Prix photo Les quinze finalistes du Prix Levallois 2019

© Ciro Battiloro, Sanita Mon travail est une analyse de l'être humain et de la façon dont les relations vécues dans des contextes de malaise et de négligence sociale peuvent révéler leur nature réelle. Dans mon approche intime du quotidien, j'aborde des thématiques sociales plus générales. Au cours des dernières années, mes recherches se sont portées particulièrement sur certains districts du sud de l’Italie (Rione Sanità à Napoli et Santa Lucia à Cosenza) qui ont subi une ghettoïsation progressive à la suite de processus historiques et de politiques de construction. Mon but n'est pas simplement de décrire le contexte mais de donner une présence et une dignité à mes sujets. Mes images visent à redonner le meilleur de cette chair qui peut aussi être bestiale. Le « Rione Sanità » est solitude et amour, ironie et tragédie, foi et péché. Les contrastes renforcent les existences irréelles. La rue et le foyer se confondent, le privé devient public et le public cache les secrets du privé. Le silence est rare dans ces allées, mais dans ses révélations, on peut redécouvrir l’immense âme nue d’une humanité oubliée.

© Karina BIKBULATOVA, The two parallel Cette série de photographies en noir et blanc est à propos de deux sœurs abandonnées par leur père, et dont la réunion est impossible. La chose la plus importante est qu'elles ne connaissent pas leur lien de parenté. Elles se rencontrent une fois par an, dans un petit village, — elles communiquent, jouent, tissent des tresses l’une à l’autre, mais ne savent pas qu'elles sont soeurs. Gulshat vit dans une famille pauvre, dans un petit village. Alina vit dans la ville, étudie dans une école prestigieuse et pratique le ballet classique. Deux vies parallèles qui ne devraient jamais se croiser, selon le postulat lV D'Euclide. Et pourtant cela se produit, comme dans la géométrie hyperbolique de Nikolai Ivanovich Lobačevskij. Dans un village russe, deux lignes parallèles se rencontrent une fois par an.

©Maxime BRYGO, Tabula Rasa, 2019 A l'aube du XXIème siècle — après avoir subi tant de jougs et l'Histoire que nous connaissons — la société vietnamienne accomplit désormais sa propre réalisation. En quête de modernité, elle se projette vers l'avenir, soutenue par une logique de tabula rasa, via le double mouvement destruction/reconstruction. Brygo entreprend de parcourir la vaste plaine du sud du pays à la recherche de signes, d'artefacts : marqueurs mémoriels, embrayeurs de récits et de fictions... Il scrute le paysage et y décèle ce que la tabula rasa a excavé et façonné. Le travail s'apparente à une archéologie visuelle subjective, poétique et prospective.

© Fateme DAEMI, I - Place-identity Cette série de photographies se nomme I - Place - Identity. Un reflet de mon image dans le miroir pour que celle-ci se retrouve au milieu de différents lieux. Certains sont saugrenus, étranges et vides de toute présence humaine. Tandis que certains sont ancrés dans le passé, d’autres sont des lieux familiers et très présents dans ma vie quotidienne. Quand je me questionne sur moi-même, je me rappelle les recoins de ces lieux liés à un souvenir. Ces lieux, en plus de me rappeler le passage du temps et divers événements, sont comme des pièces de puzzle qui ont fait partie de mon identité. J’ai la sensation d’être comme chez moi. Parce que j'ai grandi avec un imaginaire de ces lieux, au lieu de communiquer avec les autres.

© Natalia ERSHOVA, Journey to the edge of the room06 Les héros de mon projet sont des gens qui quittent rarement leur maison. Plusieurs d’entre eux travaillent à domicile, d’autres sont aidés par leurs proches. Ce sont des gens différents qui ont en commun de vivre sur internet. Certains ont beaucoup d’amis — avec qui ils ne communiquent qu’en ligne ou dans leur maison — d’autres sont des ermites modernes. J’ai photographié mes héros dans leur appartement, avec leurs animaux et avec leurs objets favoris. J’ai demandé à chacun d’entre eux : Pourquoi maintenez-vous ce style de vie ? » À travers chaque photo, on peut deviner l’âge des personnes et depuis combien d’années ils ne travaillent plus officiellement. De nos jours, la plupart des gens sont dépendants d’internet, d’une manière ou d’une autre ; mes héros représentent une version théâtralisée de l’addiction au web et d’une solitude sociale. Je pense que c’est une réelle tendance, notamment dans les grandes villes dans lesquelles le rythme de vie est rapide, la population, trop nombreuse et le stress, trop important.

