En 1987, je suis allé à la biennale Whitney Biennal, une exposition d’art contemporain américain. L’installation vouée aux travaux de Bruce Weber m’a plu à tel point que j’y suis retourné 3 fois. À ma dernière visite, j’ai décidé que je devais vivre au quotidien avec certaines de ces œuvres. Il me fallait donc en devenir propriétaire et c’est ainsi que j’acquis mes premières photographies. Aujourd’hui encore, je les contemple avec autant de plaisir qu’au premier jour.
Dès mes années de lycée à l’Episcopal Academy, suivies de mon premier cycle universitaire au Trinity College, puis de mes études de doctorant à la Brown University, j’ai ressenti une attirance pour les portraits et l’art figuratif. Cette tendance m’a conduit à effectuer pendant une brève période des recherches au sein du Rhode Island School of Design Museum, sur sa collection de portraits flamands du XVIIe siècle.
Au fur et à mesure que je m’ancrais dans ma démarche de collectionneur, j’ai commencé à passer de plus en plus de temps à chercher et observer avant d’acheter les œuvres. Durant mes années à l’Episcopal Academy, j’avais pu bénéficier d’un accès illimité à la collection de la fondation Barnes. En outre, grâce à Henry McIlheny, l’un des collectionneurs majeurs du Philadelphia Museum of Art, j’étais devenu membre à vie du musée, privilège longtemps unique. J’avais donc déjà pris l’habitude de porter un regard critique sur les œuvres d’art, aptitude que j’ai transposée à la photographie. Je lisais tout ce qui me tombait sous la main – ma bibliothèque comporte plus de 4.000 ouvrages consacrés à l’art, mais c’est une autre histoire. J’ai eu la grande chance de pouvoir parcourir le monde pour visiter galeries et musées et rencontrer des collectionneurs. Bientôt, le rythme de livraison de mes acquisitions s’est accéléré. J’en recevais presque toutes les semaines.
Quelque 3.500 photographies sont maintenant conservées dans un établissement de préservation spécialisé. Personne, pas même moi, n’a jamais vraiment vu cette collection dans son ensemble – et cela n’arrivera sans doute jamais, car elle est trop importante. J’ai estimé cependant qu’il était temps de faire l’inventaire des œuvres accumulées sur les trente dernières années et d’en choisir certaines parmi les plus marquantes. J’ai travaillé à la sélection pendant des mois, revenant inlassablement sur mes choix. Un jour enfin, il m’a semblé que j’avais atteint mon but. J’ai ainsi réuni un éventail d’environ 350 œuvres, qui représente la partie émergée de l’iceberg.
Parmi toutes celles que j’ai eues, 2 conversations sont venues nourrir mon parcours de collectionneur. John Richardson a évoqué un jour un déjeuner avec Picasso. L’idée que l’on puisse entretenir avec un artiste une véritable relation qui aille au-delà de l’appréciation d’une photographie m’a aussitôt captivée. Il m’apparaissait clairement qu’en établissant un lien personnel avec un artiste, je comprendrais mieux son œuvre, tout en vivant des moments passionnants.
Alors que je collectionnais plutôt des œuvres de nature historique, je me suis tourné vers des artistes contemporains et tout particulièrement de jeunes photographes émergeants. Le marché de la photographie a pris son essor à peu près en même temps que j’entamais mon périple de collectionneur. Tout en travaillant avec des fonds assez limités, je faisais tout pour devancer la vague.
Élargissant rapidement mon champ d’action, je suis passé à l’organisation d’expositions, la rédaction de catalogues, d’articles et de livres, ainsi que la production d’expositions. Enfin et c’était sans doute une suite logique, j’ai commencé à représenter les artistes avec qui j’avais forgé des relations. À l’instar de nombreux marchands d’art, je vendais des travaux pour financer ma passion de collectionneur. Leo Castelli m’a dit un jour qu’il était primordial d’acheter des pièces provenant des expositions que l’on montait. Il me semblait qu’il s’agissait là soit d’une méthode extraordinaire pour développer une collection, soit d’une façon désastreuse de gérer une affaire. Ou peut-être les deux. En tout état de cause, j’ai pris son conseil à cœur et vous verrez donc de nombreux travaux signés d’artistes que j’ai exposés au fil des ans.
J’ai monté des expositions dans des musées et des galeries de la planète toute entière. Pendant un temps, j’ai participé à la rédaction des magazines American Photo et The Art Newspaper. J’ai écrit plusieurs ouvrages sur Hiroshi Sugimoto, enseigné à la School of Visual Arts ainsi qu’à l’International Center of Photography et donné des conférences à travers le monde. J’ai fait partie du premier comité pour la photographie du musée Guggenheim et dirigé le Peter Hay Halpert Fine Art à la fois comme une galerie d’art et comme un espace d’exposition.
Et d’un bout à l’autre de cette longue épopée insolite, j’ai collectionné des photographies.
Peter Hay Halpert
Peter Hay Halpert est un marchand d’art américain. Sa collection couvre l’histoire de la photographie de sa naissance à nos jours.