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Janet Lehr: Une pionnière

Jour 13 –

Les 15 premiers portraits de galeristes on été publiés le 30 mars dans La Lettre de La Photographie. « Formidable – a dit Jean-Jacques – Un vrai succès, on continue ! ».
Moi je n’ai rien entendu, après ces 2 mois fous, j’avais décidé de prendre 48 heures off – pour dormir…
Et puis quelques jours plus tard, j’ai reçu des mots particulièrement doux de la galeriste Janet Lehr et j’ai chaussé mes bottes de photographe, chargé mon paquetage numérique et je suis repartie à l’aventure…

Chez elle c’est jaune et or. C’est gai, intriguant et un peu envoutant aussi – comme un voyage, quelque chose d’asiatique je crois… Et puis Janet a des lunettes hypnotiques, un collier (probablement) magique, un sourire franc et une chemise assortie au soleil de ses murs.
On plonge direct dans la discussion, sans enregistreur pendant qu’elle me sert un verre d’eau – à propos de voyage justement, on tente d’imaginer la vie de ces hommes et femmes qui sont partis explorer, photographier, témoigner à une époque où l’avion n’existait pas, où une bonne partie de la planète était inexplorée, où le matériel photographique n’était pas prévu pour la jungle ou le désert … Quelle aventure, c’est fou.

Je suis restée longtemps chez Janet parce qu’elle avait plein d ‘histoires comme j’aime à partager. Mais ce que je garde de cet entretien, c’est sa passion pour l’image, que ce soit du dessin, de la photographie, ou de la peinture. Elle se laisse volontiers émouvoir par la fragilité d’une ligne, la puissance d’une forme, l’évidence du point d’équilibre entre les 2. On passe un délicieux moment à discuter devant le dernier autoportrait de Picasso. Un vrai poème.
C’est tout ça qu’elle voit aussi chez le photographe Alvin Langdon Coburn, et c’est pour ça qu’elle pense que c’est le premier photographe moderniste. Elle me montre son tirage préféré : Spider-Webs pris a Liverpool en 1906.
J’écoute, je fixe, j’observe et je me laisse lentement glisser dans l’illusion d’arriver à voir comme si c’était la première fois… Janet continue à raconter, et soudain m’apparait à quel point cette image de ville en marche, vibrante comme le cœur d’un monstre, soufflante comme une machine infernale est moderne en effet. C’est ahurissant. Un portrait qui plonge sans concession dans les entrailles de la ville, dans ses ruelles, dans ses odeurs, dans ses tumultes…

J’espère arriver toujours à ouvrir les yeux pour la première fois.

Merci Janet !

De la découverte de la photo à l’ouverture de sa galerie…
Quand elle avait 9 ans, elle faisait partie du Clic Clic Camera Club de la classe de miss Jeffers. Elle ne peut pas m’en dire beaucoup plus sauf qu’elle avait un appareil photo – fait plutôt rare à l’époque.
Ensuite elle entreprend des études de droit et devient avocate. Apres quelques années, le rabbin de son quartier lui demande d’organiser une vente aux enchères au profit de sa communauté – elle accepte, elle est alors enceinte de son premier enfant. Elle accouche le soir du vernissage. Son mari lui offre la plus belle œuvre de l’exposition et lui amène sur son lit d’hôpital. C’est ainsi qu’elle décide de se lancer dans le monde de l’art.
Elle commence par s’intéresser aux peintres américains (George Bellows, Maurice Prendergast, Willem De Kooning…) dont les travaux sont alors méconnus et peu collectionnés. Elle en fait son cheval de bataille jusque dans les années 65 où leur succès est tel qu’elle met fin à sa mission auprès des peintres américains pour se mettre en quête d’un autre medium à « révéler ».
A l’époque, son mari collectionne les appareils photos et elle est intriguée par les images qu’ont pu produire de tels outils. Dans la même année, elle voit trois expositions qui seront décisives : Walker Evans, Brassai, Julia Margaret Cameron. Elle a trouvé son nouveau challenge : acheter vendre, montrer et célébrer la photographie. Elle commence alors à visiter et explorer les archives des bibliothèques et des musées, se documente sur ces grandes collections de photos utilisées a l’époque uniquement comme archive mais jamais exposées. Elle achète du Talbot entre autres.
Elle ouvre officiellement Janet Lehr Inc en 1972.

Son meilleur souvenir de galeriste…
Janet dit que chaque trouvaille fut un succès et un plaisir – et la recherche aussi. Trouver un Coburn n’était pas une mince affaire à l’époque – d’autant plus qu’il n’avait pas de descendance. Elle dit avoir passé des heures à chercher certains tirages – une vie de chasse au trésor !
Elle ajoute que monter des collections pour des musées est de loin la partie de son travail qu’elle a préféré. Elle dit avoir rencontré et travaillé avec des conservateurs de grand talent, profondément amoureux de la photographie comme art à une époque ou la photographie n‘est que documentaire.

Son pire souvenir de galeriste…
Elle n’a pas un caractère à garder en tête les mauvais souvenirs !

Sa première photo achetée à titre personnel ou une photo qui a une importance particulière dans sa vie…
Spider-webs, Liverpool 1906 par Alvin Langdon Coburn.

Sur le mur de sa chambre…
Willem De Kooning

S’il était un(e) photographe connu(e)…
John Thompson un pionnier de la photographie d’Asie du sud Est.

Stéphanie de Rougé

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