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Gaia Squarci: –Broken Screen

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Dale Layne, technicien informatique : « Avez-vous déjà vu un écran fissuré ? C’est comme essayer de regarder au travers. Quand la lumière brille, même si elle vient d’une seule direction, tu la vois par morceau, et parfois c’est dur de savoir d’où elle vient. »
Gaia Squarci a choisi comme sujet celui qui répond à l’essence de la photographie : la lumière et les formes qu’elle dessine, omniprésente au point de faire de notre engagement au monde une expérience principalement visuelle. En documentant la vie de mal-voyants, la plupart affectés par accident, Gaia Squarci raconte les émotions, leur donne une matérialité. Dans des compositions extrêmement rigoureuses, elle déstigmatise le handicap et propose a la place un conte de la vie quotidienne : les dessins naïfs accrochés aux murs, mélange de traits incertains guidés par l’énergie de l’enfance ; les photos glissées dans les porte-feuilles ; les plongées sous l’eau pour mettre en sourdine la cacophonie du monde et écouter le cliquetis des remous jusqu’à s’en donner le vertige ; les cours de judo où les corps dansent et se domptent l’un l’autre ; les vacances à la plage, le nez écrasé avec jubilation dans une serviette chauffée par le sable brulant ; les siestes à l’ombre des stores striés ; les histoires de poupées ; l’ensorcellement des salles obscures.
Ce n’est pas la différence qui intéresse Gaia Squarci mais bien les similitudes, celles qui permettent de décrypter les relations homme-femme, parents-enfant, et toute autre interaction sociale. Les mal-voyants montrent en touchant, expriment en pressant, caressant des doigts ou des lèvres, sentant la chaleur de la lumière et des visages. Comme les photographes, ils rendent visibles les vibrations imperceptibles qui transforment l’ordinaire. Apres avoir été ses élèves de photographie, la plupart des sujets sont devenus ses amis, avec tout ce que cela implique de complicité et, parfois, de colère. Les témoignages sont poignants, comme celui d’Alexandra, privée de sa fille à sa naissance prématurée, sans même la vue pour briser la vitre infranchissable de la salle aseptisée du service de néonatalogie. Pas de pathos, pourtant, seulement une énergie tendre, une poésie altruiste qui se révèle par un jeu d’ombre et de contraste, comme dans la silhouette projetée sur un mur rivalisant de grâce avec le bouquet posé sur le guéridon où dans les sourires et visages tendus d’un groupe de mal-voyants vers un plafond constellé de soucoupes lumineuses.

Laurence Cornet

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