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La donation Liliane et Michel Durand-Dessert au MAMC+

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Liliane et Michel Durand-Dessert furent des galeristes lumineux en activité à Paris de 1975 à 2004, des collectionneurs avertis comme avant-gardistes. Ils lèguent au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole (MAMC+) une donation exceptionnelle, plus de 180 œuvres et une cinquantaine d’éditions, exposée ces jours-ci dans l’exposition « Double Je. Donation Durand-Dessert et Collections MAMC+ ». 

L’histoire liant le couple Durand-Dessert et le MAMC+ commence avec Bernard Ceysson, premier directeur de celui que l’on nomme familièrement le « Musée de Saint-Étienne ». Ceysson connaissait la galerie Durand-Dessert pour son soutien aux scènes contemporaines émergentes allemande (Beuys, Richter, Rückriem…), anglaise (Hilliard, Flanagan, Tremlett…) ou encore italienne (Boetti, Kounellis, Merz…). La galerie permit ainsi l’émergence de figures internationales comme Gerhard Richter, alors peu connu en France, voire dédaigné, et défendit des artistes français aux trajectoires différentes, du figuratif et mythologique Garouste comme géométrique Morellet.

De 1978 à 1987, Bernard Ceysson acquiert auprès de la galerie Durand-Dessert, une huile sur toile de ce dernier (François Morellet, 3200 carrés, 1957), un arbre de Giuseppe Penone, un Arc voltaïque de son compatriote Gilberto Zorio, des œuvres de Richter, Lavier, Tremlett. Ces échanges marchands se transforment avec la donation des galeristes au nouveau musée de deux chefs-d’œuvre : une toile de Gerhard Richter (Crâne, 1983) et une sculpture de Luciano Fabro (L’Œil de Dieu, 1969). Une amitié naît, poursuivie trente ans plus tard.

L’exposition pensée par le commissaire Alexandre Quoi, responsable scientifique du MAMC+, propose une conversation entre les œuvres issues de la récente donation des Durand-Dessert et des œuvres déjà présentes dans les collections du musée. Cette confrontation souligne l’enrichissement de fonds déjà existants (Cadere, Beuys, Morellet pour ne citer qu’eux) tout en venant combler des manques (Paolini, Wegman, Hilliard…).

Une collection s’inscrit aussi bien dans ses plénitudes que dans ses creux. L’étudier, la voir accrochée c’est y voir ses chefs d’œuvres, ses constantes et ses manques. C’est aussi lire des chapitres d’une certaine histoire de l’art. Et force est de constater, au déroulé de l’exposition, que la photographie y tient une place de choix. La donation Durand-Dessert vient colorer un fonds photographique d’une grande profondeur, constituant près de 8 000 œuvres (sur les 20 000 conservées au MAMC+).

La donation des Durand-Dessert regorge de petites raretés, à l’image des tirages lumineux de Carel Balth, jouant des profondeurs de bleus et gris froids et cherchant la répétition de motifs simples, hypnotiques (Line I, 1976), et (Edge I, 1977). Ces deux œuvres ouvrent une réflexion sur le processus même de la photographie, en jouant de la lumière naturelle et de celle artificielle. Le couple a également légué une série de Victor Burgin, « UK 76 », qui raconte par l’image et le texte, comme le ferait un documentaire, la société consumériste britannique, les injonctions induites de la publicité et l’écart avec une société tiraillée par ses problèmes sociaux. Cette série profondément ironique s’avère encore aujourd’hui terriblement actuelle.

Autre étonnement, la série quelque peu déroutante des « Ongles » de Patrick Tosani. Si ces excroissances paraissent dans leur cadre blanc maculé, abimées, vulgaires, voire même mutilées, elles n’en demeurent pas moins obsédantes. Ce sont là encore des œuvres au caractère réflexif, qui incarne toute la dualité du médium photographique, de l’image tantôt fascinante tantôt répugnante. Cette question photographique clôt par ailleurs l’exposition, en questionnant le lien entre photographie anonyme et amateur, telle qu’elle fut pratiquée par Christian Boltanski tout en soulevant l’impossible recherche d’objectivité chez Patrick Tosani, ou chez les représentants de l’École de Düsseldorf (Becher, Ruff, Struth).

« Double Je » regorge de petites éditions, livres d’artistes et revues d’artistes qui méritent une attention soutenue. À l’image des cartes postales éditées par Joseph Beuys et les éditions Staeck, celles d’Annette Messager reprenant le faire-part du mariage des Durand-Dessert en 1974 ou encore celles de Tania Mouraud conçues comme des performances à part entière, à envoyer dans l’ordre, lettre après lettre, de façon à ce que le destinataire forme le mot final « M E M O R Y ». Ces documents disent combien la photographie participa à ce que fut l’art postal, à inscrire des performances dans la mémoire et l’histoire (à l’image de Cadere), tout en restant un simple support pour des cartes d’invitation et documents.

Majeure par ses œuvres, ses éditions, ses documents et ses archives, la donation Durand-Dessert vient ainsi s’inscrire dans une histoire riche des donations propres au MAMC+. Elle fait suite à celles de Vicky Rémy, de Ninon et François Robelin dans les années 1990, de la Caisse des dépôts et consignations la décennie suivante. L’exposition demeure une preuve, sinon affirmation, des relations nécessaires entre collections publiques et collectionneurs. Elle permet de mesurer combien ces échanges peuvent s’avérer profondément intellectuels.

Informations pratiques

Double Je. Donation Durand-Dessert & Collections MAMC+
Commissariat d’Alexandre Quoi, responsable scientifique du MAMC+
20 novembre 2021 – 18 septembre 2022

Rue Fernand Léger
42270 Saint-Priest-en-Jarez
Tél. : 04 77 79 52 52
Ouvert de 10 h à 18 h, sauf le mardi.
www.mamc.saint-etienne.fr

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