L’invité du dernier numéro de la revue Camera n’est pas un photographe. Mais à lui seul, il a rouvert des pans entiers de l’histoire de la photographie et contribué en son temps à la reconnaissance d’une jeune génération de photographes. Allan Porter, le dernier rédacteur en chef de Camera de 1965 à 1981, a reçu le journaliste Jonas Cuénin pendant plusieurs jours dans sa retraite à Lucerne, en Suisse. Une rencontre riche, illustrée par les images de dix grands photographes découverts par ce passeur, à qui la photographie contemporaine doit tant. Un numéro en forme d’hommage.
Créé en plein élan post-pictorialiste, en 1922, Camera disparut en décembre 1981 pour, finalement, renaître l’année dernière, dans une version bilingue français-anglais. A l’époque de la version originale, le magazine a été un repère, et l’est resté pendant presque toutes les périodes importantes de la photographie. Car Camera était souvent parmi les premières publications à montrer les premiers travaux de photographes maintenant bien connus, tels Edward Steichen, Robert Frank ou Jeanloup Sieff.
Ses deux plus importants rédacteurs en chef ont probablement été Romeo Martinez et Allan Porter. Le premier a pris ses fonctions en juillet 1956. Il est connu pour avoir engagé Camera dans une nouvelle ère en rendant la revue disponible en anglais, français et allemand, dans des éditions séparées, et bien sûr pour avoir révélé un certain nombre d’artistes. Martinez n’était pas photographe, mais en tant que journaliste à la connaissance pointue en art et histoire de la photographie, il a été en mesure d’augmenter le lectorat de Camera, contre toute attente. Romeo Martinez a quitté le magazine après l’édition de mai 1964 sans être remplacé, et la publication a continué d’être éditée sous sa directrice, Alice Bucher, et l’équipe restante. Et ce pendant presque deux ans.
Le second, Allan Porter donc, a d’abord officié en rédacteur en chef invité en décembre 1965, mais il occupera officiellement le poste en janvier de l’année suivante. Le fait que Mme Bucher choisisse un citoyen américain sans réel lien avec l’Europe a alors été difficile à accepter, par l’équipe notamment, mais son talent pour la conception devait selon elle s’avérer d’une grande aide pour un magazine alors en difficulté. Sous sa direction, Camera a été marqué non seulement par la découverte de talents avant-gardistes de l’image, mais aussi par une étude moderne de la photographie ainsi que par la reconnaissance des œuvres de maîtres du passé. Et ce jusqu’à sa première mort en décembre 1981. Grâce à Allan Porter, la distribution du magazine avait atteint 50 000 exemplaires.
Les anciens numéros existant encore aujourd’hui font office de biens précieux. Certaines des plus grandes bibliothèques photo du monde, tels celle du Centre Pompidou à Paris, de la Maison européenne de la photographie ou, aux Etats Unis, de l’International Center of Photography, possèdent dans leur collection les volumes cartonnés de Camera, conservés en ouvrages de référence.
