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Entretien avec Christine Ollier, directrice de la galerie Les Filles du Calvaire, Paris

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Entretien avec Christine Ollier, directrice de la Galerie Les Filles du Calvaire, et Charlotte Boudon, Paris – Octobre 2014

Comment la galerie a-t-elle vu le jour ? Qu’ambitionniez-vous lors de sa création ?

Christine Ollier : L’histoire de la galerie est à la fois simple et compliquée. Elle appartient à un industriel, Stéphane Magnan, qui m’a chargé de créer pour lui une galerie qui serait à la fois un outil économique, donc marchand, mis au service des artistes, et une agence à la production et diffusion plus larges qu’une galerie classique. A savoir, outre notre présence en foires et les expositions que nous réalisons, nous avons mis en place un système de coproduction et d’édition avec les artistes et les institutions. Nous jouissons, en effet, d’une forte inscription dans le milieu institutionnel, au niveau national comme international. Et nous avons notamment mené un important travail avec les artistes français et émergents, tant en photographie et en peinture, que dans le domaine de la vidéo. Nous sommes en quelque sorte une caisse de résonnance pour les artistes avec lesquels nous travaillons.

Donc pas de spécificité chez vous, ou de ligne conductrice ?

C. O. : Oh, je crois que nous sommes très clairs sur notre position. Nous avons travaillé le champ de la peinture abstraite pendant très longtemps et nous nous sommes ouverts aujourd’hui à des problématiques de figuration. Pas uniquement en peinture, mais aussi en photographie. Nous n’essayons pas de suivre une ligne, mais plutôt de couvrir des champs. Celui de la photographie bien sûr, mais aussi d’englober avec elle ou autour d’elle, tout ce qui fait question dans la problématique de l’image. A savoir, à la fois celle que l’on classifiait auparavant de photographie “plasticienne”, que je rapprocherais d’une photographie disons, conceptuelle ou fictionnelle et narrative qui se place dans une continuité par rapport à l’Histoire de l’art. Et la photographie documentaire et objective qui, provenant d’un courant photographique spécifique, se déplace de plus en plus vers l’art contemporain. Enfin, une photographie qui serait “politique” et également une photographie d’auteur alliée à une écriture poétique. C’est donc d’envisager la photographie dans son entièreté qui m’intéresse et non sous un angle fermé.

Comment les tâches se sont-elles réparties entre vous et vos divers collaborateurs ?

C. O. : Nous sommes deux directeurs. Il y a ce qui appartient à la stratégie d’une part, à la programmation de l’autre. Nous décidons à deux de ces questions. En général, je suis plutôt la force de proposition, puisque c’est mon métier, mais Stéphane Magnan peut tout aussi bien avoir ses propres intérêts. Disons qu’il y a concertation avec, sans que ce soit dit comme tel, une sorte de veto l’un envers l’autre. Stéphane Magnan accepte ou refuse des artistes, et de la même manière, il m’en propose. Mon équipe est aussi force de proposition et on travaille “en équipe” (j’ai nommé la moitié de celle-ci directrice), et surtout sur le long terme. Il n’y a pas que les artistes qui restent longtemps, il y a aussi le staff. Charlotte Boudon ou Marie Magnier en parleraient aussi bien que moi, c’est un travail, de concertation et de dynamique avec tous les artistes. Tout le monde a relativement le choix, et du coup, chacune de mes collaboratrices travaille par affinité avec tel ou tel artiste. Donc oui, c’est vraiment un travail en commun.

Pouvez-vous me dire approximativement combien d’artistes vous représentez actuellement à la galerie ?

C. O. : En moyenne une trentaine.

Charlotte Bourdon : Pour avoir remis la liste à jour pas plus tard qu’hier, c’est bien cela.

C. O. : L’année dernière il y en avait trente cinq.

Et la part de ceux qui sont exclusivement photographes, que cela représente-il ?

C. B. : Cinquante pour cent.

Quelle est la fourchette de prix que vous pratiquez ?

C. O. : 300 à 300 000 euros! Non, je plaisante…

C. B. : Non, je dirai 550 euros pour le plus abordable …

C. O. : Disons plutôt entre 550 et 50 000 euros en photographie.

Votre réputation est davantage liée à la photographie. A l’époque de la création de la galerie, croyiez-vous particulièrement en la photographie comme une discipline fleurissante ou était-ce par pure sensibilité au médium que vous décidiez de la défendre ? Aviez-vous quelque part “parié” sur l’avenir de celle-ci et de son évolution ?

