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Galerie de l’Europe : Francesca Piqueras : Marbre

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Francesca Piqueras est une artiste paradoxale. Ses photographies sont sonores, elles captent le murmure de la brume, le souffle du vent sur la montagne zébrée de carrières de marbre, au bord du vertige. Ses images rompent sans effort ni affectation le silence de la pierre, celle qui éclate sous le burin ou les scies gigantesques. Ses photographies donnent de la voix, une voix profonde et grave, empreinte d’une surprenante douceur. La voix de la montagne de marbre.

Francesca Piqueras est une photographe paradoxale. Elle ne fige pas le temps, elle l’apprivoise, le laisse s’écouler avec lenteur dans chacune de ses compositions. Elles sont d’une rigueur absolue, jamais le cadre n’enferme le regard, mais le laisse au contraire libre de divaguer hors-champ, de s’aventurer dans nos imaginaires et de créer – comme on joue à quatre mains – une partition visuelle unique et surprenante, totalement personnelle.

Artiste résolument engagée dans son époque, Francesca Piqueras signe ici un autre chapitre d’une œuvre conçue dès ses premières expositions à la galerie de l’Europe. Pour ce nouvel opus, l’artiste est retournée dans les Alpes Apuanes, au-dessus de Carrare, où se succèdent les sculpteurs depuis l’Antiquité. Cette fois, inutile de chercher comme dans « Movimento » les blessures d’une montagne à vif, où chaque carrière témoigne à la fois du génie de l’homme et de son obsession destructrice. Son approche est plus intérieure, elle sonde la matière même de ces blessures, scrute sans les toucher les chocs, les griffures, les cicatrices d’un paysage exploité sans concession, jusqu’à la blancheur de marbre de ses os.

Sur cette matière nue, Francesca Piqueras pose un regard à fleur de pierre, suit sans dévier la structure intime des multiples avatars du marbre, les dispose en abstractions délicates, parfaitement dosées. Cet équilibre subtil contrebalance une topographie de la destruction, appuyant sans forcer le trait sur les paradoxes d’une humanité capable de créer, de dévaster et d’oublier.

Après un cycle sur le fer, la rouille et la manière dont la nature reprend possession de ce que l’homme abandonne, Francesca Piqueras a entrepris de poser son regard sur les éléments mêmes. Sa précédente exposition, « Feu » – actuellement visible à l’Eretz Israel Museum de Tel Aviv -, avait permis à l’artiste de mettre en lumière la fusion des éléments et leur libération par les flammes, en un cycle perpétuellement alimenté par l’homme depuis la nuit des origines. Une critique esthétique toute en finesse de ce que l’on nomme désormais l’Anthropocène, et qui se manifeste sotto voce dans chacune de ses expositions.

« Marbre » poursuit et développe cette démarche, transpose la matière en abstractions irréelles, en vibrations chromatiques étranges. Ici, pas ou peu de repères – symptôme d’une humanité à la dérive – mais une émotion visuelle parfaitement orchestrée par l’artiste, qui compose ici une symphonie minérale inspirée, presque surréaliste, et sublime ce que la nature offre à qui sait voir, comprendre, et entendre avec les yeux.

 

Francesca Piqueras : Marbre
du 1er Mars au 9 Avril2 2022
Galerie de l’Europe
55 Rue de Seine, 75006 Paris, France
www.galerie-europe.com

Le vernissage a lieu le jeudi 3 Mars

Francesca Piqueras a également une exposition en cours jusqu’en Septembre 2022 au MUZA (Eretz Israel Museum) de Tel Aviv dans le cadre de la première Photomenta, où elle représente la France.

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