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Paris Photo 2016 : Gerard Malanga à la galerie Caroline Smulders

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Photographe, poète et cinéaste, Gerard Malanga a saisi la singularité nimbant le New-York nihiliste et post-Beat des années 1960-1970. Archives d’une vie, ses photographies enregistrent sans travestissement l’effervescence créative de l’époque. La complicité et la sincérité sont l’ADN de son travail. Pas d’astuces ou de mises en scènes théâtrales, les sujets sont pleinement conscients, présents, attentifs. Les relations, les émotions, les personnes, sont photographiées pour ce qu’elles sont. L’occasionnelle notoriété de ses modèles est banalisée ; ses portraits rejoignent la grande mosaïque de la vie mouvementée du photographe ; ils deviennent l’une des innombrables facettes de notre culture.

Robert Mapplethorpe et Patti Smith sont deux jeunes amoureux sur un balcon, Mick Jagger tend nonchalamment ses lèvres à l’objectif, Andy Warhol attend l’inspiration sur un sofa… La portée culturelle que nous prêtons à ces clichés et leur dimension mythologique est puissante, mais rétrospective. Ils sont originellement plus proches d’une photographie documentaire personnelle, ne distinguant pas le commun de l’exceptionnel, le célèbre du méconnu. Gerard Malanga n’a pas le regard incisif de Richard Avedon ; ne cherche pas la face cachée de l’humanité comme Diane Arbus ; ne reprend pas la théâtralité d’Helen Levitt ; et refuse de faire abstraction du contexte comme Chuck Close. Il se sent plus proche de Nadar qui photographia au XIXe siècle les personnages qui l’inspiraient, au sein desquels se trouvaient Baudelaire, Courbet, Manet, Wagner… Gerard Malanga fait de la sincérité documentaire et de la complicité amicale une forme artistique qui comporte une part de sublime. La virtuosité plastique de ses clichés accompagne cette démarche.

Tout au plus, Gerard Malanga introduit une troublante grâce poétique quand John Cage conduit un moment de silence sur fond d’une étrange partition, quand la sulfureuse Patti Smith côtoie la foule du métro, quand Candy Darling rêvant de gloire s’allonge sur le Walk of Fame, quand Warhol se démultiplie – comme à son habitude – sur un screen test…

Jeune poète mû par les idéaux de William Burroughs et Allan Ginsberg, Gerard Malanga devient le principal collaborateur d’Andy Warhol à partir de 1963. Mais loin de se cantonner à l’univers de la Factory où il y fut le photographe, réalisateur, acteur, et poète le plus actif jusqu’en 1970, Gerard Malanga poursuit sa recherche d’une créativité neuve, vraie et sans fard. Il cultive une esthétique que l’on pourrait qualifier d’underground : figurative sans être narrative, primaire et élémentaire. Il en cultive les codes et les pratiques. Il réalise notamment une douzaine de films, dont In Search of the Miraculous : l’histoire d’un poète qui se cherche lui-même, à travers son amour pour une fille et la quête de son père. Un chef-d’œuvre du cinéma avant-gardiste non-conformiste. Il y juxtapose humeurs, techniques, émotions et environnements selon un schéma introspectif et poétique.

La poésie côtoie souvent la véracité chez Gerard Malanga. Dans sa série Ghostly Berms, c’est au chemin de fer de son enfance, désormais abandonné, que le photographe dévoue sa mémoire et son objectif. Dans Good Girls, l’atmosphère nacrée et immaculée rencontre les corps crûment dénudés de jeunes femmes de la bourgeoisie américaine, tantôt anonymes, tantôt personnifiés, mais toujours inaccoutumés aux séances de photos. Contre son habituelle spontanéité, Gerard Malanga stylise chaque élément de la prise de vue. Expert dans l’art de capturer la sensibilité de son modèle, il saisit savamment la question intime de leur dévoilement.

Comme toujours dans ses portraits, sa capacité à gagner la confiance du modèle magnifie la singularité du cliché et lui assigne une dimension iconique. En archivant l’environnement dans lequel il évolue, il façonne l’iconographie visuelle contemporaine. Ses photographies d’une étonnante beauté parviennent ainsi à mythifier le temps présent.

Jean Vergès

Gerard Malanga – Galerie Caroline Smulders, Stand A31
A Paris Photo 2016
Du 10 au 13 novembre 2016
Grand Palais
Paris, France

http://www.parisphoto.com/

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