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La jeune photographie géorgienne

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Nestan Nijaradze, éditrice du Photo Magazine géorgien, présente pour la 1ère fois à Moscou une exposition de six jeunes photographes de son pays. Deux ans après la guerre qui a divisé les deux pays, l’exposition est un événement local. Mais il n’est pas question de guerre dans les clichés. « Je suis venue montrer la nouvelle vague de la photographie géorgienne. J’ai choisit pour cela la galerie Pobeda, qui est la plus sérieuse à Moscou en matière de photographie » explique Nestan. « Ces 15 dernières années ont été les plus fécondes pour notre pays. Une véritable révolution photographique s’est produite. Tout a changé chez nous, les valeurs, la société. La photo est devenue le médium clé entre les auteurs et le monde ».

La commissaire admet le caractère hétéroclite de l’exposition. Elle a choisi les photographes dont le travail est le plus significatif sur les 15 dernières années. « Ils ont tous entre 32 et 40 ans. L’un vit à Londres, l’autre à Berlin… » note-t-elle pour souligner ensuite qu’ils ont reçu une influence très forte de la photographie européenne.

Celle-ci est immédiatement perceptible chez David Meskhi, avec ses immenses tirages, son goût pour le flou, le spontané, l’improvisé, les contrastes brutaux et le grain très visible. Parfait pour illustrer une pochette de rock alternatif américain…

L’influence transparaît plus subtilement dans le travail de Beso Uznadze intitulé « Ne me réveille pas » (un travail qui a déjà été exposé par Nestan Nijaradze à Arles cet été). 13 tirages 30×20 et 5 grands tirages 60×40 « narrent la solitude de l’auteur à travers celle de ses personnages », analyse Nestan. Brouillards matinaux, lumière tamisée, corps abandonnés au sommeil inspirent mélancolie au spectateur, mais sans morbidité. Les personnages prennent des poses dignes d’un tableau de la renaissance italienne. Parfois des détails incongrus apparaissent, comme cet énorme godemiché traînant sous le lit d’un homme nu endormi.

A mille lieux du narratif, Guram Tsibakhashvili verse lui dans la photographie conceptuelle. Ses « notes » mêlent des photographies en noir et blanc prises à l’époque soviétique, accompagnées d’abondantes légendes rédigées dans l’alphabet géorgien. Sur chaque photographie s’imprime en rouge sang un symbole communiste : faucille, marteau, satellite, une balle de revolver, une étoile rouge…

Irina Abzhandadze présente une série de neuf photographies intitulées « victimes ». Neuf portraits d’hommes assassinés « posent », accrochés aux murs, chez les familles des victimes. Une stigmate des années de chaos économique et social traversées par la Géorgie post-soviétique. Par son cadrage, Irina Abzhandadze parvient à renforcer la dimension tragique des photos de victimes.

Guia Chkhatarashvili nous emmène lui dans la Svaneti, l’une des plus belles régions montagneuse de sa patrie. La simplicité des images met en avant la rude beauté des paysages, la vie ascétique des montagnards et les coutumes si particulières de ces hameaux isolés du monde extérieur. Un humour discret se manifeste dans ces tirages, où les animaux semblent poser de manière bien plus étudiée que les hommes…

Pour les amateurs de cinéma, le clou de l’exposition sera sans nul doute la série de Yuri Mechitov consacrée à l’un des monstres sacrés du cinéma soviétique Sergueï Paradjanov. Le réalisateur des « chevaux de feu » apparaît tour à tour facétieux, prix au dépourvu, au saut du lit (sous le regard ombrageux de Pouchkine), relevant un sourcil alors qu’il cuisine ou loufoque avec une cage d’oiseau sur la tête. Tel qu’en lui-même, mais aussi perdant le contrôle de sa propre image.

Emmanuel G

Jusqu’au 24 mars
Galerie Pobeda
Moscou, quai Bolotnaya, 3 b. 4

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