Le travail vidéo d’Ismail Bahri se caractérise par une grammaire minimaliste : un son absent ou très subtil, pas de montage, un cadre fixe, une scène simple. En cela, elles ont un aspect photographique inspiré d’un langage qui ne tend pas à documenter un fait mais à représenter un phénomène ordinaire expérimenté en même temps que l’artiste. Il est l’observateur et l’exécutant de la scène qui se joue. L’acteur, c’est l’événement lui-même, un acteur irrépressible qui dévoile son récit par fragments et impose son rythme. Ce rythme, lent la plupart du temps, relève d’une acceptation du phénomène dans ses faiblesses, ses temps morts et ses silences visuels, afin de permettre à l’image de se révéler – « de se lever », selon la définition de Daniel Arasse. C’est l’événement et son advenue qui déterminent la temporalité et qui justifient le recours a la vidéo. La vidéo lui permet la captation d’infra-événements en cours de mutation a travers un dispositif autarcique et le cadrage précis consiste à poser les conditions de la perception de cet événement. Le mouvement, l’action, y sont introduits par indices et posent les bases d’un questionnement de l’image fixe. Le tremblement saccadé de la main dans « Orientations », le tangage du papier qui se déroule dans « Film », les fluctuations du fil qui s’enroule dans « Dénouement », le fluide va-et-vient de l’étincelle dans « Attraction », sont autant de signes de l’écoulement du temps. Un temps réel, drastiquement raccourci en photographie et fictionnalisé au cinéma, que l’on retrouve ici dans toute sa simplicité. La simplicité formelle, des lors, reflète la simplicité du processus. Un processus pourtant contrôlé, maintes fois répété, aiguisé. Avec, toujours, une part d’imprévisible. En résultent des visions fragmentées de processus variés, chuchotements visuels qui invitent a une perception attentive et patiente de notre environnement. Une étude de la réalité qui, jouant des opportunités de croisement entre les disciplines, se mue en abstraction des matieres, formes, interactions, lumieres, révélations et distances.
Ismail Bahri « Précipités »
Exposition du 4 mai au 16 juin 2012
17 Rue Filles du Calvaire
75003 Paris
T : 01 42 74 47 05