© Sahar FELEGARI_Away from home Dans les dortoirs universitaires d’Iran, les étudiants sont répartis par sexe, faculté, niveau d'éducation et âge. Ces dortoirs ont toujours été des lieux particulièrement sensibles, surveillés et contrôlés avec encore plus de soin pour ce qui concerne les dortoirs des filles. Par conséquent, la vie des filles qui y habitent se déroule toujours derrière des espaces clos et des vitres. Leur opacité rend cet espace encore plus impénétrable, la structure prédéfinie du dortoir facilite la séparation de tout le monde. Dans ces conditions spatiales où l'intimité émotionnelle et psychologique n’a pas sa place, les résidents sont poussés à la solitude et à l'isolement malgré le fait qu'ils vivent en groupe. Mais le point important est que, quelles que soient ces émotions et conditions, la vie de ces filles continue à l’intérieur de ces limites. Les photographies de cette série ont été prises pendant trois mois dans un dortoir de filles à Téhéran, alors que je vivais moi-même là- bas.

© Liz HINGLEY, Shaghai Sacred On observe que la Chine traverse à notre époque, un des plus grands retours à la religion. Des centaines de millions de Chinois sont bousculés par la vitesse de développement de leur pays ; ils se tournent alors vers la foi en quête de sens et d’espoir qu’ils ne parviennent à trouver dans le monde radical et laïque qui les entoure. Cette recherche du sacré change les structures sociales et les formes du paysage de la Chine du futur. Shaghai sacred explore les espaces, les rites, les pratiques quotidiennes des communautés qui construisent le tissu spirituel dans l’une des plus grandes villes de Chine, peuplée de 24 millions d’habitants. Les photographies intimes documentent la créativité des fidèles et son impact sur le paysage, quand ils créent un « espace sacré » dans un environnement urbain dense et tourmenté.

© Sara IMLOUL, Passages de l'Ombre aux Images Selon Edmond Jabès : « Il y a une mémoire plus ancienne que les souvenirs (...) : une mémoire qu'un geste, une parole, un cri, une douleur ou une joie, une image, un événement peut réveiller. Mémoire de tous les temps qui sommeille en nous et qui est au cœur de la création. » Avec ma chambre photographique, j'ai procédé à des fouilles pour constituer un reliquaire intime. Une archéologie intérieure. Là où les frontières se distordent, où l'au-delà rôde pour faire le cadre sur un monde entre deux eaux. J'ai plongé au dedans, dans un monde souterrain, dans un songe enfoui où se mêlent racines et souvenirs rêvés. Et c'est à nouveau de frontières et de perceptions dont il est question. J'ai fait émerger objets symboliques et bribes de corps pour recréer, dans la crypte de l’atelier, fragments de rites, bestiaire, inventaire de vestiges. Images mentales. Passages c'est aussi photographier pour passer de l'image-mentale à l'image-objet. Et par cet acte laisser une trace, la preuve tangible de nos passages et de nos franchissements d'un monde à l’autre, de l'Ombre aux Images.

© Zishaan LATIF, Withering Withering est une tentative de documenter «l'état de noyade» de la plus grande île fluviale au monde : Majuli, dans l'Assam, en Inde. C'est une catastrophe provoquée par l'agressif fleuve Brahmapoutre, augmenté par les actions de l'homme, la négligence et l'irresponsabilité. Le but est de réfléchir aux conséquences plus importantes du changement climatique et aux conséquences de ce déplacement. Une des étapes de ce projet est la documentation d’un environnement en voie de disparition, mystique et riche en culture; une communauté organique qui se présente comme un exemple alarmant de la question de la durabilité que le monde doit prendre en compte. Majuli est engloutie dans son silence, le silence de la solitude et la résilience qu'il renferme, une masse terrestre oubliée, avec un avenir incertain et délabré. Alors que la rivière se brise, se lie et se lie encore et encore, tout comme les insulaires.

