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Chris Marker –Passengers

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De 2008 à 2010, Chris Marker, 90 ans, a investi le métro parisien et a photographié ses occupants à la volée. Ses photographies sont une façon de dresser un portrait d’un lieu commun qui l’a toujours interrogé par l’étonnante connexité qu’il déclenche entre les hommes. C’est son dernier travail en date.

Il ne faut pas chercher de scènes extraordinaires ou de cadrages atypiques. Passengers n’est pas une traque de l’imprévu mais bien une observation du voyage quotidien des parisiens. C’est avec cette idée que Chris Marker est descendu dans le métro de la capitale et s’est assis, comme eux, sur les banquettes vertes et les strapontins. Durant deux années, il a dissimulé un petit appareil et a tiré le portrait des gens qui lui faisait face, tentant de trouver un regard ou une attitude.

L’idée est un remake du travail de Walker Evans sur le métro new-yorkais en 1941. Dans ces rames, Chris Marker capture l’intimité du passager et cherche à comprendre ses réactions face à l’environnement souterrain. Il y dépeint un monde multiculturel et multiethnique, compliqué, oppressant où ses sujets – en majorité des femmes – semblent se perdre dans leurs pensées, regards fixes, vers le haut, le bas ou l’extérieur, et adoptent une humeur rêveuse, quelque peu ennuyée ou nonchalante. D’autres dorment, tête contre la vitre. L’histoire du voyage inhumain que chaque parisien raconte au dîner.

Pour autant, de son temps, Evans avait eu le talent de ne pas s’en tenir à cet aspect et livrait des images uniques : une enfant rêvassant, tête contre le sein de sa mère ; un accordéoniste jouant de la musique pour quelques dollars au milieu du train ; un homme lisant les nouvelles du Daily News. Chez Marker, pas de musiciens ni d’enfants feuilletant un livre, pas de touristes lisant une carte ni de vieillard avec une cane. Si quelques regards ou attitudes attirent l’attention, la diversité des comportements dans le métro n’est pas totalement représentée dans les deux cents images de ce travail en couleur, le premier pour l’artiste. L’excès d’homogénéité éclipse la surprise d’une seule image.

Si au premier regard, les photos semblent avoir été prises au Smartphone, elles ont été l’objet d’un travail précis de post-production. Marker a, en réalité, pris ces clichés rudimentaires et les a ensuite retouchés à l’aide d’un logiciel informatique, leur ajoutant effets floutés et pixellisés ainsi que saturation des couleurs. Presque impressionniste et surnaturel, le résultat apporte une dimension électrique et toxique à l’atmosphère.

Mais Chris Marker n’est pas seulement photographe. La subtilité de son travail réside surtout dans la réflexion philosophique qui accompagne chacun de ses travaux. Ici, l’homme tente d’approcher les « différentes façons dont les gens construisent entre eux des murs invisibles et se confinent pour faire face à la modernité de la vie citadine. » Il a ensuite cherché un grand nombre de comparaisons aléatoires entre les passagers et des figures classiques de l’histoire de l’art, comme le portrait de Mona Lisa. Chris Marker le raconte : elle peut être assise en face de vous, là quelque part dans la foule du métro parisien. Il suffit de reconnaître le modèle et la posture. Une facette quelque peu complaisante de ce travail intriguant.

Jonas Cuénin

Passengers de Chris Marker, exposée en mai à la Peter Blum Gallery de New York, fait partie de la grande rétrospective qui lui est consacré cette année à Arles.

Du 4 juillet au 18 septembre 2011 au Palais de l’Archevêché
8 Boulevard Lices
13200 Arles
04 90 43 35 10

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