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Khalik Allah : I Walk on Water

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Le dernier film du photographe de Magnum Khalik AllahIWOW : I Walk on Water, est un portrait au vitriol d’East Harlem. Aux confidences de l’artiste se mêlent le visage de Frenchie, muse de longue date de l’artiste, celui d’un Haïtien schizophrène et sans domicile fixe, et les anonymes de la nuit à d’Harlem. Le résultat est un long et puissant poème scandé par l’image et la narration d’Allah.

Khalik Allah a rejoint l’Agence Magnum cette année et son regard, sa photographie vient étendre le spectre des regards de l’agence. Allah s’inscrit à la fois dans la continuité et la rupture des photographes représentés par Magnum. Le photographe Eli Reed, premier noir américain à rejoindre Magnum Photos dans les années 1980, a été l’un des artisans de sa venue dans l’agence. Le versant poétique de son œuvre et son approche entièrement subjective le qualifieraient de singulier au regard du coté photojournalistique de l’agence. Pour autant, cette même approche définissant une photographie investie, revenant sur les mêmes lieux, tissant projet après projet la mémoire d’individus, le rapproche de photographes atypiques au sein de l’agence, à l’image de Bruce Gilden ou Danny Lyon (qui ne fut pas membre à part entière). L’entrain, la fascination pour un quartier qui ne cesse d’être photographié sous chaque angle évoque aussi le travail du photographe Devin Allen, connu pour sa série A Beautiful Ghetto. Tous deux contribuent à montrer des quartiers habités de pauvreté, de vies difficiles, d’une simple misère par le prisme de la poésie. Leurs villes respectivent deviennent des parties intégrantes de leurs vies, et par conséquent, de leurs photographies.

Allah a tourné I Walk on Water avec une idée simple : « Mon objectif n’a pas changé, il a toujours été de rester vrai avec moi-même ; de rester fidèle à ma vision et d’avoir le courage de l’exprimer cinématographiquement ». Aux images tournées s’adosse une narration faite de différentes bribes composant sa pensée. Il documente ainsi une relation amoureuse turbulente, discute spiritualité et  mortalité sur les conseils de Fab 5 Freddy (membre du Wu-Tang Clan) ou du photographe Jamel Shabazz, voire dans des échanges d’une teneur intime avec sa propre mère.

L’approche directe d’Allah avec ses sujets fait affleurer de nombreuses fois des conflits, de la violence, des brutalités inhérentes à l’écosystème de la rue. Ses portraits peuvent se lire comme des témoignages de la dureté de l’existence vécue par ses sujets. Allah affirme que le « visage d’une personne est un paysage », et ce paysage est pris de front, sans pour autant être dérangeant, voyeuriste, voire spectaculaire (défaut souvent reproché au photojournalisme ou à la photographie documentaire). Son œuvre se trouve être équilibrée, tout en ne trichant pas avec le caractère angoissant, la détresse vécue par l’ensemble des personnages. En cela, le film de Khalik Allah possède un caractère double : il est à la fois un poème documentaire sur les rues de Harlem (« un engagement intransigeant de mon dévouement sans compromis pour la rue »), tout autant qu’un confrontation à la première personne avec soi-même. Il entremêle la photographie de la rue et la pensée lancinante, sautillante, de l’auteur.

 

 

 

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