noter le nom de la galerie…), un sublime Christian Shad chez Tessa Herold. Et pour les valeurs montantes, les très duchampiennes Poussières qu’élève Marie Amar chez Brancolini Grimaldi et, à la première place des nouveaux venus les quasi nus, d’une réalité très sensuelle, du hollandais Arno Nollen, chez Jousse Entreprise. C’est peut-être là ma grande vraie découverte, encore qu’il semblerait que David Lynch n’y ait pas été insensible non plus.
Une foire qui se respecte n’est pas seulement l’occasion d’admirer des œuvres. On y fait des rencontres. A l’extrémité du Grand Palais, là où se trouvent les livres, Antoine de Beaupré, de 213, m’a présenté à Hilla Becher dont il expose les ouvrages sur une coursive. Nous sommes restés à bavarder un instant, en compagnie de Bettina Rheims dont les derniers travaux sont montrés chez Hamilton’s et Camera Obscura. J’aurais voulu en profiter pour lui dire toute mon admiration : elle et son mari Bernd, disparu il y a quelques années, ont influencé la photographie contemporaine comme personne au monde, pour le meilleur comme pour le pire ; mais la conversation a vite dévié sur le mentor officiel de l’événement. Nous avons ri ensemble, un moment, et je suis reparti joyeux.

Serge Bramly, Ecrivain

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