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Jeu de Paume : Frank Horvat

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Le Jeu de Paume rend hommage au photographe Frank Horvat, disparu le 21 octobre 2020 à l’âge de quatre-vingt-douze ans, par une exposition présentée au Château de Tours jusqu’au 30 octobre 2022. Accompagnée d’une monographie, elle apporte une vision renouvelée sur l’ardente activité du photographe durant ses quinze premières années de carrière, de 1950 à 1965, période durant laquelle il affirme une personnalité hors norme d’auteur-reporter et de photographe de mode.

Né à Abbazia en Italie en 1928, de parents juifs originaires d’Europe Centrale, Francesco Horvat est contraint de se réfugier en 1939 en Suisse, près de Lugano, avec sa mère et sa sœur. Parti pour Milan après la guerre, il s’essaie au métier de publicitaire puis de photographe. Ses premières images sont publiées au début des années 1950 par les journaux italiens et suisses Epoca, Die Woche et Sie und Er.

Admirateur d’Henri Cartier-Bresson auquel il rend visite à Paris en 1951 dans l’espoir d’intégrer l’agence Magnum, il acquiert un Leica et effectue un premier voyage initiatique au Pakistan et en Inde de 1952 à 1954.

Parvenant à capter en gros plans des scènes d’une grande intensité et parfois des lieux interdits, il se révèle être un photographe du corps et de l’intime.

A la suite de Die Wöche, les grands magazines internationaux Paris-Match, Picture Post, Le Ore ou Life le publient sous le nom de Franco, puis de Frank Horvat, et Edward Steichen sélectionne une de ses images du Pakistan pour l’exposition The Family of Man au Musée d’art moderne de New York (MoMA). Sa carrière de photo-reporter se poursuit à Londres et à Paris où il s’installe fin 1955. Dans ses reportages sur les nuits parisiennes, strip-tease, cabarets, music-halls voire lieux de prostitution, il capte autant l’attitude des spectateurs-voyeurs que le spectacle lui-même.

C’est à cette période qu’il acquiert un téléobjectif Novoflex et s’essaie à un grand nombre de points de vue inédits sur Paris, exacerbant par un effet de grain, de contraste et d’écrasement des plans, la saturation de l’espace public et l’anonymat de la foule.

Romeo Martinez, éditeur et rédacteur-en- chef de la revue Camera, consacre vingt pages à ce travail dans le numéro de janvier 1957 et l’expose à la Première Biennale de Photographie de Venise la même année.

Ce sont ces images de rue, reprises dans plusieurs revues photographiques européennes, qui paradoxalement l’amèneront à la mode. Par l’intermédiaire de William Klein, qui a remarqué ses images dans Camera, il entre en relation avec Jacques Moutin, le directeur artistique de Jardin des Modes.

Ce dernier lui propose de transposer son style de photographie urbaine, granuleuse, en lumière naturelle et en petit format, dans la mise en scène des collections de mode et particulièrement du prêt-à-porter, alors en pleine explosion. C’est grâce à lui qu’il réalisera ses images les plus célèbres, comme Tan Arnold au Chien qui fume ou celle de la femme au chapeau Givenchy observant aux jumelles une course imaginaire. Cette irruption d’un « esprit reportage » vivant, humoristique et décalé dans la photographie de mode séduit les autres magazines et Frank Horvat devient un photographe à succès. Monique Dutto à la sortie du métro, Nico au Bois de Boulogne, Ana Karina aux Halles paraissent dans Jours de France. Son travail et son approche sont considérés comme novateurs dans les milieux de la mode. Ses mises en situation naturelles se transforment en compositions sophistiquées dans les images qu’il réalise pour Vogue britannique et Harper’s Bazaar de 1960 à 1962. Simone d’Aillencourt, China Machado ou Vera Valdez, femmes aux parcours peu communs, y posent devant son objectif.

Frank Horvat éprouve cependant dès cette époque le désir de s’échapper des codes stéréotypés du photojournalisme et de la photographie de mode. Appuyé par le directeur-en-chef du magazine de reportage allemand Revue, il entreprend pendant huit mois un vaste essai photographique autour du monde, qui le mènera au Caire, Tel Aviv, Calcutta, Sydney, Bangkok, Hongkong, Tokyo, Los Angeles, New York, Caracas, Rio de Janeiro et Dakar entre 1962 et 1963. Dans ce dernier grand reportage en noir et blanc, il laisse libre cours à l’expression de ses fascinations et à une inspiration personnelle aux vibrations parfois hallucinées. Jeux de regard, scènes de nuit, fragilité entrevue derrière les masques, mélancolie des corps, troubles physiques et amoureux, dessinent une cartographie intime de ce photographe mû tout au long de sa vie par une recherche introspective et par une inépuisable quête de l’expérience nouvelle.

Réalisée à partir des importantes archives et écrits laissées par le photographe dans sa maison-atelier de Boulogne-Billancourt, l’exposition comporte 175 tirages et 55 documents d’époque (publications, écrits, ouvrages, planches contacts). Elle présente, à côté d’images emblématiques, des ensembles de photographies moins connues ou complètement inédites. Sont ainsi dévoilées la richesse et la singularité d’une œuvre complexe et multiforme, replacée dans le contexte de l’histoire de l’image photographique et de la presse illustrée d’après-guerre.

Virginie Chardin, commissaire de l’exposition et spécialiste de l’histoire de la photographie, est l’auteur de plusieurs expositions et ouvrages sur les archives inédites de photographes tels que Willy Ronis, Sabine Weiss ou Pierre de Fenoÿl

 

Château de Tours
25 avenue André-Malraux
37000 Tours, France
www.tours.fr

 

Frank Horvat 50-65
Textes de Virginie Chardin et Susanna Brown, avant-propos de Quentin Bajac et épilogue de Fiammetta Horvat
Édition bilingue français/anglais
Coédition Jeu de Paume / Éditions de La Martinière, Paris
24 x 28,5 cm – 288 pages, 235 illustrations en noir et blanc et en couleurs
ISBN : 979-1-0401-1154-2
Prix : 45 €
https://www.editionsdelamartiniere.fr/

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