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IV Fórum Latino-americano de Fotografia à São Paulo

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Le Fórum Latino-americano de Fotografia n’a lieu que tous les trois ans, à São Paulo. Sa quatrième édition vient de se tenir, et a réuni, pendant quatre jours de débats, d’expositions et workshops, les principaux acteurs du monde de la photographie latino-américaine. Pendant ces quelques jours, le Brésilien Iatã Cannabrava et le Paraguayen Fredi Casco, directeurs de l’événement, ont convié des théoriciens et artistes de toute l’Amérique latine pour discuter de la photographie qui s’établit sur le territoire et des problématiques qui lui sont liées, cette année sous le signe de la photographie comme forme de pensée, comme instrument critique pour proposer des regards sur le monde. Sur un continent fait de contradictions et ayant expérimenté des chocs de rencontres entre les peuples tels que la conquête, la colonisation, puis l’avènement du capitalisme, discuter l’image et la question de la représentation en regard de ces événements s’avère en effet essentiel.

Ticio Escobar, curateur, critique, et ancien ministre de la Culture au Paraguay, présente avec éloquence ses questionnements autour de la représentation de l’Indigène sur le territoire latino- américain, auprès d’Itala Schmelz, commissaire du Centro de la Imagen de México. Ils évoquent notamment la manière dont la photographie peut être utilisée de façon conceptuelle, afin de ne pas tomber dans l’esthétisation de l’Indien, dans le fantasme de sa représentation. Leurs questionnements font écho à plusieurs des travaux présentés dans l’exposition Arquivo Ex Machina – Identidade e Conflito na América Latina (Archive Ex Machina — identité et conflit en Amérique latine), qui accompagne l’événement et restera à l’affiche jusqu’à début août. C’est le cas des photographies que présente L’Équatorien Coco Laso, réalisées par son arrière-grand-père dans les rues de Quito. Alors qu’elles paraissent de prime abord être des vues plutôt classiques de la ville, l’on découvre en se rapprochant les interventions réalisées par le photographe. En grattant le négatif puis en le peignant ensuite, il a subtilement effacé tous les Indiens des images, comme pour nier leur présence, qui n’était probablement ni valorisante ni esthétique lorsqu’il s’agissait de représenter la capitale à son époque.

L’on compte également parmi les invités des conférences, puisque le thème de l’exposition liée amène à aborder la question de l’archive, Rosângela Rennó, la superstar de la réutilisation d’image d’archive au Brésil. Mais les artistes conviés ne se limitent pas au territoire latino- américain, et des ouvertures sur la manière dont sont abordés ces questionnements dans le reste du monde sont proposées. Ainsi, l’artiste Oliver Chanarin, dans un entretien mené par la photographe brésilienne Claudia Jaguaribe, présente le travail critique autour de l’image et de la photographie qu’il construit en duo avec Adam Broomberg. Il met en exergue la dimension d’humour et de décalage face aux expectatives de leurs commanditaires sur lesquelles ils jouent. Le public compte également de nombreuses nationalités dans ses rangs, venues de bien au-delà des frontières de l’Amérique latine. Le célébrissime photographe anglais Martin Parr, présent pour son exposition personnelle qui ouvre au même moment ailleurs dans la ville, assiste notamment aux conférences et montre son intérêt et engagement auprès de la photographie du continent.

Il n’est pas surprenant que l’événement et l’exposition attirent un public d’une telle qualité. La diversité culturelle et des approches photographiques est particulièrement perceptible dans l’exposition Archivo Ex Machina, qui permet de saisir la richesse de la photographie en Amérique latine. Dix collectionneurs, artistes et commissaires, y présentent un travail autour de l’image d’archive, que cela soit à travers la recontextualisation, la manipulation, ou la création de documents d’archives. Tous les travaux présentent un regard très politique, ou fortement lié aux problématiques culturelles du continent, mais ils convoquent tous des pratiques extrêmement éclectiques.

Le collectionneur bolivien Javier Nuñez del Arco présente les photographies qu’il a trouvées dans une boîte à chaussures chez un antiquaire il y a quinze ans de cela, réalisées par l’allemand Hans Ertl en Bolivie à la fin du XIXe siècle. Les images sont celles du regard qu’un Européen portait à l’époque sur une population qu’il ne tentait pas de comprendre. La photographie de cet homme indigène, dont les pieds reposent sur un globe terrestre renversé, est peut-être la plus emblématique du travail.

Marcelo Brodsky, artiste et activiste argentin, connu pour ses interventions sur images d’archives, présente 1968, o Fogo das Ideias (1968, le Feu des Idées), un travail sur les images des soulèvements populaires ayant eu lieu en 1968 dans le monde. João Pina réalise, lui aussi, un travail de réactivation de la mémoire par l’image d’archive, en montrant un travail sur l’opération Condor, un plan militaire secret initié durant la Guerre Froide par plusieurs pays latino- américains. Enfin, le Brésilien André Penteado explore, lui, la manière dont on peut créer de l’archive sur un sujet qui n’en possède pas, ou peu. Il revient sur l’histoire d’une révolte quasi méconnue dans son pays, en tout cas très peu documentée, la révolte des Cabanos, ayant eu lieu en 1830. En retournant sur le territoire de l’événement, interrogeant et des personnes sur la mémoire du lieu, il réinvente l’histoire par l’image.

EXPOSITION
Arquivo Ex Machina – Identidade e Conflito na América Latina
Du 16 juin au 7 août 2016
Itaú Cultural
Avenida Paulista, 149, São Paulo Brésil
http://www.itaucultural.org.br/programe-se/agenda/evento/exposicao-arquivo-ex-machina-arquivo-
e-identidade-na-america-latina/

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