Rechercher un article

Eric Mistler – Paris / Buenos Aires

Preview

« Il ne faut pas montrer du doigt. »

On imagine bien le petit Eric à Buenos Aires, réprimandé par ses parents, quand, curieux, étonné ou rieur, il leur désignait les gens dans leur drôlerie ou leur étrangeté. C’est là en fait le premier geste du photographe.

Eric depuis continue de nous montrer du doigt ce que la vie lui offre au quotidien. Il ne part pas en expédition à la recherche d’un fait exceptionnel. Nul projet d’aller extirper dans des contrées lointaines une vérité bien cachée. Il navigue chez lui (l’Argentine reste son territoire d’enfance) porté par le courant de ses jours, naturellement et perpétuellement aux aguets. Car il faut l’être pour saisir à point nommé, toutes ces correspondances, ces coïncidences, ces aimantations, ces rondes éphémères, ces fumées et ces nuages, ces tournis de danseurs, ces suspensions acrobatiques, les pas difficiles d’un vieux monsieur, la course et la pause, ces ombres chinoises, piliers, poutres, grilles, le graphisme provisoire, les agencements fortuits, le dessin immanent, là et invisible pour qui ne fait pas un pas de côté.

Quand j’ai connu Eric, tandis que je me trimballais un lourd Leïca M, lui avait déjà choisi la légèreté d’un très petit Rollei 35. Les appareils photo racontent notre démarche. Eric a peut-être encore peur de se faire gronder par ses parents s’il est pris en train de photographier ! Alors il dégaine vite et furtivement son discret appareil. Pas de mise en scène, de répétition du geste pour la caméra. Eric comme photographe se fait oublier dans le flux du présent. Ce sont souvent des images prises à l’insu du sujet, mais non volées. Eric est toujours admis là où il est, qu’il soit passant, visiteur ou ami. Sa bienveillance, mot galvaudé mais ici oh combien pertinent, lui permet de poindre au delà des frontières, des âges, des classes sociales, des couleurs (ici le noir et blanc, c’est au fond juste de la lumière, un dénominateur commun aux formes du monde), tout ce qui nous rassemble, ce qui fait sens dans l’anonymat des foules, ce qui se joue dans le geste mille fois répété du boulanger. Ces images en écho suivent la même partition que le projet « Playing for change » où des musiciens aux quatre coins du monde munis de casques, par les prouesses de la technique, jouent ensemble et en direct la chanson « Stand by me ». On y retrouve le même frisson d’universalité, une note harmonique entre l’intime et le collectif (ce n’est pas un hasard s’il y a dans ce livre beaucoup de photographies d’individus en train de manifester, où les slogans, les tags résonnent comme dérisoires et nécessaires).

Dans un climat général d’inquiétude, d’incandescence sous un ciel plombé (au sens propre avec Notre-Dame), cet acte de désigner encore et toujours l’entrain, la circulation, le miroitement du monde nous renvoie évidemment à l’acuité des Doisneau, Cartier-Bresson, Depardon, toute cette photographie dite humaniste qui nous manque aujourd’hui. Je pense aussi aux facéties d’Agnès Varda, l’irruption imprévue de l’humour, fendant le cliché, rompant avec la monotonie. On dit souvent que l’humour en photographie éteint la rêverie, ferme le sens. Il peut être aussi une célébration. Au fond dans chaque image d’Eric, c’est un peu la fête. Il s’y épanouit le plus souvent une force vitale, burlesque, inconsciente et joyeuse, revigorante pour le spectateur, ces petits cadeaux du réel que le jeune Eric émerveillé et têtu n’en finit pas de nous montrer.

Préface de Bruno Podalydès

 

Le livre

Un livre en miroir sur deux capitales qui se regardent dans les yeux : Paris et Buenos Aires.
Il y a dans cet ouvrage tout ce qu’une photographie peut exprimer : la beauté, la tristesse, l’humour, l’effet comique, le partage, la solitude… ou tout simplement la force visuelle immédiate et bouleversante d’une image. (Roland Farjon)

Paris, Buenos Aires, deux villes, deux histoires vues à travers l’oeil d’un photographe, Eric Mistler. Né à Buenos Aires, Eric s’installe à Paris à l’âge de treize ans et ne retourne dans sa ville natale que cinquante ans plus tard.
Sur chaque double page, le livre montre deux photos, une de chaque ville et de leurs habitants, deux photos qui se parlent et créent des associations ou des oppositions. L’imagination et la curiosité du lecteur sont stimulées par des associations subtiles et surprenantes que l’auteur lui même n’avait peut être pas vues.
Chaque double page raconte une histoire et la succession des pages montre un voyage dans le voyage.
Paris – Buenos Aires est conduit par l’histoire personnelle d’Eric, une histoire de double culture et de double identité.
Les photos construisent des ponts entre ces deux villes et leurs habitants, photographiés par Eric avec passion et émotion.

Les photos sont précédées de textes écrits par Bruno Podalydes, Jean Louis Buchet et Eric Mistler

128 pages, 115 photos en noir et blanc
Format : 29 x 24 à l’italienne
Edité par Kerber Velrag

« Paris Buenos Aires »,
Galerie Hélène Nougaro-
17, rue du Petit Pont
75005 Paris

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android