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Jean-Claude Francolon dans Gamma : une histoire de photographes

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Fondée en 1966 par des photographes, pour des photographes, l’agence Gamma devient en quelques mois un leader mondial. « Six nouveaux photographes, six nouveaux regards sur le monde », tel était le slogan de Gamma qui, dès sa création, a su mettre en avant et développer le photojournalisme pour informer, anticiper l’actualité, en apportant un regard personnel sur les événements. En cinq décennies, quelque 5 000 photographes ont réalisé 300 000 contacts noir et blanc et 200 000 sélections couleur produites. Une vraie richesse journalistique dont cet ouvrage est la quintessence. Il présente le travail de ceux qui ont vraiment créé, construit et développé l’agence : une entreprise souvent copiée, mais jamais égalée. Toutes les grandes images de Gamma sont dans ce livre. Tout comme les grands photographes qui ont contribué à son histoire. Aujourd’hui, L’Œil de la Photographie publie une sélection des meilleures images de Jean-Claude Francolon.

Venu à Gamma dans la foulée de la scission de 1973, Jean-Claude Francolon est devenu actionnaire de Gamma en 1978 lorsque Raymond Depardon lui a vendu ses parts. Reporter-photographe, il a parcouru le monde jusqu’en 1990 avant d »en être nommé PDG. Il a créé la branche « Patrimoine 2001 » en coopération avec l’Unesco, dont le but était d’engranger en photos, jusqu’en l’an 2000, l’ensemble des monuments et villes appartenant au Patrimoine de l’Humanité.

Jean-Claude Francolon a vécu quelques dramatiques moments au Vietnam où il a été blessé et sur d’autres fronts, mais également des moments très forts, comme sa rencontre avec Mère Térésa, ou avec Idi Amin Dada dont il a photographié le mariage. Il raconte l’un de ses épisodes au cours duquel un bateau en papier lui sauva la vie. Une vie que les photographes de Gamma ont souvent risqué pour une photo.

En mars 1978, il est à un poste frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, à 500 kilomètres à l’Est de Bangkok. Il raconte : « Depuis des jours, nous observons au poste fermé d’Aranyaprathet, entre le Cambodge et la Thaïlande, des Khmers rouges qui vont et viennent. Nous sommes distants d’environ 300 mètres. Je sais qu’ils sont acculés dans cette région par l’avancée des forces vietnamiennes depuis 2 ans. Des réfugiés Khmers rouges tentent tous les jours de passer cette frontière matérialisée par des bambous en croisillons, affûtés comme des poignards. Après avoir longuement discuté avec un guide Thaï qui parle couramment le khmer, je décide avec Arnaud Borrel, de Sipa Press d’aller à leur rencontre. Au lever du jour, nous parvenons à franchir la frontière et nous nous retrouvons en territoire Khmer. Au bout de 3 heures de marche, dans un chemin creux sans ombre (40° et 70% d’humidité) nous apercevons au loin des silhouettes noires qui se dirigent vers nous. Connaissant leur sauvagerie, je me tourne alors vers Arnaud en lui disant que nous ne sommes plus maîtres de notre destin. ‘On y est !’ Il me répond : ‘Je te suis !’ Les premiers combattants arrivent sur nous et nous fouillent sommairement. Je déclare immédiatement en français et en anglais que nous sommes des journalistes français. Ils nous font signe de nous asseoir et au bout de dix minutes, c’est une vingtaine de khmers rouges avec armes et enfants en bas âge qui font cercle autour de nous. Je fais répéter à l’interprète Thaï ce que je viens de dire, à savoir que nous sommes des journalistes français. Je demande si quelqu’un parle français. Je vois des légers mouvements de tête vers un personnage en face de moi vêtu d’une veste avec des poches ornées de stylo. Avec des gestes de la main, ce Khmer rouge me fait signe qu’il ne parle pas français et s’adresse directement à mon guide. Pendant une bonne demi-heure, ils parlent entre eux. Je ne comprends évidemment rien mais je remarque que notre guide, qui est un autochtone et habitué au climat, commence à transpirer à grosses gouttes. Là, je me dis que la situation doit être grave et je demande à Arnaud s’il a un papier dans son sac. Il me demande si c’est pour écrire mes dernières volontés. ‘Non, il y a des enfants et j’ai une idée.’ Je ne trouve pas de papier mais notre manège intrigue tout le monde et les conversations s’arrêtent. Je finis par trouver au fond de mon sac une étiquette de bagage de voyage officiel de la Présidence de la République Française, avec le drapeau bleu blanc rouge. Je me mets à genoux et la présente à bout de bras à tout le monde autour de moi en précisant que je suis journaliste officiel de la République Française. Et je commence à plier ce papier, toujours à bout de bras. Je fini par en faire un bateau que je fais danser au-dessus de ma tête, puis je me lève aussitôt et me dirige vers un Khmer rouge assis en face de moi, flanqué de 2 enfants à ses côtés et j’offre ce bateau à celui situé à sa droite. Je vois dans les yeux de cet enfant qui ne sait pas quoi faire. Son père lui donne alors un léger coup de coude pour qu’il accepte. Je tente de faire une photo en m’éloignant mais les culasses des Kalachnikovs claquent. Je n’insiste pas et je reprends ma place. Les conversations reprennent entre eux et l’homme aux stylos s’adresse à mon guide pour lui dire qu’il n’a pas d’ordres de Pékin pour recevoir des journalistes. ‘Vous êtes entrés illégalement sur le territoire Khmer, vous ne pouvez pas rester en ces lieux. Nous allons vous donner à boire et à manger et vous raccompagner à la frontière.’ Dans la soirée, de retour à l’hôtel et dans l’euphorie de nous retrouver sains et saufs, je trouve un couple de journalistes free-lance à qui je raconte notre histoire. Une semaine plus tard, de retour à Paris, quelle n’est pas ma surprise de la voir en pleine page, dans le Matin de Paris, signée de leurs noms. »

Floris de Bonneville

 

Gamma, Une histoire de photographes
Publié par La Martinière
59 euros

http://www.editionsdelamartiniere.fr/

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