Ma mère a commencé à fumer à l’âge de onze ans. A la fin de sa vie, d’après mes calculs, elle avait fumé 1 029 398 cigarettes. 1 029 398 Cigarettes montre la vie et la mort de ma mère à travers les photos que j’ai faites depuis mes neuf ans pendant trente ans jusqu’au jour de sa mort. Le projet expose la transformation d’une femme charismatique et colorée en une femme souffrant des ravages physiques de l’emphysème causée par 47 ans passés à fumer.
Malgré sa timidité à se faire prendre en photo, ma mère m’a encouragé à le faire pendant les huit derniers mois de sa vie, passés à l’hôpital ou dans une maison de convalescence. L’objectif initial de 1 029 398 Cigarettes était de prendre des photos qui inciteraient les fumeurs à se faire aider dans leur lutte contre leur addiction, mais il est inévitablement devenu une façon pour nous de créer un lien émotionnel que nous n’avions pas pu créer auparavant.
Le plus grand bienfait de notre collaboration photographique a été notre découverte des moyens d’exprimer l’affection que nous avions l’un pour l’autre. Je ne me souviens pas d’un baiser, pas de la moindre démonstration d’affection entre les membres de ma famille lorsque j’étais enfant. Pourtant, après avoir rendu visite à ma mère à l’hôpital, tous les jours pendant huit mois, en la prenant régulièrement en photo, nous avons commencé – pour la première fois de notre vie – à nous embrasser pour nous dire au revoir quand je repartais. Ces démonstrations d’affection inédites étaient poignantes mais teintées d’amertume, car nous savions qu’il ne lui restait que peu de temps à vivre.
James Friedman
James Friedman est photographe et enseignant. Il vit à Columbus, dans l’Ohio, aux Etats-Unis.
