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Claude Gassian : « Leonard Cohen avait la grâce, une grande classe » 

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Depuis le début des années 1970, le photographe Claude Gassian immortalise les célébrités du monde de la musique. Des Rolling Stones au Daft Punk, de Jimi Hendrix à Madonna, il a pu constituer un large éventail. Au cours de son travail, il a rencontré cinq fois Léonard Cohen. Il présente en ce moment dans une galerie à Paris les clichés qu’il a réalisés du poète canadien disparu il y a six mois. 

 

Comment se passaient vos prises avec Leonard Cohen ? 

Je l’ai rencontré dans le cadre des tournées et promotion qu’il faisait lorsqu’il était de passage en France. A chaque fois, il s’agissait d’une poignée de minutes dans un hôtel ou dans les locaux de sa maison de disque. La contrainte est complexe. Il s’agit de faire les meilleures photographies en quelques minutes et avec un décor très limité. Alors vous utilisez les rideaux et les fauteuils que vous avez sous la main. Avec Leonard Cohen, les séances étaient cependant parmi les plus riches que j’ai réalisées. Il me laissait travailler à ma façon et je sentais qu’il comprenait ce que je recherchais.

Avez-vous un souvenir de lui en particulier ? 

J’ai eu la chance d’avoir une séance plus longue et plus libre que les autres. Un jour, je l’ai retrouvé alors qu’il tournait un clip à Trouville avec Dominique Issermann. J’ai pu passer près d’une demi-heure avec lui et nous sommes allés sur la plage, puis dans le hall de cet hôtel art-déco. J’ai eu l’impression que ce jour-là, j’ai réussi à capter encore mieux qui il était. Il y a une photographie que j’aime particulièrement. Celle où il est de plain-pied sur la plage, avec son long manteau et la mer derrière lui… Je trouve que cette photographie lui ressemble.

Est-ce que vous pensez avoir capté quelque chose de sa figure ? 

Je crois que Leonard Cohen était quelqu’un de très humain. Il ne portait pas le masque de la star. Il n’en faisait jamais trop quand il se faisait photographier. Il comprenait ma façon de faire et l’acceptait.. Il me laissait faire. Il me donnait une grande liberté. J’aimais vraiment ces séances avec lui parce que je sentais que je pouvais pleinement m’exprimer. Une fois, cependant, il a décidé de poser d’une certaine manière. J’ai trouvé le résultat intéressant car il s’inventait une nouvelle figure. Par exemple, il y a cette photographie où Léonard Cohen se tient le visage en fermant les yeux.

Il avait un caractère bien à lui ?  

Il avait la grâce, une grande classe… Il avait l’œil rieur aussi. Il paraissait d’abord être quelqu’un qui avait une certaine réserve, mais en fait il était plein d’humour, joyeux. Quand je le photographiais, je sentais qu’on allait vers la même chose. Il était dans mon silence. Il en faisait partie.

Depuis les années 1970 vous photographiez les plus grands noms de la musique : Prince, Radiohead, Nick Cave, U2… A quoi ressemble ce travail ? 

J’ai commencé un peu par hasard. Je suis venu à cette photographie d’abord comme un passionné de musique. Au départ, je photographiais des concerts pour y assister. Un jour, un attaché presse d’une maison de disque m’a dit que Patti Smith se rendait sur la tombe de Jim Morrison au cimetière du Père Lachaise à Paris et il m’a invité à venir avec eux. Je suis venu et pour la première fois – j’avais vingt-cinq ans – j’ai osé demander à l’artiste de poser pour moi. Patti Smith a accepté. J’ai alors fait mes premières photographies personnelles d’une grande artiste du monde de la musique.

Ce métier a-t-il évolué ? 

Oui, beaucoup. J’ai eu la chance d’être un photographe totalement indépendant, ce qui est assez impensable aujourd’hui ! A l’époque, j’allais photographier sans aucunes commandes préalables. Je souhaitais simplement photographier tel ou tel artiste et on m’accordait un moment. Bien sûr, peu à peu, on connaissait mon travail et on savait que je publiais dans la presse. Mais au début, on me faisait confiance sans me connaître. Aujourd’hui le système a changé. L’image est beaucoup plus contrôlée et pour certaines célébrités il faut passer pas de nombreux intermédiaires entrainant des coûts de production conséquents. Je pense que je ne pourrais plus photographier Beyoncé, Rihanna, ou Eminem comme je l’aurais fait auparavant. Les opportunités de suivre des artistes se font plus rares aujourd’hui. Quelle chance d’avoir pu accompagner les Rolling Stones, Prince, ou de nombreux artistes français en tournée ! Ce travail photographique documentaire me semble plus rare aujourd’hui. Je dis parfois en plaisantant qu’il n’y a finalement que les Beatles et Elvis Presley que je n’ai pu photographier…

Propos recueillis par Jean-Baptiste Gauvin

Jean-Baptiste Gauvin est un journaliste, auteur et metteur en scène qui vit et travaille à Paris.

 

Leonard Cohen by Claude Gassian
Du 3 mai au 20 mai 2017
A Galerie
4 Rue Léonce Reynaud
75116 Paris
France

http://a-galerie.fr/

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