Une première biennale
L’Institut du monde arabe présente une exposition collective, résolument ancrée dans le réel et tournée vers le XXIe siècle. Celle-ci se déploie sur 700 m2 et présente les œuvres de vingt neuf artistes photographes, émergents et confirmés, pour la plupart issus du monde arabe. Les artistes occidentaux présentés se sont quant à eux penchés avec pertinence sur un lieu ou une problématique qui caractérise ce vaste territoire. Ne cherchant ni l’exhaustivité, ni à circonscrire les possibles spécificités du médium photographique dans les pays arabes, l’exposition privilégie des regards d’auteurs et son public peut ainsi découvrir la richesse et la diversité des points de vue de ces artistes, œuvrant tant de l’intérieur que de l’extérieur.
Menant un véritable travail d’écriture visuelle, et capables de mettre leur oeil à distance, ils s’inscrivent dans le courant de l’art documentaire plus que dans l’immédiateté du reportage. À travers plusieurs entrées thématiques, c’est simultanément la grande et la petite histoire des hommes et de notre époque que cette exposition questionne.
Histoire(s) contemporaine(s), Melancolia arabica
Certaines circonstances ont favorisé l’émergence et la diffusion à l’échelle internationale d’artistes et de photographes vivant dans le monde arabe, ainsi que des photographes nés ou installés en Europe et en Amérique du Nord, ayant conservé des liens forts avec leur pays d’origine. Il serait fort dommage de se priver de leurs regards puisqu’ils sont précisément ceux qui manquaient auparavant pour pouvoir envisager plus lucidement l’écriture de l’histoire en cours. En marge de l’actualité, ils proposent des visions renouvelées de ces régions et sous-régions, et leur culture arabe leur confère presque une sorte de responsabilité. Qu’ils aient poursuivi des études d’art ou de journalisme, ou qu’ils soient autodidactes, ils appartiennent en grande majorité à des générations postindépendantes et s’inscrivent dans une géographie mondialisée. Leurs travaux photographiques prennent racine simultanément dans le champ du documentaire et de la photographie d’art fondé par les prédécesseurs, européens et américains sans doute plus qu’arabes.
Histoire(s) contemporaine(s) tente de cerner les contours d’une expression artistique en prise avec l’inquiétante étrangeté émanant du réel, et les contours de sociétés et de pays en proie à de profonds clivages et de nouvelles incertitudes. Les images rassemblées ici offrent un point de vue sur des espaces rarement explorés, et des approches décalées touchant aux ruptures et aux transformations parfois violentes qui marquent l’époque. Ensemble, elles tissent un panorama de l’état actuel du monde, mélancolique et méditatif. La grande et tumultueuse histoire se trouve placée en périphérie d’une quête plus individuelle et artistique des photographes dans laquelle les formes, la conscience et la lenteur deviennent très souvent une nécessité. L’exposition s’aventure sur le terrain du récit, de la poésie et de la fiction.
Nombre d’artistes travaillent ici la question de la perte, de la rupture avec une identité et un passé proche ou lointain. Ces questions de la construction, de la reconstruction, de la disparition, du passé contenu dans le présent, s’accompagnent d’une forme de mélancolie. Celle-ci prend évidemment racine dans les situations conflictuelles et les états de menaces diverses qui traversent de part et d’autre le Golfe, le Machrek et le Maghreb, mais aussi dans l’éradication des particularismes et l’uniformisation visuelle des espaces habités qui touchent les pays arabes comme d’autres points du globe. Le fil rouge d’ « Histoire(s) contemporaine(s) » serait donc peut-être la notion d’« habiter ». Où habitons-nous ? Par quoi sommes-nous habités ?
Qu’il s’agisse d’un lieu ou d’une personne, l’artiste rencontre toujours son sujet dans un contexte très particulier et instable, régi par des hasards et des tropismes qui le feront se déplacer et trouver ce quelque chose qu’il cherchait, ou pas. De cette rencontre naît un protocole plus ou moins tacite qui permet d’établir une relation et un cadre au processus créatif. Fragile, s’exprimant dans la double introspection de l’auteur et du sujet, cette relation crée des images capables de s’extraire de l’urgence et de perdurer, capables aussi de raconter. Ainsi, non pas des foules compactes mais des visages rapprochés, pas d’images volées, mais des images posées, peu d’images prises sur le vif, sinon des instants de grâce. Bref, des images qui se construisent pour une durée et qui restituent des choses plus persistantes que la confusion ambiante.
Géraldine Bloch, Commissaire de l’exposition
BIENNALE DU MONDE DES PHOTOGRAPHES DU MONDE ARABE
Histoire(s) contemporaine(s)
29 artistes exposés
Du 11 novembre 2015 au 17 janvier 2016
IMA – Institut du Monde Arabe
1 Rue des Fossés Saint-Bernard
75005 Paris
France
Du mardi au jeudi de 10h à 18h, nocturne le vendredi jusqu’à 21h30, samedis, dimanches et jours fériés de 10h à 19h.
Plein tarif : 10 € – Tarif réduit : 5 €
+33 1 40 51 38 38
http://biennalephotomondearabe.com
http://www.imarabe.org
Le laboratoire Picto est partenaire de l’événement www.picto.fr