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Krakow Photo Month : un festival à éveiller les consciences

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Le festival de photo de Cracovie, orchestré par la commissaire hollandaise Iris Sikking, s’articule autour du theme « Space of Flows: Framing an Unseen Reality ». Pour l’occasion, Sikking a retenu trois thèmes – la nature, l’immigration, et les données informatiques -, chacun accompagné d’une dizaine d’expositions et d’une conférence. Ce qu’il faut en retenir, c’est que face à l’opacité d’un nouveau système social universel ou les images circulent plus facilement que les personnes, le langage visuel strictement documentaire est impuissant.

Chaque artiste présenté à Cracovie, bien que tous soient majoritairement photographes, est confronté aux limites du médium et le transgresse à renfort de son, d’image animée et de nouvelles technologies, le tout servi par une scénographie débridée – l’accrochage n’est pas pensé en trois mais en quatre dimensions, les superpositions sont fréquentes et les documents écrits sont pléthoriques, proposés de façon parfois sculpturale. L’esthétique parait être mise au service du philosophique, voire du politique, pour défier l’invisibilité du système. Le fait que le festival se soit ouvert avec l’exposition de Jules Spinatsch est révélateur : en imitant le procédé technique des caméras de surveillance, il recompose une réalité fragmentée – une vue faite de fractions de scènes que l’on reconstitue sans se soucier de ses divisions. Par extension, cette fragmentation du monde semble être la conséquence principale de la globalisation et du manque de responsabilité qu’elle provoque – et ce, d’un point de vue du contrat social, du respect de la nature et de la vie privée.

Le monde est fragmenté en sous-mondes entre lesquels on érige des murs, physiques ou moraux – « la globalisation a entrainé des vagues de nationalisme », note Tudor Bratu dans son travail inspiré de l’histoire migratoire de sa famille. Davantage que les zones de flux et de circulation, ce sont les perturbations de ces espaces d’échanges que les artistes explorent ici. Et pour cela, chacun expérimente des modes de visualisation, de représentation et de narration pour traduire l’invisible, l’abstrait, en mêlant souvent les temporalités pour exprimer l’idée d’un changement récent de perspective.

Michal Luczak, qui a fait un travail sur l’extraction de charbon en Pologne, rappelle qu’il se souvient des flashs « pollution » diffusé chaque soir après le journal de 20 heures dans les années 1980. C’est à présent tabou, caché, malgré l’indéniable présence de sa présence. La peur renforce l’opacité politique. Mais la peur n’est pas une réponse productive, rappelle Rune Peitersen à propos des nouvelles technologies lors d’une conférence intitulée « Data and Power » (« Données et pouvoir »).

La parade, c’est la connaissance et l’appropriation de ce nouveau paradigme, dont les conséquences s’étendent de la société a l’environnement parce que, comme insiste Esther Howers, « le manque de compréhension mène à un manque de responsabilité ». A travers tous ces travaux et leur diversité, le festival se propose donc d’éveiller les consciences sur la vulnérabilité de la situation actuelle, tout en faisant de la photographie elle-même, retranchée ici dans ses limites et se réinventant dans le processus, une métaphore de la société.

 

Laurence Cornet

Laurence Cornet est journaliste et commissaire indépendante, spécialiste de la photographie. Elle réside à New York et Paris.

 

 

Krakow Photo Month 
Du 25 mai au 24 juin 2018
Cracovie, Pologne

http://photomonth.com/en/main-program/space-of-flows/

 

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