Hemeria : André Carrara : Regards

Le titre de ce livre : Regards. Son auteur André Carrara. Il est publié aux editions Hemeria. Isabelle-Cécile Le Mée sous le titre : André Carrara, pour l’amour des femmes a écrit un très joli texte dont nous avons choisi cet extrait.

À Cassis, au creux d’une calanque, à l’abri des regards, une jeune femme paresse assise en équilibre sur le rebord d’un bateau, le visage dissimulé sous un chapeau blanc à larges bords, les jambes tendues et les pieds pénétrant délicatement dans l’eau . Son maillot noir souligne sa silhouette gracile qui se détache dans la chaude lumière du Sud. Elle est d’une élégance folle. Tout, dans la construction de l’image, participe de cette élégance : un point de vue distancié qui fait du photographe un observateur discret et complice, une utilisation très graphique du décor : des formes épurées aux lignes nettes qui se détachent, renforcées par des oppositions chromatiques marquées. La transparence de l’eau contraste avec l’opacité de la barque. La lisibilité de lecture de la photo renforce le style naturel de la jeune femme. L’épreuve en noir et blanc, magnifique et intemporelle, évocation de l’univers de Jacques Henri Lartigue, semble avoir été prise pour un numéro à paraître. Juvéniles, fraîches, les femmes qui habitent les clichés d’André Carrara ne sont pas nécessairement des mannequins d’agence. Actrices débutantes, jeunes femmes rencontrées par hasard qui posent pour la première fois devant un objectif offrent au photographe de beaux portraits. Par-delà les mises en scène, que les plans soient larges ou rapprochés, le photographe cherche à capter le moment de grâce, celui où la femme semble, un bref instant, oublier l’objectif, la commande, la mise en scène et le rôle à jouer, pour se livrer dans de plus intimes portraits. À travers ces photographies et depuis près de soixante ans, André Carrara dresse le portrait de son idéal féminin. Au contraire de Maxence – Jacques Perrin dans Les Demoiselles de Rochefort –, cet idéal n’a pas un visage unique, il a celui, changeant, d’une femme qu’il connaît bien et dans laquelle toutes les femmes se retrouvent, une femme de caractère, libre, indépendante, forte mais dévoilant ses failles, une femme toujours en mouvement, déterminée, forcément amoureuse. Une femme naturelle, sans fard mais un brin sophistiquée. D’une photographie à l’autre, on suit un fil qui nous mène, avec fluidité, par petites touches, à cette femme qui transcende les époques mais dont les modes et les vêtements ont toujours révélé la beauté.

Isabelle-Cécile Le Mée