C. O. : Encore une fois, on fait des choix intellectuels avant qu’ils soient marchands. Je vous ferai la même réponse que j’ai faite il y a peu. Quand j’ai ouvert la galerie, je venais de clore un programme de biennale d’art contemporain où, pour la dernière tout du moins, sur 49 artistes montrés, 50 pour cent d’entre eux étaient des photographes (reporters, plasticiens, documentaires, comme on disait à l’époque, etc.). Et au moment de l’ouverture de la galerie, en 1996, on a débuté avec six mois de programmation photographique. Autant dire que pour une galerie d’art contemporain, on a tout de suite entretenu la confusion ! Je pense que cette ouverture vers le champ de l’art contemporain est fondamentale pour inscrire la photographie comme un médium actuel. Donc oui, la photographie m’a toujours passionnée. J’ai tenu une galerie aux Etats-Unis et c’est peut être là que j’ai compris les problématiques européennes et notamment françaises vis-à-vis d’elle, et tout le travail encore à entreprendre. Quelles formes elle pouvait prendre dans un corps de métier extrêmement divers, un champ d’expression qui l’est tout autant, et finalement la façon dont ces différents champs se mariaient avec ceux de l’art contemporain. Je ne sais pas si j’ai répondu à la question …

C. B.: Etait-ce un pari au départ … ?

C. O. : Un pari, oui bien sûr ! Parce qu’on a rien vendu pendant des années… Et de la même manière que quand Rik Gadella est venu nous voir pour le lancement de Paris Photo, on a parié ! Parce que personne n’a rien vendu durant trois, quatre ans… Donc non, je n’ai pas fait ça pour vendre de la photographie. Il s’avère que l’on en vend beaucoup. On a gagné un pari, mais ça n’était pas uniquement au sens monétaire du terme, c’était une affirmation de l’importance de la photographie contemporaine. Je prends des risques par conviction, mais je ne parie pas.

Est-ce qu’avoir pignon sur rue a pour vous encore du sens ? Je pense à ces galeristes qui décident de ne plus posséder d’espace visible parce que les loyers sont trop lourds ou qu’ils estiment leur clientèle déjà constituée.

C. O. : Pour moi, ce sont des marchands, pas des galeristes. Je veux dire qu’une galerie, c’est d’abord un lieu d’exposition. C’est donner à voir des artistes avant de les vendre. Dans le passé, j’étais courtière pour des antiquaires. Ça n’est pas le même métier. Et oui, ça a absolument un sens ! D’abord un sens économique parce que c’est un coût et que cela revêt une prise de risque maximale de défendre des artistes qui ne sont pas toujours faciles à défendre. Enfin, c’est souvent aussi leur offrir un premier lieu d’exposition. Alors après, que certains fassent des pauses… Je pense à Fabienne Leclerc par exemple, qui avait arrêté un moment pour se consacrer à autre chose. Mais une galerie, c’est une galerie par son espace et l’équipe qu’elle met à la disposition des artistes et de leurs publics.

Je crois que vous ne me contredirez pas si je dis que la photographie connaît actuellement un essor considérable. Dans quelle mesure est-ce, selon vous, une bonne nouvelle pour la discipline?

C. O. : L’intérêt, aujourd’hui, c’est que les pratiques éclatent et donnent à voir autrement. Regardez Noémie Goudal par exemple, qui travaille sur le perceptif, le rapport à l’image, au réel et au sujet. Le danger à ce succès maximum, c’est de tomber sur des suiveurs, voire des plagieurs. Là, je pense surtout que l’on souffre souvent d’amnésie. A savoir que la photographie est devenue importante tout d’un coup à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Ignorance qui explique que nous voyons régulièrement apparaître des resucées des années 1980, voire 1990. Ici nous montrons des artistes parfois très émergents, mais l’essentiel du travail est aussi pour nous de montrer ceux plus historiques et fondateurs.
Ils sont toujours bien vivants, ont un vrai talent et continuent de produire. Les artistes des années 1980 sont des artistes importants ! Cela suppose aussi un travail de remise à jour, et non de redécouverte, car on a eu tendance à les oublier très vite. Et je dirais effectivement que la perversité du succès de la photographie aujourd’hui, c’est son obsolescence immédiate. On consomme aujourd’hui de l’artiste comme on consomme de l’image, et c’est très visible en photographie, notamment.

A quoi ressemble votre clientèle ?

C. O. : Elle est sympa !

Quelle est la part de collectionneurs avérés ? Disons des collectionneurs confirmés, qui achètent régulièrement chez vous ?

