Erik & Sylvain, 2011
Erik & Sylvain, un tout petit bout d’hiver, une goutte de printemps, est la première partie d’un projet à long terme sur deux frères que je connais depuis longtemps, Erik 8 ans, et Sylvain 10 ans.
J’ai suivi ces enfants dans leur quotidien dans un village des Pyrénées où ils vivaient, entretenant une forte relation entre la vie rurale et les hautes technologies.
Leur famille fait partie d’un grand nombre de gens qui ont décidé de vivre à la campagne, tout en gardant ordinateur et connexion internet. Ce n’est pas tant un » retour à la terre » qui les a motivés, mais plutôt un moyen de trouver un équilibre entre le développement technologique et des responsabilités écologiques.
Ils sont également le reflet d’une grande partie des familles actuelles en France – cette notion de » famille » ayant beaucoup évolué ces dernières décennies. Les parents d’Erik et Sylvain se sont séparés lorsque Erik n’avait pas encore deux ans.
J’ai focalisé mon attention sur les enfants parce qu’ils se retrouvent alors le fruit de cette évolution et les fondateurs des familles à venir. J’aime aussi leur spontanéité et la sorte de petite folie qu’ils ont en eux. Peu importe le contexte, le monde est un grand terrain de jeu. Ils s’accommodent bien de ce qui les entourent, que ce soit trois bouts de bois et deux cailloux dans la nature ou un MacBook Pro, leur iPod ou leur caméscope chez eux. Ce n’est pas ce qu’ils possèdent qui leur importent, mais ce qu’ils font.
Alors je suis avec eux. Ils construisent une balançoire accrochée à une branche, font des câlins à des ânes, observent des chauves-souris, des chats, un serpent en train de manger une grenouille jaune, aident à ramasser les pommes de terre, nomment un tas d’herbes sauvages comestibles ou encore apprennent à tricoter.
Et en même temps, ils font aussi des films de magie avec leur caméscope, jouent aux jeux vidéos qu’ils créent avec leur père ou aident ce dernier à construire une imprimante 3D, ou tout un tas de machines à commande numérique…
J’ai passé mon enfance dans un village en Lozère où je voyais encore des voisins élever des poules, puis j’ai grandi dans des villes de plus en plus grandes, jusqu’à passer les 6 dernières années à Paris. J’en ai oublié le goût des framboises, le temps et le travail qu’il faut pour faire pousser des légumes, pour fabriquer ou faire fabriquer dignement des objets, ce que, tout simplement, travailler la terre voulait dire, et le pouvoir d’indépendance que ça représente ou plutôt la vulnérabilité d’un citadin.
Laetitia Bénichou est née en 1983 à Toulouse, France.
Vit et travaille désormais dans les Pyrénées, France.
Laetitia Bénichou
