Voici l’entretien entre Gabriela Lupu et Sophie Bernard, dans le cadre de notre couverture du festival Circulation(s). Gabriela utilise la série d’ouvrages Histoire de voir de Robert Delpire et Michel Frizot comme support de son travail : elle redessine les photographies présentes dans ces ouvrages. D’après ses dessins, elle réalise la série « Histoire de la photographie », convoquant les grands noms de la photographie, de Nicéphore Niépce à Nancy Rexroth.
Pourquoi êtes-vous devenue photographe ?
Je suis d’abord devenue photographe par accident. Pendant mes études de sociologie en Roumanie, une amie m’a proposé de prendre un cours de photographie. Ma sœur aînée a été sensible à mes arguments et m’a payé les cours de l’école d’arts visuels de Brasov en Roumanie. Au début, je voulais faire de la photographie de mode car c’était dans l’air du temps. Ce n’est que par la suite, lorsque je suis arrivée en France, que j’ai décidé de devenir photographe, après avoir travaillé dans une agence de publicité. A partir de ce moment-là, la photographie est devenue un besoin.
Vivez-vous de la photographie ? Avez-vous une autre activité à côté ?
Je ne vis pas de la photographie. J’ai régulièrement un travail à côté qui n’a rien à voir avec la photographie.
Avez-vous déjà publié un livre ?
J’ai publié deux livres aux éditions Filigranes : Carnet de charbon en 2013, sur les mineurs de charbon de la région Valea Jiului en Roumanie, et Portes de Paris en 2015, un livre plus intime dans lequel j’ai utilisé le dessin et un théâtre imaginaire pour parler d’une communauté roms.
Comment avez-vous connu le festival Circulation(s) ? Qu’en attendez-vous ?
Je connais le festival Circulations depuis qu’il se déroule à Boulogne, grâce à un ami qui y a exposé. L’année dernière, j’ai participé aux lectures de portfolios. Cela a déclenché de manière indirecte la rencontre avec une galerie. Pendant le festival, j’attends que le public regarde et repère mon travail. J’espère que ma série Histoire de la photographie va susciter des interrogations.
Décrivez le propos de votre série et expliquez pourquoi vous avez décidé de la faire.
J’ai utilisé comme support de travail les trois volumes de l’ouvrage Histoire de voir de Robert Delpire et Michel Frizot. L’idée était de me réapproprier l’histoire de la photographie en refaisant dans mon studio des prises de vues célèbres, non pas à l’identique, mais de manière rudimentaire, en utilisant des objets trouvés sur place et en demandant à des artistes ou à des voisins de poser. Je montre ainsi que le regard que l’on porte sur l’histoire est un point de vue subjectif et mouvant.
En quoi consiste l’étape préparatoire de cette série ?
J’ai commencé par dessiner les trois volumes Histoire de voir sur cinq petits carnets avec un simple stylo à bille. J’avais besoin d’élargir mon horizon de sociologue photographe qui s’intéresse aux sujets liés à son pays d’origine. Je les ai ensuite scannés et les ai réunis en un seul. Quelques mois plus tard, j’ai collé des photographies au hasard dans ce carnet. Alors, l’idée de retravailler d’après les dessins m’est venue. Je l’ai concrétisée dans mon atelier.
Quels sont vos maîtres ou vos références dans la photographie ou dans l’histoire de l’art ?
J’aime bien Constantin Brancusi, Alberto Giacometti et Shoji Ueda.
Pensez-vous que la photo ou une photo peut changer le monde ?
Non, je ne pense pas. J’ai commencé mon parcours de photographe en faisant du documentaire. Je croyais alors en la photographie. Maintenant je me méfie. Je considère que la photographie est un matériau, un médium transdisciplinaire. En ce moment, je m’interroge : qu’est-ce que c’est, une image ?
En quoi la photographie a-t-elle changé votre point de vue sur le monde ?
J’essaie d’imaginer ma vie sans la photographie afin de comprendre ce qu’elle a changé. Par exemple, la photographie de mon grand-père me permet de faire appel aux images mentales que j’ai de lui et à ses qualités, donc ça déclenche un souvenir. Dans un deuxième temps, la photographie m’a appris que rien n’est figé, que tout se transforme.
FESTIVAL
Festival Circulation(s) – Jeune Photographie Européenne
Du 26 mars au 7 août 2016
CENTQUATRE
5 rue Curial
75019 Paris
France
Fermé le lundi et le mardi
Plein tarif : 5 euros
Tarif réduit : 3/2 euros
Les expositions en plein air sont libres d’accès ainsi que Little Circulation(s)
Catalogue
Editions 2016, 22 euros
http://www.festival-circulations.com
http://www.gabrielalupu.com/