C. O. : On a un fichier de collectionneurs de 8 500 acheteurs, dont 2 500 récurrents. Ça vous donne une petite idée … Et parmi ceux-ci, une majorité de gens très sympathiques. Ça n’était pas qu’une blague ! Les collectionneurs avérés le deviennent au bout de quelques années, mais je crois que nous avons une certaine manière d’aborder l’amateur qui deviendra peut-être par la suite un collectionneur “averti” plutôt qu’avéré. Cela peut prendre entre 10 et 15 ans de travail. En réalité, je renverserais le problème : de quelle façon aborde-t-on un collectionneur ? Moi, quand je vends une pièce, je ne vends pas juste une œuvre d’art, je montre le travail dans son ampleur et je vais jusqu’à présenter l’artiste, dans certains cas. Derrière lui, c’est l’histoire de la galerie que je raconte. Quelque part, je me vends moi, mais je vends aussi l’équipe et toute la stratégie qui l’accompagne. Que fait-on ? Pourquoi défend-t-on tel artiste ? Pourquoi prend-t-on ces risques ? Et pourquoi acheter par exemple un jeune artiste ? Parce que ça n’est pas cher ? Non ! Et c’est comme ça, il me semble, que l’on rend les collectionneurs fidèles et que l’on peut les amener à regarder une œuvre différemment et ensuite à s’attacher à une galerie. J’accepte très peu les dîners des collectionneurs, mais les rares fois où je m’y suis rendue, j’étais extrêmement touchée de voir à quel point ils possédaient un nombre conséquent d’œuvres en provenance de ma galerie. Je ne l’aurais jamais imaginé ! L’échange avec les collectionneurs est essentiel. Savoir les conduire par la suite vers les artistes qu’ils n’osent pas toujours approcher au départ, par peur ou timidité, et qui dix ans plus tard, leur passent parfois des commandes ! Pour résumer, il est très important de ne pas être exclusivement dans un rapport marchand.

C. B. : Il y a ceux aussi qui achètent leur première œuvre chez nous, souvent une photographie. Ou encore les collectionneurs de peinture qui acquièrent leur première photographie ici. Il y en a qui vous disent : « Je n’ai jamais acheté de photographie », et qui jettent leur dévolu sur l’un des artistes que l’on présente.

De par son caractère reproductible, la photographie serait-elle un médium délicat à vendre ? Ou est-ce, au contraire, un argument qui permet, notamment aux bourses les plus petites, de faire une rencontre avec la photographie ?

C. O. : Nous avons ouvert cette galerie en pleine crise. Les années 1990 ont été une succession de crises pour le marché. Mais ce qui était intéressant, c’était de voir qu’à qualité égale, on dépensait beaucoup moins d’argent pour une photographie. Ça a permis le passage de certains collectionneurs avertis vers la photographie, qui ont compris tout d’un coup qu’ils pouvaient acquérir des tirages d’excellente qualité à un moindre prix. Bien entendu, maintenir la rareté est très important ! Beaucoup d’artistes manquent de vigilance à ce sujet et font des éditions trop vastes. Il faut être attentif à la façon dont on vend la photographie : justifier le nombre d’éditions et la taille en regard d’une œuvre et non démultiplier à tout va. Même si c’est évident qu’elles garantissent des prix moins élevés. Et puis, il ne faut pas oublier que c’est un coût aussi de réaliser une photo. Pour concevoir ses mises en scène dans le paysage, Ellen Kooi a besoin d’un dispositif et de moyens proches de ceux d’un mini tournage. Elle en fait quatre par an… Il en faut donc un certain nombre d’exemplaires vendus pour pouvoir répondre à la survie de l’artiste et à l’économie de son travail.
Que ce soit un frein à la vente, je ne crois pas du tout. Si c’est bien fait. Mais il y a des choses à respecter. Et puis il y a des systèmes anglo-saxons, intéressants, à la fois pour l’artiste et pour le collectionneur, qui peut sentir sa prise de risque récompensée. Les premiers exemplaires sont moins chers, après on rattrape la côte en fin d’édition. Donc celui qui les veut absolument, il devra payer plus cher. Et inversement. C’est un équilibre entre l’offre et la demande, et le jeu du marché qui peut paraître surfait, mais qui me semble aussi très motivant. Si vous venez acheter de jeunes artistes chez nous, vous pouvez vraiment repartir avec des œuvres superbes à des prix relativement dérisoires. Souvent, quand les jeunes artistes rentrent en galerie en France et surtout dans le milieu anglo-saxon, ils deviennent immédiatement chers. Ce qui n’est pas le cas chez nous.

