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Collection Ettore Molinario : Dialogues : Paolo Ventura & Anonyme

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Il s’agit du quinzième dialogue de la Collection Ettore Molinario. Un dialogue consacré au thème des blessures qui déchirent notre corps et aux images qui, en enregistrant ces entailles, transforment l’expérience de la douleur en une expérience de connaissance. La mesure de cette collection est le calme émotionnel même là où les yeux, l’esprit, le cœur grimacent parfois. Mais c’est à ces visages impassibles et hypnotiques que j’ai voulu confier le sens de ma recherche. Et ces mêmes visages vous invitent à suivre nos prochains rendez-vous.

Ettore Molinario

 

On aimerait dire qu’on sent le sang couler dans nos veines, ce serait très romantique, mais ce n’est pas vrai. Nous ne connaissons que la mécanique de ce phénomène, le cœur battant et transportant du sang riche en oxygène vers toutes les fibres du corps. Notre corps est un organisme invisible, fermé et protégé par la surface douce de la peau, et nous ne voulons rien voir de ce qui se passe à l’intérieur, dans sa chair, dans ses fluides, dans ses tripes, dans ses processus. Ouvrir le corps, ne serait-ce que dans notre esprit, reviendrait à le blesser, et nous souffrons terriblement. Mais les images n’ont pas de limites, elles sont plus fortes que la peur et le dégoût. Ainsi, dans une partie du monde occidental qui a fait des blessures le symbole d’un homme-dieu et de notre salut, les images s’ouvrent et nous invitent à entrer.

Il n’était jamais arrivé auparavant qu’un filet de sang coule sur le visage, les yeux et le teint couleur de glace d’un mannequin, et vienne tacher une magnifique chemise haute couture. Mais Paolo Ventura, un artiste extraordinaire qui est né en contemplant les photographies de guerre et a reconstruit leur violence jusque dans son travail de mode, sait que les images ouvrent le corps de la réalité et sont violentes par nature. Il sait que là où le visage et le corps ne trahissent pas le spasme de la douleur et souffrent intacts dans leur beauté, en y regardant, on souffre davantage. Et nous continuons à souffrir parce que nous ne pouvons pas détourner le regard, pas même lorsque nous observons une couronne d’épingles et d’épines qui martyrisent les cuisses d’une femme allongée sur un lit de fleurs. Une crucifixion des années 1930, tant le drapé blanc posé sur le sexe est égal à celui du Christ en croix.

Alors pourquoi regardons-nous la souffrance ? Pourquoi ces « images ouvertes », et la définition vient de Georges Didi-Huberman, nous enchantent et nous empêchent de fermer les yeux ? Parce que ces « images ouvertes » sont peut-être des rites initiatiques, elles sont l’accès secret pour entrer dans l’obscurité de la physicalité et nous rapprocher de cette expérience cognitive qui est toujours douleur. Une petite blessure, un effeuillage et le corps s’ouvre et nous invite à regarder l’inobservable. Et si nous cherchons notre portrait le plus véridique, nous sommes cette splendide et terrible chose informe, ce corps sombre, cette horreur qui nous fait respirer.

Ettore Molinario

www.collezionemolinario.com

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