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Ettore Molinario Collection : Dialogues : Jean Laurent avec Lucien Gauthier

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Il s’agit du quatorzième dialogue de la Collection Ettore Molinario. Un dialogue qui rend hommage à Aby Warburg et ses études sur la mémoire de l’Antiquité, qui ont inspiré cette même collection. En comparaison, les armes de guerre et d’art, celles de Christophe Colomb et de toutes les conquêtes occidentales, et celles de Vénus. Et en nous confiant à la déesse de l’amour et de sa beauté, je vous invite à suivre nos prochains rendez-vous.
Ettore Molinario

Certes, dans l’effervescence des préparatifs de 1492, Christophe Colomb n’avait pas remarqué qu’à bord de sa caravelle, en route vers ces terres qu’il imaginait être l’Inde, se trouvait la merveilleuse Vénus de Botticelli peinte quelques années plus tôt. Et peut-être même Lucien Gauthier, né à Paris en 1875, à vingt-sept ans employé de banque à San Francisco, à vingt-neuf fuyant vers la Polynésie, n’avait pas senti la présence d’Aphrodite, dorée et souriante à ses côtés. Pourtant, lorsqu’il arrive à Tahiti et ouvre son atelier, Gauthier photographie comme s’il était resté chez lui, comme s’il flânait encore dans les salles du Louvre ou la galerie des Offices. Un moment, le temps de mettre à jour la toile de fond classique, parmi les palmiers, la plage et les rochers, et une jeune femme tahitienne sans méfiance prend la pose qui, dans une autre partie du monde, célèbre la naissance de la déesse de l’amour, la vérité et son contraire, la tromperie . Une autre idée du corps, de la nudité et de la pudeur qui se superpose à la délicate violence du regard sur la vie des autres.

S’il avait su que ces images, qui auront une chance extraordinaire au lendemain du retour de Gauthier à Paris en 1921, peut-être Aby Warburg, qui a inspiré ce recueil, les aurait-il incluses dans son atlas illustré le Mnémosyne. L’héritage du passé est projeté dans le présent par le processus de la mémoire, a déclaré le grand érudit allemand. Et précisément Vénus est la forme symbolique de la survivance du passé. Alors qu’est-ce que cette divinité polynésienne, aux cheveux noirs et non blonds lâchés sur les épaules, à la peau ambrée et non de marbre blanc, au pied fort et pas léger comme une fleur, sinon une mémoire occidentale très ancienne, si enracinée, envahissante et indispensable pour se projeter sur le présent et le déformer ? Une arme de défense et d’attaque, notre mémoire, presque une autre armure, lourde, brillante, ciselée jusque dans les moindres détails comme celle de Christophe Colomb, que Jean Laurent a photographié à Madrid, dans les collections du musée du Prado.

A côté de cette armure de virilité, jamais vide malgré l’obscurité dans laquelle elle flotte, la Vénus de Tahiti tente de lancer ses flèches. Elle aussi est sortie de la mer et a posé sur un coquillage, elle aussi se promène dans un jardin parfumé et si elle portait une tunique le vent en soulèverait les bords en un merveilleux drapé. Cette Vénus, qui n’est pas née à Cythère, mais sur une autre île, est aussi la Vénus Pandemos, « la génératrice de toutes choses ». Sauf que ce sont toutes des choses de notre partie du monde.

Ettore Molinario

www.collezionemolinario.com

 

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