Qu’est-ce que vous vendez le mieux ? Et même si je sais que vous ne répondrez pas à cela, qui vendez-vous le mieux ?

C. O. : Je pense que tout artiste peut se vendre très bien à un moment donné et dans une zone donnée. C’est-à-dire qu’il y a des artistes qui vont très bien se vendre dans un pays et moins bien dans un autre. Prenons le cas d’un Gilbert Garcin. Là pour le coup, on avait fait des éditions très larges pour conserver ce côté démocratique et l’énorme potentiel de diffusion de son œuvre. Avec le temps, on distingue nettement ce qui se vend en Allemagne, en Angleterre, au Canada ou chez nous. Il s’agit d’images très différentes qui reflètent un rapport à des cultures différentes. Par ailleurs, il peut y avoir un phénomène “d’usure visuelle” de l’artiste. On voit souvent qu’un artiste lancé par une galerie à Chelsea va durer entre trois mois et trois ans. Et au bout des trois ans, il peut être jeté aux oubliettes. J’exagère à peine… Après, il y a des cycles qui font que certains artistes peuvent se développer, à travers les biennales notamment. Mais en moyenne, un artiste qui correspond uniquement à la tendance du marché, n’existera pas bien longtemps. Si le travail est excellent et qu’il est sanctifié par les institutions, il se passera alors autre chose. Certains attendent parfois 15, 20 ans avant de resurgir. Il faut être sûr de la qualité et du potentiel d’un artiste car là encore, c’est une prise de risques. Nous faisons très attention à cela. Noémie Goudal, je l’ai observée pendant quatre ans avant de la prendre à la galerie ! Alors d’accord, je suis peut être un peu lente mais je préfère être sûre de ce que je défends.

Au regard du marché justement, avez-vous le sentiment d’une cohésion entre ce qui se passe en salle des ventes et votre réalité à vous de galeriste ?

C. O. : C’est une question à double tranchant car nous avons besoin des salles des ventes à terme, mais ça ne correspond pas à la réalité du marché. D’autant plus que s’il y a des tentatives relativement honnêtes d’établir une cote de la photographie, il y a d’une part la spéculation américaine du marché que l’on connaît, et d’autre part, un peu de filouterie sur les estimations souvent fallacieuses des salles des ventes. Et puis il y a un jeu de massacre de la photographie contemporaine. Un certain cautionnement des salles des ventes parce qu’elles ont tout intérêt à travailler avec les galeries. Certains artistes que nous représentons apparaissent en salle des ventes mais on fait en sorte de les protéger. On ne peut pas acheter une œuvre qui ne soit pas au prix, sauf si elle a un problème ou si elle a eu un accident, etc. Je ne cherche pas nécessairement à mettre mes artistes en salle puisque je travaille sur l’ultra contemporain. Les salles, elles, vendent principalement du second marché. Vous pouvez y acheter des choses, après il faut savoir ce que l’on achète. On y trouve de tout. Un peu comme un marchand qui vendrait ses fonds de tiroirs. Vous pouvez faire de vraies affaires, mais il faut se méfier et savoir acheter …

Quelle foire ou manifestation internationale est la plus importante et la plus rentable selon vous ?

 C. O. : En photographie c’est Paris Photo, ça c’est sûr. Rentable, oui, bien que ce soit un gros investissement et un travail considérable. C’est la foire la plus importante au monde !

C. B. : En terme de foire. Ensuite, en terme de manifestation… Ce sont deux questions différentes.

C. O. : Il y a également des foires annexes comme l’AIPAD, à New York, ou plus récemment Unseen, à Amsterdam, pour la photographie émergente. Nous avons également participé à Paris Photo Los Angeles cette année. La foire est absolument magnifique, mais le contexte collectionneur n’est pas si évident. En 2015, nous sommes invités à participer à Photo London. En art contemporain, c’est évidemment Bâle et ses branches comme Art Basel Miami, etc. En 18 ans, nous avons participé à de nombreuses foires, même s’il nous est arrivé de nous faire évincer de certaines. La concurrence et les enjeux financiers de plus en plus importants de ce milieu a créé une oligarchie de galeries qui défendent leur territoire et font de certaines foires une chasse gardée. Des festivals de photographie, il y en a énormément. Arles reste pour moi fondateur et toujours intéressant. PHotoEspaña également, même si le festival s’est un peu recroquevillé sur lui-même avec la crise espagnole.
La biennale de Moscou a énormément fait pour la photographie dans les pays de l’Est. Il y a d’ailleurs beaucoup de festivals à l’Est qui sont toujours plus ou moins le seul moyen pour voir de la photographie. Idem maintenant avec l’Asie, je pense notamment au formidable travail de Christian Caujolle qui se bat comme un lion pour pérenniser le festival qu’il a créé au Cambodge.

