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In memoriam : June Newton (1923-2021) : Retrospective – Milan 2012

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Cet article a été publié pour la première fois le 17 février 2012.

Demain, 18 février, à Milan, dans la galerie de Carla Sozzani, s’ouvrira la rétrospective d’Alice Springs, de son vrai nom June Newton. June qui est aussi une photographe formidable, s’était mise depuis 15 ans un peu en retrait de son travail. Ce sont 3 de ses amis les plus chers, José Alvarez, directeur des Editions du regard, Dave, le restaurateur mythique et Philippe Garner, le directeur du département photo de Christies, qui nous parlent d’elle.

José Alvarez

« Des clichés d’Alice Springs, Helmut Newton dira : « Je perçois la vérité et la simplicité de ses portraits. » Vérité et simplicité, on ne saurait être plus juste dans l’analyse, et les nombreuses photographies réalisées par Alice Springs durant un peu plus de trois décennies ne peuvent que nous en convaincre.
On reconnaît un grand artiste à la forme toute personnelle qu’il a de créer et qui d’emblée s’impose. Aussi considérera-t-on Alice Springs comme une artiste accomplie du fait même que ses portraits sont immédiatement identifiables par la force de leur évidence, alors qu’en apparence rien de spécifique ne les distingue, si ce n’est une admirable maîtrise de la lumière, qui en modèle avec précision les traits essentiels.

Tentons-nous de les décrypter, d’en saisir les enjeux singuliers, certes nous nous attacherons selon notre humeur, nos centres d’intérêt – chez l’un ou chez l’autre –, tantôt à un élément vestimentaire ou à quelque détail de l’environnement, si ce n’est au sentiment qui s’en dégage.

Le sentiment, clé, et non des moindres, de l’œuvre. Car c’est là l’un des grands talents d’Alice Springs – qui fut une excellente actrice – que de révéler en chacun des sujets qu’elle photographie, les rendant acteurs d’eux-mêmes, ce qu’ils ont de plus intime. Ce sont des individus qu’elle photographie, dans toute leur singularité. En s’effaçant avec tact, elle livre alors un face-à-face respectueux du dialogue à fleur de regard qu’elle instaure avec le portraituré. Puis elle attend l’événement qui surviendra sous la forme d’un rire, d’un soupir, d’une interrogation subreptice, d’un glissement du regard…, afin que se produise le déclic.

Généralement, le cadre quotidien fixe le décor, mettant le sujet en confiance et lui octroyant davantage d’aisance, ainsi disposé dans une lumière naturelle, calme et unifiante.

Car toujours chez Alice Springs s’élabore une totale alchimie, une alliance parfaite entre regard, lumière naturelle et éléments à peine suggérés du décor. Induisant un jeu savamment mis en scène pour réaliser le portrait de soi-même tel que l’on désirerait se voir, et qu’Alice Springs nous offre. »

Dave

Beaucoup de gens pensent qu’Helmut a quelque part freiné voir empêché la carrière de June. C’est une profonde erreur. June peu à peu s’est éclipsée, puis s’est effacée face au génie d’Helmut qu’elle a tenu à privilégier. » Dave est le restaurateur que nous vous avons présenté dans La Lettre (www.lalettredelaphotographie.com/archives/by_date/2011-02-07/1219/the-polaroids-of-dave-part-one), grand ami des Newton depuis 1977.

Philippe Garner

Une magnifique exposition de photographies d’Alice Springs, d’abord présentée à Berlin, est maintenant à l’affiche à Milan. J’ai eu l’occasion de la voir lors de sa première escale et je peux assurer aux Milanais qu’ils ont, grâce à la remarquable galeriste Carla Sozzani, une opportunité à ne pas manquer d’apprécier la puissance singulière du regard de cette photographe. L’exposition est une leçon de choses dans deux secteurs clés de la photographie – la mode, et le portrait. Le premier – la mode – l’a propulsée dans ce médium. Sa carrière dans le milieu a été lancée un jour où elle a dû remplacer son mari ; il était malade mais il y avait une commande à honorer ; elle saisit sa chance et elle prouva tout son talent. Ses photos de mode sont remplies d’énergie et de vie, avec un vrai sens de la gaieté, le genre de photos qui ont l’air d’animer les pages d’un magazine sans fournir aucun effort. Ce n’est, bien sûr, jamais aussi facile que ça en a l’air.

Mais c’est dans l’art du portrait qu’Alice Springs a vraiment trouvé sa voie. Son nom professionnel est tout à fait assumé. Son vrai nom est June. Elle a d’abord été une actrice, qui a renoncé à une carrière prometteuse pour supporter le talent et le destin extraordinaires de son mari photographe. Elle a travaillé avec lui pour développer des idées, et en est venue à comprendre le processus amenant quelqu’un à investir totalement son âme pour produire des images hors norme. June – je trouve plus facile de l’appeler par ce nom – a toujours cru que la vie qui nous est donnée est un privilège et doit être vécue à fond. Elle ne s’est jamais ménagée, a toujours puisé dans ses réserves pour donner le meilleur d’elle-même ; et elle n’en espère pas moins des autres. June a un talent exceptionnel pour créer une aura d’énergie autour d’elle au sein de laquelle la vie prend une saveur spéciale, plus riche, plus intense, et plus nettement concentrée.

June a toujours été fascinée par la nature humaine, et par la façon dont les gens se comportent et s’expriment. Ses photos explorent la manière dont des personnalités différentes projettent leur individualité, et comment ceux qui en ont reçu le don composent avec leur créativité, leur imagination, ou leur beauté. C’est ce qui fait la substance de son travail de portrait – la confrontation pénétrante et déterminée avec les nombreux individus qui l’ont intriguée ou impressionnée. June réduit le processus de réalisation des images à l’essentiel. Chez elle, pas de fantaisies techniques ; bien plus souvent, il n’y a que la mise en place la plus simple, rien qui ne vienne distraire le regard de la personne représentée. Son talent est de se connecter à ses sujets, de réussir à faire disparaître les masques et les artifices, en présentant chacun dans toute la force de son humanité. Comme dans son travail de mode, ceci n’est jamais aussi facile à réaliser qu’il pourrait en avoir l’air.

Alice Springs, People
Jusqu’au 22 avril 2012

Galleria Carla Sozzan
Corso Como, 10
20154 Milano
Italie
02 653531

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