L’œuvre poétique de Duane Michals, célèbre pour ses séries existentielles, est ponctuée de portraits, réalisées aussi bien dans le cadre de commandes que dans son exploration personnelle du genre. Toutefois, ils demeurent une minorité, publiés ici et là dans ses livres ou dans les pages de magazines lui rendant hommage. L’exposition qui est en ce moment à découvrir à la DC Moore Gallery, à New York, revient sur cette facette moins évidente de l’Américain au travers d’une large sélection de photographies mettant en scène illustres personnages et proches du photographe. Des images en majorité en noir et blanc, développées à partir de négatifs exhumés de ses archives, et dont beaucoup sont inédites.
Comme Duane Michals est un être d’une grande délicatesse, toujours respectueux des hommes et des choses, il a toujours rejeté cette notion qui pousse l’artiste à « regarder ses sujets avec la prétention de voir en eux ». Au contraire, en parfait trublion, il a développé une approche alternative à ses contemporains. Une pratique qu’il a finement appelée « prose portrait » et qu’il détaille en ces mots : « Je suggère que l’atmosphère de l’identité du modèle est la somme totale de ce qu’il est… Un portrait en prose peut requérir trois ou quatre photographes pour révéler quelque chose à propos de ce que le modèle fait dans la vie et qui le définit. Un visage n’a pas nécessairement besoin d’être vu ; une grande partie de la signification des gens ne sera pas trouvé là. »
Les images, elles, révèlent une grande variété de poses, de paramètres, de points de vue ou encore de formats. Souvent habillées, au bas du tirage, de ses annotations personnelles, drôles, profondes ou romantiques, elles suggèrent, sentent ou jouent avec le sujet. Ainsi, parmi les frimousses qui ont inspiré l’esprit chimérique de Duane Michals figurent celles de Dustin Hoffman, à peine majeur, de Johnny Cash, « plus chaud que le germe du poivre », ou de Robin Williams, jouant le jeu d’une comédie dans laquelle le photographe intervient. Citons également l’artiste Jasper Johns, le photographe Art Kane, la chanteuse Barbra Streisand, les peintres Balthus et René Magritte, ou encore Fred Goree, le partenaire de Duane depuis plus de 40 ans et dont on a rarement l’occasion de voir le jeune visage. Une pléiade de célébrités qui rappellent que Duane Michals a très tôt fait partie des cercles intellectuels new-yorkais et s’est souvent nourri des univers des autres artistes.
Pour Duane Michals, qui vient d’avoir 83 ans, l’actualité est riche. Avec deux livres qui viennent de paraître, une grande rétrospective à Pittsburgh et une activité qui ne s’essouffle toujours pas. C’est bien évidemment pour lui le moment de la consécration. Cette exposition, remarquable en tout point, suggère d’autres merveilles à venir, peut-être encore enfouies dans sa cave ou dans son esprit débordant d’imagination. A la réception, comme depuis ses débuts, il jouait encore au pitre, posant sur les selfies et s’exclamant pour les objectifs devant les pages d’une brochure. Un grand pitre dont l’esprit semble si intemporel qu’il serait bien difficile de le portraiturer.
EXPOSITION
Duane Michals: The Portraitist
Jusqu’au 21 mars 2015
DC Moore Gallery
535 West 22nd Street, 2nd Floor
New York, NY 10011
Etats-Unis
www.dcmooregallery.comhttp://duanemichals.tumblr.com