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Musée de la Photographie de Charleroi : Joel-Peter Witkin

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Le musée de la photographie de Charleroi a reçu à plusieurs reprises un titre honorifique tel que «Meilleur musée de la photographie» dans la presse nationale belge, d’autres l’ont qualifié de «meilleur en Europe», tandis que certains visiteurs le qualifient même de «meilleur au monde». Naturellement, c’est bien si on obtient cette distinction, mais c’est une réputation qu’on doit assurer & garder, sans cesse. Et de nouveau le musée y parvient avec une merveilleuse sélection d’expo’s de printemps. Ils présentent pas moins de quatre projets photographiques de haute qualité et un court métrage idiosyncratique.

Joel-Peter Witkin (1939) est l’un des grands noms de la photographie contemporaine, et c’est en soi un défi. A côté de Witkin, ils ont invité Debi Cornwall (1973) avec « Welcome to Camp America », une avocate et photographe américaine avec un regard critique sur les droits de l’homme et Guantánamo. Le troisième exposition est le photographe belge Peter Henry Waterschoot (1969) qui montre « Sunset Memory », une série d’images poétiques intuitives créées lors de promenades nocturnes solitaires quelque part entre la Belgique et le Japon, entre Ostende et Osaka. Des informations spécifiques suivront plus tard sur Cornwall & Waterschoot dans deux contributions distinctes.

La Galerie du Soir du Musée de la Photo donne l’occasion aux futurs talents. Bruno Oliveira (1993) est un jeune photographe prometteur aux racines luxembourgeoises-portugaises. Il décide d’abord de suivre un parcours de formation assez classique jusqu’à ce qu’il participe à un concours photo. Contre toute attente, il finit haut, très haut dans le classement. Cela lui ouvre les yeux, il décide aussitôt de changer de cap et s’inscrit à l’académie d’art de La Cambre. Dans son exposition aujourd’hui il s’est concentré sur la « Génération Y », les soi-disant « Millenials ». Il photographie son propre cercle d’amis, mais un peu comme un étranger. Ses amis commencent à s’installer, mais il semble rester éternellement jeune – tout comme Peter Pan. Ses images expriment son propre langage visuel avec des couleurs étincelantes et des compositions distinctives. « Back to Neverland » est un hommage aux jeunes et à leur monde, ou devrions-nous le lire comme un adieu aux adolescents au bord de l’âge adulte? Pour sa présentation, Oliveira met sûrement l’accent sur l’adolescence, l’inachevé, l’éphémère, comme s’il doutait lui-même la qualité de son travail: ces photos sont des feuilles pliées en quatre, épinglées, tout comme des affiches de la chambre du garçon qui ne veut pas grandir… Certainement un photographe à suivre!

Le court métrage Traunstein de Julie Gasemi & Nicolas Dufranne (1977) est une histoire sur les relations (amoureuses), mais a beaucoup plus en commun avec le chef-d’œuvre surréaliste « Un Chien Andalou » de Bunuel & Dali qu’avec, par exemple, un film d’amour romantique . C’est une histoire d’amour aliénante avec des personnages et des lieux reconnaissables / inconnus, avec un passage du temps insaisissable / incompréhensible et avec des acteurs qui communiquent dans une langue inconnue qui à son tour apparaît comme très familière. Le titre Traunstein fait référence à une ville du sud de la Bavière, mais le film n’a rien à voir avec ce lieu. Le titre évoque une association avec Traumstein ou Château de Rêve- mais encore une fois pas tout à fait. Un film aussi insaisissable que l’amour et les relations humaines, vivement recommandé à regarder dans la Boite Noire.

L’exposition de Witkin à Charleroi s’intitule «Le Grand Atelier de Joel-Peter Witkin», titre faisant référence à deux œuvres phares de l’exposition «Courbet dans la piscine de Rejlander» (1985) et «L’atelier du peintre» (1990). Avec l’introduction de la photographie, Courbet (comme Manet) se rend compte que la peinture et la photographie (représentée par Rejlander) suivront inévitablement leur propre chemin. Witkin, en revanche, tente à nouveau de combler l’écart. Immergé dans l’histoire de l’art, chaque image, chaque croquis fait référence à Van Eyck, Archimbaldo, Velasquez, Goya, Rops, Ensor, Courbet, Picasso et Man Ray – pour n’en citer que quelques-uns.

