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Noël : Les choix de la librairie de la MEP par Irène Attinger

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La Maison Européenne de la Photographie vous propose une sélection de 9 titres parmi le meilleur des choix de la librairie en 2015.
Pensez à offrir un livre de photographie !

Umbra
Vivian Sassen
Prestel, Munich / Londres / New York, 2015

Le nouveau livre de Viviane Sassen se concentre sur un thème commun à ses photographies : l’ombre (umbra en latin). Elle a peur de la mort depuis sa prime enfance africaine. « Mon père était médecin et, en Afrique, on côtoie plus facilement la mort. » Le livre présente des œuvres autonomes de Viviane Sassen où l’ombre peut être vue comme une métaphore de notre psyché. Les angoisses et les désirs, mais aussi l’imagination et l’illusion, intriguent et interpellent le spectateur. Le travail de Viviane Sassen est renommé pour son jeu habile entre le réalisme et l’abstraction. Cela se traduit, ici, par l’utilisation spectaculaire de lumières, d’ombres et de couleurs vives ainsi qu’au travers de la coupe adroite des images et des interventions sur les tirages. La façon dont Viviane Sassen trouble notre perception, en balançant entre réalisme et abstraction, crée une expérience visuelle fascinante et laisse le champ libre à différentes interprétations. Elle amène le spectateur à réfléchir sur ce qu’est le réalisme en photographie. Ce réalisme a, chez elle, des côtés spectaculaires et poétiques.

Viviane Sassen a invité l’écrivaine Maria Barnas à composer des poèmes qui sont insérés dans le pli de doubles-pages non coupées.

Dazai
Daido Moriyama
MATCH and Company, Tokyo, 2014

« Je suis réveillée par le claquement de la porte d’entrée, mais comme je sais que ce n’est que mon mari qui rentre ivre à la maison au milieu de la nuit, je reste couchée tranquillement dans le lit. Il allume la lumière dans la pièce voisine et je peux l’entendre haletant bruyamment alors qu’il fouille dans les tiroirs de son bureau et dans la bibliothèque, cherchant quelque chose. Ensuite, il se laisse tomber lourdement sur le tatami et tout ce que je peux entendre c’est sa respiration rapide et rauque. Je m’interroge sur ce qui se passe et lui demande.
» Bienvenue. As-tu dîné ? Il y a des boulettes de riz dans le placard.  »
Il me répond sur un ton gentil, auquel il ne m’a pas habituée,  « Oh Merci. Comment va le garçon ? A-t-il toujours de la fièvre » .
[Premier texte du livre]

Le livre présente une nouvelle traduction anglaise du roman de Osamu Dazai La femme de Villon publiée en 1947. Daido Moriyama rend hommage à Osamu Daizai au travers de la sélection de photographies contenues dans le livre. La disposition de l’image et du texte permet au lecteur de suivre la narration de la nouvelle accompagnée par les photographies, reflétant la relation intime entre le travail de l’auteur et la photographie de Moriyama.

Humans And Other Animals
Adam Broomberg & Oliver Chanarin
Tate Publishing, Londres, 2015

Adam Broomberg et Oliver Chanarin sont des artistes connus surtout pour leur manière de fusionner photoreportage et art visuel. Ils produisent ainsi des interprétations provocatrices, ambiguës d’événements courants ou historiques. Là, dans leur premier livre destiné aux enfants, ils recourent à cette façon de regarder le monde pour proposer un abécédaire photographique espiègle et plein d’esprit. Humans and Other Animals a été produit en collaboration avec des étudiants et le personnel de l’école pour les enfants sourds Frank Barnes School for Deaf Children de Londres. L’utilisation du langage des signes britannique permet de créer des rapports inattendus entre la graphie de mots familiers et leurs significations en jouant sur des photographies en noir et blanc, le texte et des pages vivement colorées. Les artistes jouent ainsi avec la relation complexe entre l’image et le texte. Les images de Broomberg et Chanarin alternent ici avec des photographies tirées du Getty Archive de Londres. Ils proposent ainsi, à de jeunes lecteurs, une expérience alternative qui enseigne la manière d’écouter avec leurs yeux.

Ex Time
Franck Landron
Contrejour, Biarritz, 2015

« J’ai toujours emporté mon appareil photo partout avec moi » dit Franck Landron de sa pratique photographique commencée en 1971. L’appareil qu’il a demandé et reçu pour ses 13 ans (un reflex Canon FTQL) se retrouve dans sa sacoche de collégien. Photographe compulsif, il n’exclut aucun espace, aucun moment, ni aucune circonstance dans ce qui va devenir une addiction photographique.

Ses premiers essais seront les portraits de ses camarades surpris et amusés d’être photographiés en classe à l’insu de l’enseignant. Suivront beaucoup d’autres clichés. Franck Landron ne deviendra pas photographe professionnel. Après un passage à l’école d’architecture du quai Malaquais et aux Beaux-Arts, il entre au tout début des années 1980 à l’École Louis Lumière. Il devient assistant opérateur sur plusieurs films avant de se consacrer à la réalisation et à la production.

