(4/5) Pendant toute la durée de l’exposition qui a lieu au Jeu de Paume à Paris avec l’exceptionnelle collection Walther léguée au Moma, L’Œil de la Photographie se penche sur un chef d’œuvre en particulier. Aujourd’hui, les ventouses urbaines.
Cinq tentacules qui dansent, comme emportés par le courant des villes, articulés d’autant plus qu’il vient de neiger dans ce parc et que nous pouvons ainsi plus nettement en distinguer la forme définie.
Nous devons au photographe Alvin Langdon Coburn ce titre Octopus qui pointe immédiatement l’étrangeté de nos constructions humaines quand elles se mettent à épouser le dessin de la nature, que ce soit des plantes ou des animaux, et la fantaisie d’un regard qui déplace la banalité dans un champ bien plus large.
Ce point de vue n’est possible qu’avec la folie des grandeurs dont ce début de XXe siècle est la démonstration permanente, les gratte-ciel sont en train de pousser à la vitesse éclair dans certaines grandes villes du monde et nous aurons bientôt la bombe atomique et l’avion de ligne, déjà le sous-marin et le char d’assaut.
Mais alors le photographe nous rappelle que les formes du monde d’avant subsistent même dans nos inventions les plus folles. Les noms d’animaux viennent recouvrir les chasseurs américains, les plantes inspirent les architectes et les grandes pierres vénérées par nos ancêtres sont en train d’être redécouvertes par les archéologues qui eux-mêmes nourrissent les prochaines innovations de l’humanité.
La pieuvre de Coburn est aussi un délicieux pied de nez à la rigidité apparente des choses, où l’œil perçoit dans ce qui le plus banal une entrée vers l’ailleurs. Avec cette ambivalence pour le céphalopode aux huit tentacules d’être vénéré en Grèce pour sa sagesse, mais aussi dans de nombreuses cultures le signe qu’on inscrit devant une porte vers l’enfer.
Jean-Baptiste Gauvin
Chefs-d’oeuvre photographiques du MoMA La collection Thomas Walther
Du 14 septembre 2021 au 13 février 2022
Jeu de Paume
1, place de la Concorde
75001 Paris