Londres, Thomas Ruff

Le travail du photographe allemand Thomas Ruff met toujours en question la « véridicité » des images documentaires et ses productions testent sans arrêt les limites de la photographie en tant que médium. Ruff n’a pas seulement expérimenté toute une variété de genres, de pratiques, de formes et d’objets mais il a aussi travaillé sur un large éventail de sujets différents. Pour faire ses photographies, Ruff s’est essayé à de nombreuses méthodes allant du photomontage à la retouche numérique, en passant par l’utilisation d’objectifs infrarouges ; il s’est aussi approprié des images venant de nombreuses sources dont des archives scientifiques, des journaux, ou Internet. La Gagosian Gallery de Londres expose le travail le plus récent de ce photographe au renom international et son double-programme s’attèle à deux objets très différents pour le bonheur des spectateurs. Pour la série nudes, Ruff télécharge des images pornographiques sur Internet, les sortant de leur contexte original et les agrandissant autant que possible, transformant l’image crue et explicite de départ en un halo brumeux et pictural de pixels. À travers le traitement de Ruff, entièrement exécuté avec des outils numériques, la nature sexuelle et agressive de ces représentations est édulcorée et l’accès du spectateur à leurs contenus entravé. nudes soulèvent de nombreuses questions telles que la paternité d’une œuvre, la nature de ce qui fait une œuvre ou l’innovation artistique, aussi bien que la légitimité de s’approprier du contenu commercial étranger. Pour m.a.r.s., l’autre série de Ruff présentée simultanément, il s’est servi d’images fragmentaires en noir et blanc de la planète rouge, issues des archives publiques sur le net de la NASA, leur ajoutant de la couleur pour créer de gigantesques impressions C-type stylisées, et donnant même à certaines de ces images déformées un rendu 3D. Le travail de Ruff fait continuellement jouer l’une des qualités persistantes de la photographie : sa capacité à capturer un certain endroit à un certain moment, et de le projeter dans un autre contexte. De plus, Ruff semble accueillir les réminiscences personnelles rassemblées par le spectateur comme l’une des caractéristiques inévitables du médium photographique et admettre, voire célébrer, l’inscription des jugements esthétiques et des contenus socio-culturels produits par ses photographies. L’exposition laisse le spectateur face à la question de savoir si ces photographies ne font qu’explorer les surfaces ou si elles révèlent finalement leurs motifs cachés. Et c’est probablement cette tension, entre ce que nous voyons et ce que nous pensons voir, qui maintient le spectateur captivé par l’art de Thomas Ruff. Anna-Maria Pfab nudes Thomas Ruff Jusqu’au 21 avril 2012 17-19 Davies Street London W1K 3DE T. 44.207.493.3020 m.a.r.s. Thomas Ruff Jusqu’au 21 avril 2012 6-24 Britannia Street London WC1X 9JD T. 44.207.841.9960