Avec Ex Time Franck Landron nous embarque dans la première partie de son histoire intime. Le livre propose une exploration chronologique d’une vie liée à l’image au travers d’un va et vient entre des personnages, des thèmes et des lieux récurrents : la famille, le garage automobile paternel, la mécanique, la maison en Auvergne, les copains, les fêtes, les filles, le cinéma… Des autoportraits jalonnent le livre.

Le regard du photographe se caractérise par la liberté des sujets mais aussi de la forme. L’absence de contrainte lui permet de capter l’essentiel d’un moment, d’un geste, d’une expression. Les textes des différents auteurs éclairent la façon dont se constitue un regard. Dans un petit cahier attaché au livre, Franck Landron légende avec humour les photos, arrachant souvent au « regardeur », comme on dit maintenant, un sourire voire un rire (« Elle était trop grande pour nous, mais elle avait une sœur »)… Il parle avec tendresse de ses vieux camarades, des filles qu’il a photographiées, des souvenirs de bizutages aux Beaux-Arts, de l’âge d’or du cinéma pornographique dans les années 70.

Tout va bien
JH Engström
Aperture, New York, 2015

La série Tout Va Bien ne traite pas d’un thème concret à la façon des séries traditionnelles. Le photographe suédois JH Engström souhaite que son projet soit considéré comme de la poésie visuelle, comme un récit photographique au caractère fortement autobiographique. Cependant, cette série de photos ne présente pas exclusivement sa vie. Dans Tout Va Bien, différents sujets se succèdent. La série montre aussi bien des portraits et des paysages que des prises de vue spontanées et insolites. Elle est fortement chargée de contrastes : des images en noir et blanc se mélangent avec la couleur ; la douceur de roches côtières se heurte à l’image rouge-sang, éclairée au flash, de la naissance de ses jumeaux. Le livre laisse le spectateur cartographier son propre réseau de sens d’une image à l’autre et lui laisse choisir son mode d’interprétation de chaque image. Avec quelque 90 photos, Tout Va Bien revient vers l’approche associative de son livre Trying to Dance. L’éclectisme des images nous met dans la situation du lecteur d’un roman dans lequel l’écrivain brise la séquence temporelle en fragments. JH Engström construit des histoires photographiques qui persuadent le spectateur de reconstituer un sens à l’œuvre dans son ensemble.

Tout Va Bien est conçu et réalisé par Patric Leo, qui a également collaboré avec l’artiste sur Trying to Dance.

Les Paradis, Rapport Annuel
The Heavens, Annual Reports
Delpire, Paris, 2015
Dewi Lewis Publishing, Stockport (GB), 2015

Les paradis fiscaux occupent aujourd’hui une place centrale dans l’actualité politique et économique. Ils ne sont pas une excentricité exotique mais bien un instrument structurel de l’économie mondialisée. Ils représentent un capital financier énorme avec 32 milliards de dollars (deux fois la dette des États-Unis). Cet argent appartient à de riches particuliers ou à de grandes entreprises qui cherchent à échapper à certaines réglementations financières contraignantes ou à réduire leurs impôts. Les paradis fiscaux ont pris d’assaut le monde en catimini. Les articles et les rapports de plus en plus nombreux sur ce sujet, si mal compris, sont en général illustrés par des images de plages bordées de palmiers. Est-ce bien à cela que ressemblent les paradis fiscaux ? Du Delaware à Jersey, des îles Vierges britanniques à la City de Londres, Paolo Woods et Gabriele Galimberti font découvrir un monde secret très différent de ce que nous imaginons. Pendant plus de deux ans, ils ont voyagé dans les centres offshore qui incarnent l’évasion fiscale, le secret, et l’extrême richesse, guidés par une unique obsession : traduire en images ces sujets pour le moins immatériels. Ils ont souvent dû essuyer plusieurs dizaines de refus avant d’obtenir un cliché pertinent.

Au Delaware, les deux artistes ont réellement créé une entreprise, judicieusement nommée The Heavens. Son siège social se situe dans le même bâtiment qu’Apple, la Bank of America, Coca-Cola, Google, Wal-Mart et 285 000 autres entreprises. Le livre, qui contient plus de 80 photographies, est présenté comme un rapport annuel de la société. À Singapour, le président du port franc et le responsable pour les œuvres d’art sont montrés dans l’un des coffres haute-sécurité où des particuliers et des entreprises déposent des œuvres, de l’or et de l’argent liquide et les échangent hors de tout contrôle fiscal. Dans les gratte-ciel de Panama, nombre d’appartements ne sont pas éclairés, tout simplement parce qu’ils ne sont pas occupés ; c’est le résultat de la bulle immobilière alimentée par l’argent de la drogue. La terrasse du Sevva club attire une foule de cadres et de dirigeants du quartier financier de Hong Kong, venus pour se détendre tout en ayant une vue imprenable sur le bâtiment conçu par Norman Foster pour HSBC. Aux îles Caïman, la plupart des entreprises, dont le nombre est deux fois celui des habitants, n’ont pas de bureaux, seulement une boîte aux lettres ; un dimanche matin, le directeur général de la City of Cayman bichonne sa Ducati 848, une des motos les plus rapides au monde, sous l’œil de son amie installée au balcon.

