A Living Man Declared Dead and Other Chapters I-XVII, la nouvelle exposition de Taryn Simon au MoMA, ressemble à une grande archive d’histoires particulières. Pour réaliser ces plusieurs travaux qui ont en commun la participation d’individus d’une même lignée de sang, l’artiste investigatrice a parcouru le globe pendant quatre années. Chacun des dix huit chapitres – neuf sont à voir au MoMA – met en lumière l’histoire souvent polémique d’une communauté ou d’un groupe social d’êtres humains ou animaux.
Pour ce faire, Simon a construit trois larges panneaux par chapitres. Le premier fait apparaitre une multitude de portraits de la communauté choisie et liée à la chronique en question, à la manière d’un trombinoscope scolaire. Le deuxième comporte des textes qui informent sur les personnages et l’histoire mise en lumière. Et le troisième présente des photographies de contexte ou des documents associés que l’on découvre en vrac, comme si on surfait sur internet.
Taryn Simon s’intéresse ici notamment à des victimes du génocide en Bosnie, à des lapins de laboratoire atteint d’une maladie transmissible à travers les générations ou encore à l’histoire d’Indiens en vie mais que l’on a administrativement déclarés décédés. Entre art contemporain et photographie documentaire, cette nouvelle exposition rappelle les différentes facettes utilisables de ce medium. Par son organisation formelle, Taryn Simon tente de connecter des narratives complexes à l’identité, l’Histoire et la mémoire.
Avez-vous commencé la photographie dans une école à élaborer des trombinoscopes d’élèves ?
Taryn Simon : Et bien non. J’ai appris ce medium à travers les passions de mon père et de mon grand-père.
Vous êtes au MoMA de New York et estampillée artiste contemporaine, mais pourtant on peut tenter de dé catégoriser votre travail au vu de l’aspect documentaire qu’il comporte…
Vous êtes au MoMA de New York et estampillée artiste contemporaine, mais pourtant on peut tenter de dé catégoriser votre travail au vu de l’aspect documentaire qu’il comporte…
T.S. : Je pense que les labels sont simplement voués à un contrôle ; c’est une perte de temps. Mon medium a toujours rassemblé photographie, texte et design graphique ; ce sont des langages différents que nous retrouvons associés dans cette nouvelle exposition à l’approche répétitive et presque mécanique.
Vous présentez dix huit chapitres avec dix huit histoires différentes. Y a-t-il un lien qui unit ces histoires et permet d’en faire une exposition commune ?
T.S. : Non. Chaque histoire est sélectionnée pour des raisons bien précises. Selon le sujet, elle peut s’intéresser à la réincarnation et un questionnement sur notre appartenance au passé et au futur, à l’absence de logique, à la folie d’un phénomène, à la maladie touchant des individus ou bien à une situation désespérée. Avec ce mix assez chaotique, j’espère établir un sentiment de désorientation.
Vous vous intéressez à des gens qui paraissent attachants par leur histoire personnelle. Quelle relation entretenez-vous avec vos sujets ?
T.S. : Dans mon approche photographique, je garde toujours une distance, pour le moins frustrante. Je n’aime pas engager les habitudes de mécanismes émotionnels et préfère créer un déconfort. C’est une approche naturelle mais la nature n’est jamais vraiment naturelle.
Vos photographies sont très formelles…
T.S. : Oui, mais à nouveau, les labels demeurent des labels.
Votre travail induit une grande dose de recherches approfondies.
Comment travaillez-vous ?
T.S. : Je travaille très dur. Il y a le processus d’accès, puis la collection d’informations, la vérification des faits, l’écriture, la construction du projet, le design et la production. C’est un effort laborieux. Je n’ai jamais travaillé avec un réel sourire.
D’où vous viennent vos idées de travail ?
T.S. : Parfois, je vais lire une fiction et tenter de voir si elle existe dans la réalité. Parfois je les imagine. Je cherche dans mon cerveau, dans mes conversations, sur Google, dans les journaux. Ensuite je consulte des experts sur des sujets que je ne connais pas.
Est ce que vous abandonnez éventuellement certains de vos projets ?
T.S. : Oui, chaque artiste travaille avec l’échec.
Dans ce projet, vous représentez des individus que vous n’avez pas réussi à approcher par une photographie vide, ce qui les rend présents mais pas physiquement. C’est audacieux et honnête. Comment un photographe peut-il penser à portraiturer quelqu’un de cette façon ?
T.S. : Au début de ce projet, j’ai reçu beaucoup de refus. Certains ne voulaient pas participer pour des raisons culturelles ou religieuses, d’autres étaient en service militaire ou en prison par exemple. Les premiers portraits vides, réalisées en Corée du Sud, ont d’abord été pour moi des échecs. Mais j’ai réalisé qu’ils étaient en fait extrêmement intéressants et pouvaient former un échantillon supplémentaire. Souvent les absences sont plus importantes pour moi que les présences.
A Living Man Declared Dead and Other Chapters I-XVIII de Taryn Simon
Jusqu’au 3 septembre 2012
MoMA de New York
The Robert and Joyce Menschel Gallery, troisième étage.
11 West 53rd Street
New York, NY 10019
(212) 708-9400