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Making Jamaica: photographies des années 1890

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Entre émancipation et reprise : la « nouvelle » image des Caraïbes.

Pour la première fois, 70 photographies originales de la Caribbean Photo Archive sont exposées à Londres. Issues d’une période charnière dans l’histoire du pays, ces images témoignent de la capacité de la photographie à créer, construire et promouvoir l’attrait touristique d’une Jamaïque fraîchement libérée de l’esclavage.

Les archives se déploient dans l’espace d’exposition d’Autograph, l’imprègnent. Elles s’affichent en posters géants sur les murs, se font objets précieux et minuscules dans des boîtes lumineuses ou sont “volantes”, comme transportées d’un endroit à l’autre et arrêtées là, l’espace d’un instant. Ces divers formats et matérialités rythment l’interprétation des images. Reliques du passé, cet ensemble émouvant crée en quelque sorte une carte postale d’un moment historique et social auquel la photographie participe activement.

Le XIXe siècle est marqué par la fin d’un régime oppressif aux Caraïbes. Au profond changement social s’accompagne une chute de l’économie que l’élite blanche compte bien contrebalancer. La promotion touristique du pays est mise en marche par le comité Awakening Jamaica, donnant suite à une campagne photographique destinée à promouvoir une image idyllique du pays.

Enfants, adultes et personnes âgées fixent parfois l’objectif mais demeurent anonymes. Les légendes sont reportées dans l’exposition telles qu’elles apparaissent au dos des archives, brèves. A la fois proche et lointain, un décalage temporel et spatial éloigne ces individus de nous, spectateurs. De ce mystérieux tableau se dégage une atmosphère romanesque et paisible, finalement utopique.

Les scènes de la vie quotidienne se succèdent aux portraits plus standardisés. La vie citadine s’entremêle à la vie rurale, l’une n’étant jamais vraiment séparée de l’autre. Les vêtements de style victorien et l’architecture latine environnante cohabitent avec des paysages verdoyants. Le colonialisme britannique et espagnol n’est pas bien loin.

Alors que la plupart des négatifs ont été détruits, ces archives, elles, ont voyagé. D’abord produites par Awakening Jamaica, elles sont ensuite exposées à la Word’s Fair avant d’être acquises par le Caribbean Photo Archive. A un nouveau contexte s’articule un nouveau sens, une nouvelle lecture des images et de leur sujet. Comme le soulignent les curateurs Mark Sealy et Renée Mussai, les archives ne sont pas dotées d’un sens intemporel et universel. Ce sont au contraire des objets actifs.

L’exposition Making Jamaica est accompagnée d’un nouveau travail de la photographe guyano-britannique Ingrid Pollard. Marquant l’anniversaire de son projet Pastoral Interludes, débuté en 1987, celle-ci choisit d’investir cinq archives de l’exposition. Imprimées en grands formats, les photographies sont teintées manuellement par l’artiste, suivant un procédé datant du XIXe siècle.

Cette transformation dote les images d’un aspect sculptural, un effet de collage et une certaine “fausseté”. Résonnant avec le mystère des archives exposées et la période trouble de leur production, les images d’Ingrid Pollard se balancent entre vérité et fiction et illustrent la construction visuelle et imaginaire d’un certain paysage caribéen. 

Julie Bonzon 

Julie Bonzon est doctorante en histoire de l’art au University College London (UCL), à Londres.

  
Making Jamaica, Photography From The 1890s
Du 24 février au 22 avril 2017
Autograph ABP
Rivington Place
EC2A 3BA
Londres
Angleterre

http://autograph-abp.co.uk/

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