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Arles 2019 : Hey! What’s Going On? – Manuel Rivera-Ortiz

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Les Enfants Oubliés d’Ahmedabab.

Je suis parti en Inde à la recherche de richesses. Non pas les richesses d’un monde hostile et rude, mais les richesses d’une nation aimable et ancienne chargée d’histoire.

À Amdabad, je suis tombé sur le seuil du célèbre centre de la non-violence, de Gandhi.

De la grande cour de l’ashram de Sabarmati, je suis entré dans ce qui était la maison de Gandhi pendant près de treize ans, alors qu’il cherchait encore sa voix.
C’est alors que j’ai rencontré le Dr A.T. Ariyaratne, fondateur de Sarvodaya, une organisation pour les pauvres des campagnes de son Sri Lanka natal, et ancien candidat au prix Nobel – dans le couloir de l’ancien foyer de Gandhi. Le Dr Ariyaratne était aussi venu en quête de connaissances. Et nous l’avons tous les deux trouvé dans les endroits les plus étranges, son urne vide exposée derrière une mince paroi de verre, juste à droite de sa célèbre canne et ses frêles lunettes. Gandhi était un homme simple. Son sensibilité et sa compassion pour les pauvres et les opprimés (les intouchables Dalits) sont contagieuses. Plus besoin de mots pour nous, nous avions tout simplement compris.

Amdabad est la capitale de l’État indien du Gujarat et la septième ville de l’Inde. L’ashram de Sabarmati, propre, épuré, contemplatif, représentait pour Gandhi et pour nous tout ce qui était idéal et décent pour les masses indiennes et pour l’humanité.

A quelques kilomètres de l’ashram, dans un minuscule bidonville, derrière des stands de légumes et de sodas éparpillés, le rire et les cris des enfants ont attiré mon attention. En bas d’une petite colline, sur la rive oust d’un affluent sale de la rivière Sabarmati, les enfants se réunissaient pour aller à l’école dans une petite salle de classe sans murs parmi les cabanes au toit de tôle.

À peine entré, j’ai été accueilli par les visages rayonnants des petits assis par terre, apprenant leur alphabet anglais. Alors qu’eux allaient à l’école, la plupart des enfants du bidonville passaient leurs journées à s’occuper de leurs petits frères et soeurs pendant que les parents luttaient pour se nourrir et cherchaient du travail.

Mirnuxi Dhairew, l’un des deux enseignants du Kasturben Himmatlal Jani Charitable Trust, m’invita à rencontrer les élèves. Certains d’entre eux étaient timides et introvertis.

« Ils ont été maltraités », dit Dhairew, « les adultes ici profitent d’eux quand les parents ne sont pas là ! »

Ça se lisait sur leurs visages –la méfiance et la peur des adultes. Les enfants plus âgés essaient de faire prevue d’un certain degré d’adaptation à ce qui leur arrive quand personne n’est là pour les protéger. Alors Dhairew réunit
leur attention et leur demande de chanter l’alphabet.
Ici vit l’esprit Gandhi, ancré dans les moeurs et parmi les enfants oubliés. Il y connaissait la dure réalité des jeunes du bidonville dont s’occupe aujourd’hui Kahija, foundation caritative dont le but est de fournir éducation et soins médicaux aux enfants des rues.

Les enfants de Dhairew, pris en charge par Kahija, ont été victime de violence physique et mentale ; malades, affamés et sans abri. Démunis, abandonnés, toxicomanes et prostitués ; devenus séropositifs à la suite de rapports sexuels forcés. Sur les 2 000 cas d’Amdabad pris en charge par Kahija, près de 45 pour cent reçoivent un traitement actif pour une MST.

« Les voisins les violent », dit Sushri Sonal Kellogg, un chroniqueur à l’époque pour The Asian Age à Amdabad. Kellogg a peu d’espoir pour les enfants des bidonvilles ou leurs familles. « Personne ne semble trop se soucier de ce qui se passe là-bas,» disait-il, « tout le monde en souffre. Les besoins sont trop importants. »

Mendiants dans la rue, trieurs d’ordures dans des décharges, ou alors, s’ils avaient de la chance, ouvriers dans l’usine de papier voisine, les parents des bidonvilles n’ont d’autre choix que de laisser leurs enfants seuls. Il arrive que des voisins donnent un coup de main, mais ces actes de générosité sont rares. Les abus persistent dans ces quartiers marginaux –un phénomène que j’ai vu se reproduire dans les bidonvilles de Mumbai à Calcutta.

Je voyais ça souvent là où j’ai grandi –activité sexuelle forcée, sans règles, gratifiante pour certains, psychologiquement désastreuse pour d’autres, en particulier les petites victimes. Chez nous, Papa travaillait beaucoup sur les champs de canne à sucre, ou loin en Nouvelle-Angleterre. Mamá restait seule des mois durant pour s’occuper de nous, apportant l’eau de la rivière voisine et lavant les vêtements contre des pierres usées. Telles sont les heures où, dans les bidonvilles, les malheurs arrivent aux enfants. Les heures où la vie bascule pour les petites victimes.

Bienvenue dans la jungle de la pauvreté. Bienvenue aux lépreux oubliés de notre société.

J’espère continuer de capturer des histoires touchantes à travers mon objectif, afin de sauvegarder, ne serait-ce que pour un instant, la vie et l’âme de toutes ces personnes incroyables à travers le globe.

Manuel Rivera-Ortiz focalise son travail sur les personnes dans les pays en développement. « Mon enfance façonne mes propos en photographie » dit-il, « Ces enfants du bidonville rappellent si bien ma vie, qu’ils me fascinent. »

Manuel Rivera-Ortiz

 

Biographie
Manuel Rivera-Ortiz est né dans le village de Pozo Hondo, près de Guayama, à Porto Rico. En grandissant, il n’imaginait pas la pauvreté dans laquelle vivait sa famille. « Nous manquions très souvent de nourriture. Pour survivre, mes frères et soeurs quémandions régulièrement les restes à nos voisins. » Une vie qu’il n’oubliera jamais et qui se trouve aujourd’hui au coeur même de cette Fondation qui témoigne du sort malheureux de ses habitants.
Après Porto Rico, Rivera-Ortiz a emménagé à Holyoke, Massachusetts, en 1979. En 1981, la famille déménage à Rochester, NY, où il vit toujours aujourd’hui. Diplômé en littérature anglaise de l’université de Nazareth, à Rochester, il apprend le journalisme à l’Université de Columbia, à New York. Il a travaillé dans l’édition de journaux et magazines, à la télévision, et est l’auteur de plusieurs livres en photographie, en plus d’être le président et fondateur de la Fondation portant son nom.

Commissaire : Nicolas HAVETTE
Partenaire : ChromaLuxe

Hey! What’s Going On?
du 1er juillet au 22 septembre 2019
Fondation Manuel Rivera-Ortiz
18 rue de la Calade, Arles
www.mrofoundation.org
www.rencontres-arles.com

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