Un univers de zéro et de un, des chiffres en étalage et des mains oubliées qui imprègnent les poches et les esprits. Allez au coin de votre rue parler avec ceux dont le métier consiste à faire des réserves de produits exotiques et inhabituels, objets et aliments mêlés. Les contrastes du monde sont amusants, et consommés de manière habituelle. De riches étalages numériques donnent naissance à des inflorescences organiques dans leur sillage extravagant. Ça n’a aucun sens, mais cela ne veut pas dire que ça n’a pas de fonction. Digital Deli de Marco Scozzaro au Baxter Street’s Camera Club à New York communique ces notions et les explore. L’exposition est une déclaration d’amour au langage imagé en général. Les œuvres que l’artiste présente ouvrent et rassemblent de nombreuses possibilités.
Qu’est-ce qu’une photographie ?
Rien de moins que par le passé – ça c’est sûr. Les références visuelles contribuent à créer des environnements distincts et certains détails, par leur collision, ouvrent un champ d’exploration d’autres dimensions. L’espace peut être une énigme représentationnelle, dont la réorganisation plurielle des éléments forme de nouveaux mondes. Chez Scozzaro, l’installation de machines obsolètes et d’objets ordinaires s’anime avec extravagance. Digital Deli est riche en artefacts : l’iconographie, la symbolique et les liens souterrains signalent des quêtes échevelées dans le paysage visuel des œuvres. Le cliché photographique n’est presque plus avalé par l’appareil photo. Le photographe s’affranchit des traditions, et ce qu’il en reste, c’est l’élan de base, la volonté d’aller vers ce qui est nouveau, différent, incertain, expérimental et précurseur. La photographie est redevable à la contemporanéité de l’outil lui-même.
L’accrochage de Scozzaro donne libre cours à un environnement jovial et incandescent. À l’aide de formats en apparence transparents, il ouvre une arène d’intentions et de palimpseste. De son propre aveu, l’artiste affirme que les images sont « quelque chose que l’on reconnaît, mais qui devient autre chose grâce à sa forme ». Les éléments ambiants innovent en termes de matériaux et de réalités à l’intérieur des univers qu’il façonne. Ce sont des désirs, de la créativité et des agents de communication articulés pour former de robustes constructions. Des jungles atmosphériques colonisent cet espace de liberté, les couleurs sont espiègles, à la fois distinctes et particulières. Les identités de la photographie empruntent des voies où les valeurs sont le reflet de la personnalité. La révélation et l’époque se font l’écho d’éléments séduisants qui laissent une place aux insécurités contemplatives. Ici, l’art photographique est vaste dans ses altérités.
Comment débutent les conversations ? Par l’invention.
Scozzaro voyage dans le temps au sein de son œuvre et de ses archives. Il réarrange les histoires, les éléments et les nuances d’une époque. Des moments définis légitiment les ambiguïtés inquisitrices du quotidien. Il ne faut pas s’arrêter à une lecture superficielle. Les atmosphères trop séduisantes sont des prisons. Le style de Scozzaro abonde de matériaux plastiques et de lumières. La corruption des techniques et des contradictions surgit, impressionnante. Les qualités s’entrelacent, se recouvrent, s’aplatissent et surgissent avec une formidable vivacité. La fragilité et la particularité poussent à rassembler et fondre les contraires. Est-ce qu’une singularité émerge ? Le concept d’esprit ou de divin est abscons. Les définitions sont produites par des assemblages de lettres – consonnes et voyelles – qui ne sont que des symboles et des formes dédiées, les interprètes de signifiants porteurs de sens. Absurde.
Efrem Zelony-Mindell
Efrem Zelony-Mindell est poète, photographe, et commissaire d’exposition indépendant, et il vit à New York.
Marco Scozzaro, Digital Deli
Baxter Street’s Camera Club of New York
Du 23 février au 25 mars 2017
126 Baxter St
New York, NY 10013
USA