C. B. : Et puis la qualité d’une manifestation est souvent liée au commissaire et à celui qui gère la programmation. C’est une addition, il n’y a pas non plus de secret. Mais quand on retrouve à chaque fois les mêmes…

J’aurais voulu faire une transition qu’elle n’aurait pas été meilleure. A propos du commissariat d’exposition justement, qui retrouve de plus en plus le chemin les galeries. Nous en avions parlé ensemble, Charlotte Boudon, lors de notre entrevue concernant l’exposition La Femme d’à côté. Qu’est-ce qui selon vous fait resurgir cette tendance ? L’art a-t-il plus besoin qu’alors de se problématiser ou de s’expliciter ? Quelle est sa portée ?

C. O. : Je suis d’abord historienne de l’art. Deuxièmement, je suis commissaire d’exposition. Mon métier, c’est de donner à voir et depuis le début de la galerie et même avant, j’ai toujours “commissarié” des expos, invité des commissaires extérieurs et accompagné mes collaboratrices pour leurs premières expositions. Pour moi, faire une exposition thématique simplement pour associer des artistes ensemble, il n’en est même pas question. Un travail de commissariat est un travail plus profond. J’ai parfois fait des recherches pendant plusieurs années en amont avant d’inviter des commissaires à travailler sur le sujet. Entre faire une exposition de petits formats parce que l’on veut vendre à Noël et être sérieux sur le fait de donner du sens et de construire à voir, je pense qu’il y a une marge énorme. Après, qu’on fasse des études pour “curater” des artistes, je trouve cela pertinent, mais c’est un peu limité. Parfois, ce sont de jeunes gens qui accrochent des jeunes artistes et qui, souvent, ne sont ni vraiment historiens ni critiques… Et je trouve que la volonté d’articulation tient plus du spectacle que de la construction de sens. De la même manière que l’on peut donner du sens, je dirais grâce au discursif, c’est-à-dire par l’apport critique, on peut donner du sens via le commissariat. Il y a des thématiques que j’ai en tête depuis 15 ans, 20 ans. Ça paraît bizarre… Mais comme ma réflexion a pour origine les artistes et leurs problématiques, ce n’est qu’en recollant leur travaux que je peux voir émerger au fur et à mesure des tendances à mettre en perspective. Il y a plusieurs manières de monter une exposition. Bref, c’est passionnant, c’est un vrai métier.

Qu’est-ce qui est rédhibitoire chez un artiste qui vient vous présenter son travail ?

C. O. : Rédhibitoire… De croire que l’on est obligé de lui monter une exposition parce qu’il a décidé de nous montrer son travail.

Est-ce qu’il faut avoir déjà exposé ou être reconnu pour faire l’objet d’une exposition chez vous ?

C. O. : Non, il faut être l’objet d’une rencontre esthétique et humaine. Ce n’est pas parce que l’on dépose un dossier chez nous que ça va fonctionner. Et puis parfois, c’est un hasard total si l’on peut considérer que voyager à travers le monde autorise le hasard. Il faut qu’il y ait une rencontre entre une galerie et un artiste. Et une rencontre qui se poursuive sur le long terme. Et dans mon travail, qui est un peu le point d’orgue de tout ça, la rencontre a lieu à travers l’œuvre avant tout. Et après, il y a l’artiste. A tel point que c’est devenu un peut le mot d’ordre dans la profession : « Ça va ? Il est sympa ? Il n’est pas trop difficile ? » C’est sûr qu’un artiste qui est difficile, dans la mesure où il y a une masse d’artistes disponibles, il a intérêt à être très très bon.

Aujourd’hui on achète de la photographie pour…

C. O. : Parce que c’est de l’art.

C. B. : Pour se faire plaisir.

C. O. : On achète de la photo parce que c’est une œuvre d’art. Point. Et une œuvre d’art, c’est quoi ? La projection du désir et de l’histoire.

 

Galerie Les Filles du Calvaire
17, rue des Filles-du-Calvaire

75003 Paris
tel. +33 (0)1 42 74 47 05

[email protected]
http://www.fillesducalvaire.com

Prochaines expositions :
A Period of Juvenile Prosperity – Mike Brodie
Carnets – Matt Wilson
Du 31 octobre au 30 novembre 2014
Vernissage Le jeudi 30 octobre de 18h à 21h

 

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