Rechercher un article

Edith Roux, d’un horizon à l’autre

Preview

Photographe et vidéaste, la française Edith Roux situe sa pratique dans une veine documentaire conceptuelle où s’intègre une réflexion sur les conditions de production des images. Ses derniers travaux réalisés en Côte d’Ivoire sont exposés en ce moment à la Galerie Dix9 à Paris du 13 octobre au 2 décembre et à la Bibliothèque Nationale de France du 24 octobre 2017 au 4 février 2018. Elle tente ici de déconstruire certaines images de l’époque coloniale et interroge la relation de la France avec son ancienne colonie. Dans une tentative d’ouvrir un espace de réflexion critique qui contribue à la décolonisation des imaginaires, cette recherche se nourrit de théories postcoloniales où l’archive tient lieu d’inspiration.

Les Fantômes de Bassam (2016) série composée de 18 photographies, a été réalisée dans la ville historique de Grand Bassam située à environ 40 km à l’est d’Abidjan. La ville fut la première capitale coloniale, portuaire, économique et administrative de la Côte d’ivoire. L’ancien quartier français, laissé aujourd’hui à l’abandon, témoigne d’une architecture et d’un urbanisme colonial fonctionnaliste. Le quartier N’zima adjacent révèle la permanence des cultures autochtones.

L’intérêt d’Edith Roux pour la ruine nait de sa capacité à faire cohabiter plusieurs temporalités. Etat d’entre-deux, le fragment renvoie à ce qui n’est plus, mais s’affirme par ce qui reste comme vestige. Les photographies montrent des habitants mis en scène dans leur propre rôle. L’artiste y insère des personnages provenant de cartes postales datant de l’époque coloniale. Seuls le grain, la trame d’impression ou le noir et blanc révèlent la provenance de ces incrustations. La confrontation d’éléments présents et anciens où différentes temporalités dialoguent entre elles vise à susciter une réflexion chez le spectateur. Ces colons venus d’un autre temps sont-ils les figures du refoulé de l’histoire ? Quelles formes de colonialité se cachent derrière ces visages effacés par le temps ?

Les Portés (2017) est une série réalisée à partir de cartes postales datant de l’époque coloniale en Côte d’ivoire entre 1908 et 1937. Ces cartes postales représentent des colons portés par des Africains dans des hamacs ou chaises porteuses. Dans certaines images l’artiste isole les colons qui flottent alors dans l’espace dans une position absurde, voir ridicule. Dans d’autres images, seuls subsistent les porteurs qui apparaissent ainsi dégagés de leur position de servilité où les avaient placés les colons. Certaines découpes sur leur corps, correspondant à l’emplacement d’un hamac ou d’un colon, sont autant de traces laissées sur un corps social blessé. Les gestes de porter sont laissés en suspens et les bras levés se transforment en élan de résistance. Sont-ils précurseurs d’espoir vers le désir d’une Afrique qui marchera sur un chemin qu’elle se sera choisie ?

En aparté des photographies, la vidéo Le Défilé (2016), se déroule sur la plage de Grand Bassam où des vendeurs à la sauvette défilent pour présenter leurs marchandises aux touristes. Mais le son de leurs voix, couvert par le bruit de la mer, ne semble pas parvenir jusqu’aux touristes situés derrière la barrière, là où se situe la caméra. Coincés entre une mer sans horizon et une barrière bleue, ces vendeurs ambulants venus de différents pays d’Afrique continuent à défiler. Mais que laisse présager la brèche visible à droite de la barrière ?

Avec Melêh nian bêh/Je vous regarde (2016), le spectateur est face à une carte postale de Côte d’ivoire datant du début du XXème siècle. Soudain, la carte s’anime et la femme représentée se met à parler. Ses yeux baissés se mettent en mouvement et regardent en face le spectateur. La femme s’exprime en n’zima, une des langues parlées à Grand Bassam : La phrase prononcée, « melêh nian bêh », est suivie de sa traduction française : « je vous regarde ». Ces femmes parlent au spectateur à travers l’histoire, dans une tentative de se réapproprier leur propre image et d’échapper à l’emprise du regard masculin colonial.

D’un horizon à l’autre, les déplacements opérés dans les images par Edith Roux tentent de mettre en mouvement le récit historique dans le contexte géopolitique contemporain où la décolonisation des imaginaires semble une marche vers le futur.

 

 

Edith Roux, d’un horizon à l’autre
13 octobre au 2 décembre 2017-11-20
Galerie Dix9
19 Rue des Filles du Calvaire
75003 Paris
France

http://www.galeriedix9.com/

Autre exposition à voir actuellement :

Edith Roux, Paysages français : une aventure photographique 1984-2017
Du 24 octobre 2017 au 4 fevrier 2018
Bibliothèque Nationale de France
Quai François Mauriac
75706 Paris
France

http://www.bnf.fr/

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android