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Jacques Olivar au paradis

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La Galerie ArtCube à propose à Paris une exposition du photographe de mode Jacques Olivar. S’y côtoient des images de stars de l’univers de la mode – Christy Turlington, Helena Christensen, Eva Herzigova, Natalia Vodianova, Monica Belluci, Nadja Auermann – et des atmosphères cinématographiques d’une certaine Amérique.

Depuis quelques années, les experts en art contemporain se tournent avec intérêt vers le travail d’un certain groupe de photographes de mode, car ils ont constaté que les mises en scène de ces derniers, inspirées par la littérature, l’opéra, le théâtre ou le cinéma, suggéraient avec finesse les désirs subconscients de notre époque.

Mode et Fine Art intimement liés, sans frontière précise : l’œuvre évocatrice et ambigüe de Jacques Olivar est un remarquable exemple de cette tendance. Il sait exactement comment insuffler l’état d’esprit de notre monde dans une narration visuelle. Les images de Jacques Olivar semblent empruntées au cinéma de l’Age d’or du Technicolor, lorsqu’après le rugissement du lion de la MGM, désir, passion, nostalgie, souffrance et drame se déployaient inexorablement.

Les femmes photographiées par Jacques Olivar sont à la fois des héroïnes et des êtres vulnérables. Jacques Olivar met en scène chaque détail avec précision, tout en nous accordant l’espace nécessaire pour inventer notre propre histoire. Comme les photographes de mode Helmut Newton ou Guy Bourdin, Jacques Olivar maîtrise l’art de la suggestion, de la séduction visuelle et du suspense.

Ainsi, lorsque l’on regarde ses images, on se demande obligatoirement ce qu’il s’est passé une fraction de seconde avant et après l’instant capturé par la photographie. Fermez les yeux, montez toutes les images en une seule séquence, rêvez éveillé un moment, laissez libre cours à votre cinéma intérieur : le film va commencer. Les protagonistes de Jacques Olivar, c’est vous – que vous soyez homme ou femme – et nous sommes eux. Il sait alors allier beauté, séduction et sensualité à une inlassable fascination pour le récit.

 

Lorsque l’on regarde votre style photographique nous avons la sensation que vous êtes particulièrement influencé par l’univers d’Alfred Hitchcock.

Le cinéma Américain m’influence énormément et constitue une grande part de ma culture visuelle. Les incomparables couleurs du Technicolor, l’apparition du Cinémascope, l’extrême soin des mises en scène, le choix des couleurs, des décors et des costumes. Il y avait là une élégance indiscutable alliée à l’immense talent des conteurs et réalisateurs qu’étaient Alfred Hitchcock, John Huston, Elia Kazan, Nicolas Ray (le plus grand peut-être) Anthony Mann, John Ford, et plus récemment David Lynch, Gus Van Sant, ou encore Terence Malick. Ces capteurs d’images ont su exprimer la poésie de l’errance, ou encore le mystère au sein de ces lieux mythiques appartenant à l’écriture américaine. Une vision que l’on retrouve aussi dans les romans de Steinbeck, Tennessee Williams, ou encore Jacques Kerouac. Je dois dire que je pourrais facilement mettre sur toutes mes photos le nom du film ou de l’œuvre auxquels je fais référence parfois même inconsciemment.

Qu’est-ce qui vous fascine, vous inspire ?

Je suis très inspiré par les êtres ténébreux. Ce sont les seuls qui m’attirent, les seuls conscients de leur folie, en perpétuelle quête de rédemption, de vérité, les explorateurs de la face cachée de l’humanité. Les laissés pour compte, les saltimbanques éclopés et les trapézistes alcooliques, tous ces personnages qui sortent de l’ordinaire me fascinent car ils me permettent de me poser de réelles questions. J’ai d’ailleurs, une admiration toute particulière pour Marilyn Monroe, qui est pour moi l’archétype évident de cette constante friction du merveilleux et du sordide.

Comment vous est venue la passion pour les images ?

Je n’ai pas à proprement parler une attirance pour les images, mais pour le cinéma d’une certaine époque. Ce dernier m’a passionné et j’ai tenté par la suite de raconter mes émotions cinématographiques avec un appareil photo.

Comment pensez- vous vous démarquer, quel est votre plus, votre marque de fabrique qui plait tant ?

Mes photos sont intemporelles car elles prennent appui sur une culture relativement populaire issue de la littérature et du cinéma. Il est tout à fait possible d’être totalement sensible à un film d’Hitchcock ou même de Dreyer, encore de nos jours, alors qu’ils ont une cinquantaine d’années pour Hitch et plus de 80 ans pour le Jeanne D’Arc de Carl Théodore… mes images racontent toutes une histoire. Mais elles ne nécessitent pas d’être en série et vivent parfaitement en étant isolées. N’oublions pas que nous aimons tous les histoires et je me fais un plaisir de vous les raconter en une seule image.

Vous êtes passé de la photo de mode à quelque chose que l’on calcifierait plus d’art. A votre avis qu’est-ce qui fait la différence ?

Je ne sais pas exactement. Lorsque j’ai été contacté pour la première fois par une Galerie, je n’avais jusqu’alors pensé que mes photos pourraient exister ailleurs que sur les pages des magazines. Je n’ai depuis jamais modifié mon approche de la photographie. Il se trouve que certaines images fonctionnent merveilleusement, encadrées ou exposées dans une Galerie ou un salon, sans que je réalise ce qui les diffère de autres. On ne sait jamais ce qui fonctionne, ce qui plaît, c’est un peu comme un “tube” dans la musique. On ne peut pas fabriquer un “tube”, il le devient par l’adhésion du public. Et c’est ce qui fait la valeur d’une œuvre, le fait que l’on ne soit jamais tout à fait responsable de son succès.

 

Walter Keller & Camille Viennet

Walter Keller est un ancien maître de conférences au département d’Anthropologie culturelle à l’Universite de Zurich ; il est co-fondateur du magazine d’Art Contemporain Parkett et du Musée de la photographie de Winterthur. Camille Viennet est une journaliste spécialisée en art ; elle vit et travaille en Suisse.

 

 

 

Jacques Olivar, Another day in paradise
Du 3 novembre au 9 décembre 2017
Galerie Artcube
9 place Fürstenberg
75006 Paris

www.artcube.fr

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