Mais ce n’est pas seulement l’amour de l’art qui détermine son état d’esprit: en tant fils d’un père juif d’origine russe et d’une mère catholique pieuse d’origine italienne, il se définit comme une personne profondément religieuse. Il se sent mal à l’aise dans un monde laïcisé et il déclare «le relativisme domine et la morale est en chute libre». Comme contrepoids Witkin met en avant « la vérité absolue du divin » Il étend également ses idées sur la société contemporaine à la photographie. Il affirme: «Aujourd’hui, la plupart des photographies sont des arbres mourants desséchés. C’est la nature morte des cœurs et des âmes morts »et il condamne la soif effrénée de richesse de certains photographes. Un croquis daté du 13/07/2016 montre «Le Christ chassant les artistes changeants d’argent du temple de l’art» Il est très explicite sur qui sont ces artistes selon lui: Koons & Cicciolina, Sherman, Goldin & Hockney. En revanche Witkin souligne que son art « doit exprimer une originalité, une excentricité artistique qui est parallèle à la majesté et au désespoir de la vie humaine. Sinon, comment puis-je offrir mes prières (mes photographies) à Dieu… ?»

Dans cette dernière phrase, nous trouvons deux autres aspects de Witkin: l’excentricité artistique et le sens du macabre (et c’est un euphémisme). Witkin joue avec la mort, la souffrance, le hideux et le révoltant. Cela rappelle les films Freaks (1932) de Tod Browning ou The Elephant Man (1980) de David Lynch, où le hideux est présenté comme une détente pour une foule exaltée avide de divertissements bon marché. Ce public effraie, juge, condamne et efface «l’autre». En fin de compte, la question morale demeure: qui est le monstre – est-ce cette personne qui est exposée dépouillée de son humanité, ou est-ce le public? Précisément ce renversement est pertinent chez Witkin, quoi qu’il montre fait partie de l’humanité et de la condition humaine, ou traduit dans la pensée de Witkin «ça fait partie de la création».

Witkin est une vieille âme dans un corps moderne. Il revient à plusieurs reprises sur l’imagerie et les compositions de la Renaissance, du Baroque ou du XIXe siècle. Il traduit des scènes de Memento Mori et de Vanitas à un public contemporain: on ne les passe pas indifféremment devant ses tableuax, il leur redonne un tranchant, il cherche à choquer son public. L’art n’est pas sans engagement pour lui, il travaille comme ancien maître jusqu’à un an sur un projet, fait des croquis, mobilise toute une équipe pour une mise en scène majeure, l’ajuste et enfin il crée une image. Mais le processus ne s’arrête pas là: ce n’est qu’après une longue post-production que l’image finale est publiée. Il intervient fréquemment physiquement par exemple en grattant le négatif. L’exposition donne un aperçu de le processus de création en montrant une sélection de croquis au premier étage du musée.

 

Pourquoi visiter: L’exposition est une création propre du Musée de la Photographie, où le directeur Xavier Canonne a pu choisir parmi la collection du galeriste parisien Baudoin Lebon, et l’exposition propose des images des 50 ans de carrière de l’artiste. Il montre une belle sélection de l’œuvre unique, individuelle et distinctive de l’un des photographes influents du XXe siècle, dans une scénographie forte et soignée: le visiteur est littéralement absorbé dans le monde surréaliste de Witkin dès le premier instant.

 

Comme toujours avec une exposition de Witkin, l’avertissement nécessaire, que certaines images peuvent offenser certains visiteurs.

 

Aucune publication n’a été publiée pour l’exposition Witkin. Cependant, il existe une vaste bibliographie de publications sur l’auteur. La belle livre bilingue de la Bibliothèque Nationale de France Joel-Peter Witkin Enfer ou Ciel / Heaven or Hell éditée par Anne Biroleau (Couverture rigide, 239 p., Illustrations en couleur et n / b, 31 x 23 cm) est toujours une introduction recommandable à Witkin. Les images du photographe sont confrontées aux sources d’inspiration classiques et le et le photographe lui-même parle dans le texte d’accompagnement. Enfer ou Ciel / Heaven or Hell est toujours disponible à la Galerie Baudoin Lebon, 42 Rue de Montmorency, 75003 Paris, [email protected]

John Devos

[email protected]

 

Musée de la Photographie

Centre d’art contemporain de la Fédération Wallonie-Bruxelles

11, av. Paul Pastur (GPS : Place des Essarts)

B-6032 Charleroi (Mont-sur-Marchienne)

T +32 (0)71 43.58.10

F +32 (0)71 36.46.45

[email protected]

https://www.museephoto.be/

Le musée est ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 18h.

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