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Lars Boering : « Le World Press Photo montre les histoires qui comptent »

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Le World Press Photo 2018 est exposé à Paris pendant un mois. L’occasion de (re)découvrir les photographies primées et ce qu’elles disent de notre époque. Lars Boering, le directeur général de la fondation World Press Photo, nous a accordé un entretien.

Pourquoi avez-vous choisi cette photographie d’un homme qui court, des flammes sur le corps en train de le brûler, lors d’une manifestation durement réprimée au Vénézuela comme photographie qui a gagné le 1er prix ?

Les membres du jury ont passé beaucoup de temps à sélectionner cette photographie. Je crois d’abord qu’ils ont salué la difficulté qu’il y avait à prendre cette image. Tout le monde croit que c’est facile, mais ce n’est pas vrai, c’est très difficile d’être ainsi « au milieu de la braise » si je puis dire. C’est une photographie spectaculaire ! Je me suis tout de suite dit, quand je l’ai vu, qu’elle s’accordait à merveille avec nos soixante photographies précédentes qui ont gagné le World Press Photo depuis 1955. Et puis les événements continuent au Venezuela et c’est bien d’avoir une image qui résonne particulièrement bien avec l’actualité.

Quel est exactement l’esprit du World Press Photo ?

C’est de montrer les histoires qui comptent pour un public généraliste. C’est d’encourager les photographes qui font ce type de travail. C’est encourager le journalisme, le journalisme visuel, pas nécessairement seulement le métier de photojournaliste, mais aussi plus généralement les éléments visuels qui permettent de raconter une histoire. Et aujourd’hui, alors que la liberté est sous pression, la liberté d’expression, la liberté de la presse, je pense que c’est une magnifique manifestation et qu’elle nous permet vraiment de voir à quoi le monde ressemble aujourd’hui.

Oui, et aussi parler des grands sujets d’actualité…

Oui tout à fait. On remarque d’ailleurs ici, à l’exposition qui a lieu en ce moment à Paris, qu’il y a de nombreux jeunes gens qui viennent, ce qui est très encourageant pour le World Press Photo parce que ça montre que nous pouvons renouveler notre public. Et puis, quand des gens viennent ici, ils nous disent parfois qu’ils sont surpris par des sujets et qu’ils n’en avaient jamais entendu parler auparavant.

Je pensais effectivement à une photographie de Magnus Wennman qui montre deux jeunes femmes en train d’être alimentées par une sonde gastrique en Suède. Elles sont des réfugiées et ont le syndrome dit « de résignation ». Elles ne parviennent plus à se nourrir ni même à parler ou à bouger. Elles sont paralysées. Cela serait dû à des refus administratifs qu’elles ont essuyées dans leur demande d’asile.

Oui, c’est une histoire incroyable. Personne ne la connaissait et grâce à ce photographe, voilà que cette histoire voyage, les gens s’y intéressent et peut-être même qu’on va trouver une solution à ce syndrome.

Comment procédez-vous pour faire la sélection ? Est-ce que parfois ce n’est pas le sujet qui prend la place de la qualité de la photographie ?

C’est toujours une combinaison. Je pense que le jury attend des « grandes photographies ». Il veut des images fortes; c’est l’habilité et le pouvoir de la photographie qu’il retient. L’habilité de savoir bien faire une photographie, selon les lois du métier. Le pouvoir de ce que la photographie apporte. Puis, ensuite, le jury s’intéresse plus précisément à l’histoire et parfois cela est décevant ou, au contraire, cela est encore plus fort. Je crois aussi qu’il est particulièrement attentif à honorer les sujets qui n’ont jamais été montrés, comme ce syndrome des réfugiés en Suède dont nous venons de parler. Parfois ce sont donc des histoires incroyables, mais pas les meilleures photographies du monde. Le photographe gagne, cependant, parce que l’alliage est bon. Nous cherchons les bons alliages.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Gauvin

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