Le texte de Nicholas Shaxton, l’un des experts les plus reconnus dans le domaine, répond aux images et interroge les relations qu’entretiennent public et privé, entreprises et États, riches et pauvres.

Shoji Ueda
Shoji Ueda
Avec une nouvelle de Toshiyuki Horie
Chose Commune, 2015

Shōji Ueda (1913-2000), l’une des figures remarquables de la photographie japonaise, est resté profondément attaché à sa région natale de Tottori, au bord de la mer du Japon, qui lui a servi de toile de fond pour la majeure partie de son œuvre.

Aventurier sédentaire, Ueda explore inlassablement les dunes qui dessinent le paysage au fil des saisons. Son regard curieux se pose sur tout ce qui l’entoure : une carte du monde, un champ de blé caressé par le vent, une silhouette se promenant dans la neige, sa femme, Norie, dans la neige… Quand Ueda ne flâne pas, il compose des natures mortes de fruits de saison et d’objets incongrus, petits trésors trouvés ici et là.

L’ouvrage rassemble un grand nombre de photographies inédites, en noir et blanc et en couleur. Pour cette première monographie trilingue consacrée à Shōji Ueda, Chose Commune a donné carte blanche à l’écrivain Toshiyuki Horie, auteur entre autres de Le Marais des Neiges, Le pavé de l’ours (deux ouvrages publiés en français par Gallimard). A cette occasion, il a écrit une nouvelle Sous l’invocation du dieu des anciens objectifs, un texte de fiction en résonance avec l’univers singulier du photographe.

Unnamed Road
JungJin Lee
MACK, Londres, 2014

Ce leporello s’inscrit dans le projet This Place : douze photographes témoignent, entre 2009 et 2012, à partir de leur propre sensibilité, sur Israël et la Cisjordanie.

Pour la photographe coréenne Jungjin Lee, photographier un paysage est une forme de méditation. Son projet le plus récent, Unnamed Road, s’approche des territoires disputés d’Israël et de Palestine au travers de la recherche de quelque chose de permanent qui sous-tend ces paysages. Ses images en noir et blanc montrent un monde tranquille, ouvert à l’étonnement. Elles suggèrent que, malgré des fluctuations apparentes, certaines vérités fondamentales ne changent pas, un peu comme l’océan dont la surface constamment changeante dissimule des profondeurs qui, elles, restent en fait inchangées. Un rouleau déployé de fil de fer barbelé, des oiseaux perchés sur une ligne posée sur des barils d’acier, un cimetière, une zone abandonnée ou marquée par les traces de la guerre, tous ces éléments ne fournissent aucune réponse apparente alors que tout ce qui peut être capté et tout ce qui peut être compris figure ici. Jungjin Lee a lutté pour trouver une distance juste par rapport à un territoire, chargé d’une histoire conflictuelle, qu’elle décrit comme « inconfortable ». Ce n’est que lors de son dernier voyage, en 2011, qu’elle a trouvé cette distance qui donne à son travail un sens qui va au-delà de l’actuel conflit.

Jungjin Lee se préoccupe des techniques de reproduction et d’impression. Unnamed Road est son premier travail recourant à des procédés numériques, pourtant les images restent des explorations du hasard et de l’imperfection.

Poultry Suite
Jean Pagliuso
Hirmer Verlag, Munich, 2015

Dans une grande partie d’une carrière de photographe longue de plusieurs décennies, Jean Pagliuso a dirigé son objectif sur des modèles, des acteurs et d’autres personnalités fascinantes, travaillant pour des magazines comme Mademoiselle et collaborant avec des studios de cinéma. Son intérêt de fraîche date pour les poulets est apparu à la mort de son père qui élevait des poulets destinés à des expositions. Pour l’honorer, elle a décidé d’en photographier un, comme elle avait photographié, à la mort de sa mère, une des roses qu’elle cultivait. Les volailles de son père n’étaient plus accessibles, elles avaient été données au cours du temps. Elle a fait donc appel à une agence de « talents animaux » et a demandé quelques poulets qu’on lui a amenés directement à son studio de Chelsea où elle les a photographiés avec sa caméra Hasselblad devant un mur de ciment. Dans sa chambre noire, elle tire les images sur des feuilles de mûrier Thai, un processus exigeant plusieurs jours de travail, de façon à leur donner l’apparence de dessins au graphite.

Les poulets sont d’habitude tout à fait sages et coopératifs pendant les sessions de portraits. Jean Pagliuso a établi un rapport spécial avec ces animaux : « Je sais que cela semble fou, mais je peux en réalité parler aux poulets. Je peux les faire se calmer et regarder où je veux qu’ils regardent. J’ai une affinité totale avec eux […] Je ne vois pas de différence avec photographier des gens. Pour moi, c’est pareil. Je cherche les mêmes choses. Je cherche la forme et la façon dont le cadre est rempli. »

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