ll y a plus de 250 festivals, rencontres, semaines et mois de la photographie chaque année en France.
Bien sur, il est impossible d’en rendre compte, mais parfois on est surpris de découvrir l’un d’entre eux.
Ainsi, un jeune festival transfrontalier de photographie et arts visuels basé à Cerbère et Portbou, dont la 3ème édition aura lieu du 19 au 30 septembre 2018.
L’une des thématiques de cette année présentée par Patrice Loubon s’intitule : Genre, Sexe et Transgression!
Elle expose 6 photographes étonnants: les voici.
Jean-Jacques Naudet
L’art a toujours accueilli sexe et transgression à bras ouverts, depuis l’art rupestre, des inscriptions phalliques ou vulvaires aux portraits androgynes de Léonard de Vinci jusqu’aux photographies érotiques trans-genres de Pierre Molinier et aux intimités vécues de Larry Clark ou Nan Goldin, le genre, la sexualité et la transgression irriguent l’art de façon permanente.
Quoi de plus évident en effet que la photographie soit-elle aussi le théâtre de représentations et de revendications sexuelles atypiques ?
Genre, sexe et transgression n’est pas la première ni la dernière des expositions qui se penchent sur la question.
Réuni.e.s ici, 6 photographes qui chacun à sa manière, viennent nous raconter leur relation au corps, au genre et à certaines formes de sexualité largement taboues.
Pas étonnant dans ce choix que 3 d’entre-eux soient cubains, après avoir longtemps réprouvé les mœurs qualifiées de « déviantes » le célébrissime petit pays latino-américain est en effet aujourd’hui en pointe dans la recherche pour le changement de sexe…
Patrice Loubon
Dans sa série Gender Bender Noncedo Gxekwa(Afrique du Sud), affirme la puissance de la femme et au même moment, sa capacité individuelle et collective à tordre le « genre ». Seule elle est forte et en groupe puissance 10 ! Ces « amazones » sont ainsi entièrement femmes mais elles présentent aussi une force physique authentique qui peut paradoxalement les faire craindre. Elles ne sont plus ces « petites choses fragiles » que le mâle aime à contrôler, juchées sur des talons aiguilles, au péril de leur équilibre. L’ordre établi est renversé. Pris au piège des apparences, on hésite… Appuyée par une sérieuse maitrise technique du studio, la série machiavélique emprunte son esthétique au monde de la mode et de la publicité qui on le sait, n’a d’autres objectifs que de chosifier la femme à des fins commerciales…
De son expérience familiale, Yuri Obregon Batard(Cuba), il est le fils d’un garde du corps de Fidel, doit garder une forme de révolte intrinsèque envers la normalité sociale. Porte-parole des déviances et des fantasmes les plus fous de ces concitoyens, iI pratique le portrait dans le partage et c’est autant le sujet qui s’exprime que lui-même. Fortement impressionné par Andres Serrano, l’auteur se veut explorateur des fantaisies sexuelles et des travestissements les plus osé.e.s en adoptant les canons de la peinture hollandaise du XVIIè siècle à travers un soin savant de l’illumination. Personnages sortis de contes gothiques, chaperon rouge post apocalypse nucléaire, déclinaison et hommages multipliés à l’Origine du monde de Courbet, les références de ses images sont cousues d’un fil rouge carmin.
Avec Fabien Dupoux(France) et son reportage « Démasquée de son fard », produit dans un noir et blanc somptueux, met en scène des hommes déguisés en femme. Ici comme il est si bien dit dans son court texte : « Dans les coulisses d’un opéra chinois, le jeu des miroirs laisse à deviner, sous le fard éphémère de la Comédie, les regards perdus, l’identité sexuelle d’une différence. » Illustrant magistralement par la douceur de certaines et la complexité d’autres de ses images, cette évidence : l’ultra-féminité de ces hommes attire l’attention. En parvenant à troubler nos certitudes par la beauté de son regard, il nous ouvre, complice, la porte de ce huis-clos intime et de l’ambivalence de nos désirs.
Dans une démarche proche, mais en couleurs, le jeune Alejandro Perez Alvarez(Cuba) a mené trois années durant un reportage « embedded » au sein d’un cabaret transformiste de La Havane. Les constructions photographiques de « El silencio del cuerpo » puisent autant dans le champ graphique avec des constructions savantes où les masses colorées jouent entre elles une musique aux tonalités technicolor, que dans une observation méticuleuse, bienveillante et consentie par les protagonistes. Parmi ces derniers, l’émouvant portrait du plus ancien trans-sexuel cubain, obligé.e de s’expatrier au Brésil durant de longues années, il/elle est de retour dans son pays à présent pionnier en la matière avec le CeneSex (Centre national d’éducation sexuelle) dirigé par la fille de Raul, Mariela Castro.
Yomer Montejo Harrys(Cuba) est radiographe, pas photographe. Il voit au travers de nous et au delà de nos peaux. C’est peut-être cela la force et la vérité de ce travail, décharnant le sujet jusqu’à l’os, il nous livre une essence et une binarité noir et blanche. Images emblématiques d’un Cuba livré aux appétits sexuels et stéréotypés de visiteurs étrangers sans scrupules usant de la facilité obscène pour eux d’obtenir le corps de l’autre « autochtone » occupé par la recherche de tous les moyens pour survivre. Un témoignage de l’intérieur, sans jeux de mots, nimbé d’un humour grinçant et saupoudré d’une pointe de cynisme critique.
Zaida Gonzalez, telle une diva post-disco-punk tout droit sortie du Rocky Horror Picture Show, est l’autrice d’une oeuvre prolixe et débordante, juteuse et transgressive et qui ne semble connaître aucun tabou et aucune limite. Des premières expériences secrètes dans la cabane au fond du jardin aux portraits de la fameuse Hija de Perra, trans-sexuel chilien malheureusement décédé.e il y a quelques années, les images fusent comme des feux d’artifices étincelants, parfois éblouissants ! Le choc visuel est bien sûr consciemment pensé pour provoquer le spectateur dans ses plus profonds retranchements. Au bord du gouffre nous chutons donc avec joie, nous laissant entrainer dans son univers chatoyant et baroque ou alors effrayé.e.s nous fuyons, repoussé.e.s par nos pires reflets intérieurs, nos zones d’ombres inexplorées. Car si vous n’aimez pas le travail de Zaida, ne vous y trompez pas… drapées d’un humour dévastateur et de couleurs acidulées, ces œuvres sont aussi des brulots miltants fait pour combattre la « bonne morale » bourgeoise et chauffer nos fesses, et plus si affinités…
FOTOLIMO
Festival Photographie et Arts Visuels à Cerbère et Portbou
NegPos Galerie