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Maison des Arts : Marcel Bovis : 6 x 6

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Si nous connaissons bien les clichés humanistes des années 1930 aux années 1960 d’un Robert Doisneau ou d’un Willy Ronis, nous sommes moins familiers avec ceux de Marcel Bovis. Pourtant, le parcours de ce photographe et la qualité de ses œuvres en font un photographe des plus marquants de l’histoire du médium photographique du XXe siècle.

Marcel Bovis ayant choisi Antony pour y passer la fin de sa vie, la Maison des Arts a pu présenter quelques photographies de l’artiste dans son exposition « Regards sur la ville ». Aujourd’hui, en 2021, elle rend hommage à ce grand photographe grâce à l’exposition monographique « Marcel Bovis 6 x 6 », coproduite par la Maison de la Photographie Robert Doisneau de Gentilly et la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine.

Marcel Bovis a en effet fait don de son œuvre photographique à l’État le 31 janvier 1991. Cette donation est conservée par la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine (MAP) ; elle rassemble plus de vingt mille négatifs sur supports souples et plaques de verre, onze mille tirages de l’auteur, ainsi qu’un ensemble particulièrement riche d’archives et d’imprimés. Cette donation a été enrichie du legs de Geneviève Grand, dernière compagne de Bovis, en 2018 : plus de deux mille tirages, des œuvres graphiques et mille cinq cents volumes de bibliothèque.

Cette exposition est l’occasion de (re)découvrir la photographie dite humaniste, dans ses caractéristiques stylistiques et thématiques, mais également techniques car les photographes humanistes comme Marcel Bovis ont principalement utilisé des appareils photographiques moyens formats carrés de type Rolleiflex. Au-delà, elle met en évidence l’originalité du point de vue de Marcel Bovis par rapport à ses confrères.

 

   Marcel Bovis, un « photographe-illustrateur »

Photographe autodidacte érudit longtemps reconnu des seuls spécialistes, Marcel Bovis est un artiste au carrefour de nombreuses tendances photographiques qui se confronte à tous les genres. Tout au long de sa carrière, ce « photographe illustrateur » comme il se définit lui-même n’a jamais cessé de photographier et n’a pas varié de style, cherchant plutôt à perfectionner sa technique et son approche artistique. Ses œuvres forment ainsi un ensemble d’une homogénéité passionnante.

Ayant commencé la photographie durant son service militaire entre 1925 et 1927, c’est la découverte à la fin des années 1920 des œuvres de photographes modernistes comme André Kertész et Germaine Krull dans la nouvelle revue Variétés qui le confirme dans sa démarche artistique. La mode est alors au pictorialisme (imiter la peinture) et ces photographes prônent un retour général au réalisme, dans le sillage par exemple d’un Eugène Atget. Pour Marcel Bovis, « L’impression fut forte […] Je trouvais enfin la justification des toutes premières images pour lesquelles je n’avais été guidé que par un instinct peu affirmé. »

Si l’artiste fait de la photographie, c’est avant tout pour « mémoriser tout ce [qu’il voit] et [le touche] profondément pour des raisons indéfinissables ». Refusant l’événementiel, préférant prendre du recul par rapport à son sujet, le photographe pose un regard tout à fait personnel sur son environnement, moins classique que celui des autres photographes humanistes, genre auquel il est traditionnellement rattaché.

Généralement daté entre 1930 et 1960 avec un apogée dans les années 1950, le courant humaniste est complexe à cerner tant les intentions et les styles diffèrent d’un photographe à l’autre. En rupture avec la période d’expérimentations plastiques liées aux avant-gardes qui les a précédés, ces photographes privilégient l’humain dans la relation qu’il entretient avec son milieu. Presqu’exclusivement en noir et blanc, leurs œuvres traitent de la vie quotidienne populaire sans fard pour révéler la poésie cachée dans le réel le plus banal. La rue est le terrain d’étude favori de ces photographes qui déambulent à la recherche d’atmosphères particulières. S’ils refusent en théorie toute subjectivité artistique, ils accordent pourtant une grande importance à la forme de leurs œuvres : ils affectionnent les cadrages simplifiés centrés sur le sujet, la netteté des images, la succession de plans et une profondeur de champ importante. De la sorte, la photographie humaniste cherche à renouveler la vision du réel par des angles nouveaux mais sans dénaturer la réalité.

Comme les autres photographes humanistes, Marcel Bovis est un professionnel indépendant travaillant largement pour la presse et surtout pour l’édition. Comme eux, il dispose d’une solide culture artistique héritée de son ascendance – son père était peintre d’enseigne, un de ses grands-pères était un peintre local apprécié en son temps – et de sa formation aux Arts décoratifs de Nice – il est également peintre et graveur -, qui le rendent sensible au travail de composition, aux jeux de lumière et des contrastes.

S’il s’attache aux mêmes thématiques que les humanistes, il s’en démarque cependant à certains égards, notamment par des représentations moins anecdotiques teintées de fantastique, s’apparentant souvent à des vanités. Sans pour autant rechercher le détachement scientifique, il recherche constamment dans ses images millimétrées un sens de la mesure, une forme rigoureuse et dépouillée. À la fois photographe de continuité et de rupture, Marcel Bovis reprend à son compte les particularités formelles de la Nouvelle Vision qui a précédé le courant humaniste comme des angles de prise de vue audacieux faisant la part belle aux plongées et contre-plongées et une structuration des images par des diagonales dynamiques. C’est par ailleurs un photographe qui n’a jamais abandonné son goût pour les expérimentations photographiques, initiant par exemple la photographie nocturne à l’instar de Brassaï.

Profondément engagé dans le combat pour la reconnaissance du métier de photographe et de la photographie comme moyen d’expression artistique à part entière, Marcel Bovis fait d’abord partie du groupe Rectangle puis participe en 1946 à la création du Groupe des XV. Jusqu’à la dissolution de leur cercle en 1957, ces artistes jouent un rôle crucial sur la scène photographique du temps. Ils travaillent beaucoup pour la presse et l’édition, reçoivent de nombreuses commandes publiques et privées et organisent des expositions témoignant de leur savoir-faire technique et des qualités formelles de leur travail autour des thèmes chers à tous les photographes humanistes.

À partir des années 1960, toujours dans le souci d’une reconnaissance de la photographie et de ses créateurs, Marcel Bovis mène parallèlement à son œuvre artistique un long et minutieux travail d’historien de la photographie. Il écrit ainsi de nombreux articles mais aussi les parties techniques d’ouvrages généraux sur la photographie, réalise des inventaires de collections photographiques ou encore réfléchit à la création d’un musée de la photographie. La reconnaissance de son œuvre arrive tard, le public découvrant véritablement son travail en 1984 avec l’exposition « Les années trente » à la galerie Octant (Paris).

Tous ces éléments réunis font ainsi l’originalité de l’œuvre tout à la fois mesurée, complexe, dense et cohérente de Marcel Bovis.

 

Marcel Bovis : 6 x 6

3 mars – 4 juillet 2021

Maison des Arts

Parc Bourdeau, 20 rue Velpeau

92160 Antony

www.ville-antony.fr

 

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