Jusqu’au 21 février à Mains d’Oeuvres, la photographe Adrienne Surprenant présente un reportage sur les traumatismes en République centrafricaine. Le commissariat d’exposition a été réalisé par Mathias Benguigui.
Depuis que la coalition rebelle Séléka a chassé François Bozizé du pouvoir en 2013, la République centrafricaine (RCA) est déchirée par un conflit aux racines économiques, politiques et sociales, qui a provoqué des violences ethniques et religieuses. En 2020, avant les élections, les principaux groupes rebelles du pays se sont alliés pour déstabiliser le président en place en formant la Coalition des Patriotes pour le Changement. Des affrontements ont eu lieu dans plusieurs villes du pays, faisant fuir une fois de plus les populations.
En 2017, durant son premier reportage dans le pays, la photojournaliste Adrienne Surprenant se fait raconter cauchemars et insomnies. Ces témoignages révèlent une dure réalité : les troubles du sommeil sont l’un des principaux symptômes de la mémoire traumatique qui, en République centrafricaine, est liée au conflit.
En RCA, la majeure partie de la population a assisté ou participé à un acte de violence, allant du viol au meurtre. Certains ont pris les armes après avoir vu leurs proches mourir. D’autres, parce que leur pain quotidien était menacé. À la rencontre de ces gens profondément blessés, une question s’impose : quelles possibilités de reconstruction pour une société où le trauma est la norme ? Comment cohabiter, avec tout ce que les troubles psychiatriques découlant d’un événement traumatique entraînent comme changements de comportements : insomnie, hypervigilance, irritabilité, amnésie totale ou partielle, comportement violent, comportements dissociatifs, flashbacks de l’événement, angoisse, détresse psychologique et cauchemars ?
C’est ainsi que, à l’instar du Dr Kette, le seul psychiatre du pays, Adrienne Surprenant a commencé à demander : « Comment dormez-vous la nuit ? » Cette question lui a permis d’aborder les trajectoires personnelles et les blessures psychologiques sans risquer de provoquer un second traumatisme chez la personne interviewée, lui laissant le choix de donner des détails, ou d’exprimer la réalité par les métaphores de ses rêves.
De 2017 à 2021, la photographe est retournée en République centrafricaine, et a pu interviewer des personnes souffrant de syndrome du stress post-traumatique issues de différents milieux, des chefs de guerre en prison aux survivantes de violences sexuelles.
Depuis la fiction des rêves, mais ancrée dans la réalité qui les inspire, ce reportage relate l’histoire d’un pays aux prises avec la présence omnisciente de la violence et ses impacts sur la santé mentale.
Née en 1992, Adrienne Surprenant est une photographe canadienne basée en France. Elle rejoint l’agence MYOP en 2022 et est membre de Women Photograph. Après des études de photographie au Collège Dawson, elle a affirmé son écriture documentaire en abordant des sujets au long cours, au Nicaragua (2014-2015), puis entre le Cameroun et la République centrafricaine (2015 à 2021).
Ses thématiques de prédilection se situent à la lisière entre le visible et l’invisible, espérant rendre aux situations qu’elle aborde la complexité qui peut permettre de s’y confronter de façon honnête et empathique. Identité, santé mentale, droits humains et environnement s’entrelacent dans ses projets, qui rendent compte de la réalité crue du monde. La photographie est un engagement social sans concession.
Adrienne Surprenant : Pays sans sommeil
Jusqu’au 21 février 2022
Mains d’Oeuvres
1, rue Charles Garnier, 93400 Saint-Ouen
www.mainsdoeuvres.org
www.myop.fr
www.adriennesurprenant.com