© Diego Moreno, In my mind there is never silence Cette série a pour origine «Los Panzudos Mercedarios», les gardiens du quartier de La Merced à San Cristóbal de las Casas au Chiapas (Mexique). Les Panzudos représentent les péchés: plus une personne a de péchés à expier, plus sa tenue sera grande et laide, et plus elle guérira ses péchés. Ces figures sont créées pour la fête de Notre-Dame de la Merced et l'accompagnent pour être purifiées. L'annonce est faite au passage de la figure de la Vierge Marie, transportée sur les épaules des porteurs, avec une suite d'aztèques, de catholiques et de maures montés à cheval, habillés en Arabes, le visage peint représentant les musulmans qui ont occupé l'Espagne entre 702 et 1492. Intégrant cet imaginaire ancestral à l'exploration d'un univers familier, j'essaie d'enquêter sur les liens, la monstruosité, la maladie et la mort. J'explore les codes de représentation de l'espace domestique en le fusionnant avec les traditions pré-hispaniques et les visions apocalyptiques de la religion catholique. Cette recherche donne un nouveau sens à l'enchevêtrement intrinsèque du dissimulé et du visible, de l'inconscient individuel et collectif, sur la carte extrêmement complexe des cultures et des croyances coexistantes dans le Mexique contemporain.

© Francesca PILI, #ABRUXAUS 2017-18 #ABRUXAUS est un postulat ironique née sur ma page Instagram, il fait référence au rapport annuel en Sardaigne sur les incendies criminels pendant l'été. Le titre est une malédiction en langue sarde qui signifie : «Vous pouvez brûler vifs», proférée contre les incendiaires. La question des incendies n’est que l’un des nombreux problèmes qui touchent l’île. Pour les gens ordinaires, la Sardaigne n’existe que pour passer les meilleures vacances en totale détente pendant l’été. Les incendies criminels sont malheureusement un fléau mondial. Une façon de réfléchir sur la relation entre l'homme et la nature. L'extinction de l'environnement étant un effet collatéral de la société du spectacle.

© Polina POPOVA, Men in the absolute Quand j’étais petite fille, il y avait deux hommes dans ma vie : mon père et mon frère. Maintenant, je suis l’épouse de mon mari et la mère de deux petits garçons. Trois hommes de ma famille avec qui je vis tous les jours. Je vois leurs sentiments, leurs besoins, j'entends leurs pensées. Je comprends que mon objectif est de mieux connaître ces hommes pour créer une famille heureuse, pas à pas. La responsabilité, la masculinité, la force, le courage, la gentillesse, le sens de l’humour, l’engagement — tout cela doit être mêlé chez un véritable homme. Photographier m'aide à mieux connaître et comprendre un homme. J'arrête leurs émotions et leurs sentiments ce qui me permet de les analyser et de mieux appréhender leur personnalité. Je réalise que la richesse d'un homme, son intériorité, se révèle souvent dans son interaction avec l'environnement. Quand un homme est plus proche de la nature, il est plus honnête et véridique.

© Sébastien VAN MALLEGHEM, Nordic Noir Ce travail, résulte d’un amour profond pour la photographie. Celle que je chérie, et que je ne m’étais jamais autorisé à montrer auparavant. J’ai eu besoin de faire ces photographies afin d’exulter la noirceur qui s’était emparée de moi après plus de 7 ans de reportage social. J’ai eu besoin de partir loin, loin des humains, loin des inconnus et de me confronter à ce qui me terrifiait : le calme. Là-bas en Islande, j’y rencontrerai ma future épouse, je voyagerai au Danemark, en Norvège, en Finlande, en Suède. Aucun but précis, si ce n’est de ramener quelques perles visuelles et d’essayer de vivre, de courir, ou d’évacuer. Malgré le fait que ce travail ait été publié dans un livre, je continue encore à photographier dans le Nord. Comme par besoin, comme pour rester vivant.

©Elliott VERDIER, A Shaded path Cette série évoque l'errance du Kirghizistan, pays peu médiatisé, coincé entre le fardeau de son passé soviétique et les sirènes de l'occidentalisation actuelle. Une fracture générationnelle déchire une population âgée, nostalgique de l'URSS, et une jeunesse hyper connectée, pourtant désabusée. Tout en abordant des thèmes concrets relatifs à ce territoire, ce photo-documentaire incite à une réflexion existentielle quant à la relation entre passé, présent et futur, ainsi que la place de l'individu dans l'anonymat de la mondialisation. Les photographies sont réalisées à la chambre argentique 4x5.